Quelle est la problématique ?
Les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique (MRC) présentent un risque plus élevé de maladie cardiaque et de déclin de la fonction rénale. L'augmentation de la quantité de protéines dans l'urine est un signe de stress rénal et est liée à une diminution de la fonction rénale. Les médicaments utilisés pour abaisser la pression artérielle et réduire les niveaux de protéines dans l'urine - en particulier les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) - restent le traitement de base pour prévenir le déclin de la fonction rénale dans la MRC.
La protection de la fonction rénale avec ces médicaments pourrait cependant être incomplète et l'ajout d'un antagoniste de l'aldostérone (inhibiteur) (par exemple, la spironolactone, la canrénone, l'éplérénone ou la finerénone) pourrait mieux protéger la fonction rénale à long terme. En empêchant la production d'aldostérone, les reins excrètent davantage d'eau, ce qui peut entraîner une baisse de la pression artérielle. Cependant, ils peuvent provoquer des effets secondaires, notamment une augmentation de la taille des tissus mammaires masculins, et lorsqu'ils sont utilisés avec des IECA ou des ARA, ils pourraient entraîner des taux élevés de potassium dans le sang ou une diminution de la fonction rénale.
Qu'avons-nous fait ?
Nous avons examiné les études disponibles sur l'ajout d'inhibiteurs de l'aldostérone au traitement standard chez les personnes atteintes de MRC afin de voir s'ils ralentissaient le déclin de la fonction rénale et le besoin ultérieur de dialyse ou de greffe de rein. Nous avons cherché à savoir s'ils réduisaient les maladies cardiaques, la quantité de protéines dans l'urine ou s'ils amélioraient la pression sanguine. Nous avons également examiné si les inhibiteurs d'aldostérone étaient sûrs en termes de risques d'augmentation de la taille des seins chez l'homme, de niveaux de potassium dans le sang et d'effets à court terme sur la fonction rénale.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons constaté que l’ajout d’inhibiteurs d’aldosterone aux médicaments actuels d’un patient (IECA ou ARA), a abaissé à la fois la protéine dans l’urine et la pression artérielle systolique. La fonction rénale a diminué, mais les effets sur la survie sont incertains. L'ajout d'inhibiteurs d’aldostérone a augmenté la quantité de potassium dans le sang. Cela pourrait nécessiter des changements de médicaments, des tests sanguins supplémentaires et pourrait être potentiellement dangereux. Le traitement par des inhibiteurs d'aldostérone a également augmenté les risques de déclin à court terme de la fonction rénale et d'élargissement du tissu mammaire masculin.
Conclusions
Il n'est pas clair si les inhibiteurs d'aldostérone protègent la fonction rénale ou préviennent les maladies cardiaques chez les personnes atteintes de maladies rénales chroniques.
Les effets des antagonistes de l'aldostérone, lorsqu'ils sont ajoutés aux inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) ou aux antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) (ou aux deux), sur les risques de décès, d'événements cardiovasculaires majeurs et d'insuffisance rénale chez les personnes atteintes d’une maladie rénale chronique protéinurique sont incertains. Les antagonistes de l'aldostérone pourraient réduire la protéinurie, le taux de filtration glomérulaire estimé et la pression artérielle systolique chez les adultes atteints d'une maladie rénale chronique légère à modérée, mais pourraient augmenter le risque d'hyperkaliémie, de lésions rénales aiguës et de gynécomastie lorsqu'ils sont ajoutés à aux IECA et/ou aux ARA.
Le traitement par les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) est utilisé pour réduire la protéinurie et retarder la progression de la maladie rénale chronique (MRC). Cependant, la résolution de la protéinurie pourrait être incomplète avec ces thérapies et l'ajout d'un antagoniste de l'aldostérone pourrait être ajouté pour prévenir davantage la progression de la MRC. Ceci est une mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2009 et mise à jour en 2014.
Évaluer les effets des antagonistes de l'aldostérone (sélectifs (éplérénone), non sélectifs (spironolactone ou canrénone), ou des antagonistes des minéralocorticoïdes non stéroïdiens (finérénone)) chez les adultes atteints d’une MRC avec protéinurie (gamme néphrotique et non néphrotique) sur les critères d'évaluation centrés sur le patient, y compris l'insuffisance rénale (précédemment appelée maladie rénale terminale), les événements cardiovasculaires majeurs et le décès (toutes causes confondues) ; la fonction rénale (protéinurie, taux de filtration glomérulaire estimé (DFGe) et doublement de la créatinine sérique) ; la pression artérielle et les événements indésirables (y compris l'hyperkaliémie, les lésions rénales aiguës et la gynécomastie).
Nous avons effectué une recherche dans le registre d’études du groupe Cochrane sur le rein et la greffe jusqu'au 13 janvier 2020 en contactant le spécialiste de l'information et en utilisant des termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le Registre sont identifiées au moyen de recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, les rapports de conférences, le portail de recherche du système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS (ICTRP) et ClinicalTrials.gov.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des quasi-ECR qui comparaient les antagonistes de l'aldostérone en association avec l’IECA ou l’ARA (ou les deux) à d'autres stratégies antihypertensives ou à un placebo chez des participants atteints de MRC protéinurique.
Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment la qualité des études et extrait les données. Les données ont été regroupées à l'aide d'une méta-analyse des effets aléatoires. Nous avons exprimé les estimations regroupées du traitement sous la forme de risque relatif (RR) pour les critères de jugement dichotomiques et d'une différence moyenne (DM) pour les critères de jugement continus, ou d'une différence moyenne standardisée (DMS) lorsque différentes échelles étaient utilisées avec leur intervalle de confiance (IC) à 95 %. Le risque de biais a été évalué à l'aide de l'outil Cochrane. Le niveau de confiance des données probantes a été évaluée à l'aide de GRADE.
Quarante-quatre études (5745 participants) ont été incluses. Le risque de biais dans les domaines méthodologiques évalués était peu clair ou à haut risque dans la plupart des études. La génération de séquences aléatoires adéquates était présente dans 12 études, la dissimulation de l'allocation dans cinq études, l'aveuglement des participants et des chercheurs dans 18 études, la mise en aveugle des évaluateurs des critères de jugement dans 15 études et le compte redu complet des résultats dans 24 études.
Toutes les études comparant les antagonistes de l'aldostérone à un placebo ou à un traitement standard ont été utilisées en complément des IECA ou des ARA (ou des deux). Aucune de ces études n'était capable de détecter des différences dans les critères de jugement au niveau des patients, y compris l'insuffisance rénale, les événements cardiovasculaires majeurs ou le décès.
Les antagonistes de l'aldostérone ont eu des effets incertains sur l'insuffisance rénale (2 études, 84 participants : RR 3,00, IC à 95 % 0,33 à 27,65, I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), décès (3 études, 421 participants : RR 0,58, IC à 95 % 0,10 à 3,50, I² = 0% ; données probantes d’un niveau de confiance faible), et les événements cardiovasculaires (3 études, 1067 participants : RR 0,95, IC à 95 % 0,26 à 3,56 ; I² = 42% ; données probantes d’un niveau de confiance faible) par rapport au placebo ou aux soins standard. Les antagonistes de l'aldostérone pourraient réduire l'excrétion des protéines (14 études, 1193 participants : DMS -0,51, IC à 95 % -0,82 à -0,20, I² = 82 % ; données probantes de d’un niveau de confiance très faible), DFGe (13 études, 1165 participants, DM -3,00 mL/min/1,73 m², IC à 95 % -5,51 à -0,49, I² = 0 %, données probantes d’un niveau de confiance faible) et pression artérielle systolique (14 études, 911 participants : DM -4,98 mmHg, IC à 95 % -8,22 à -1,75, I² = 87 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) par rapport au placebo ou aux soins standard.
Les antagonistes de l'aldostérone augmentent probablement le risque d'hyperkaliémie (17 études, 3001 participants : RR 2,17, IC à 95 % 1,47 à 3,22, I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), lésion rénale aiguë (5 études, 1446 participants : RR 2,04, IC à 95 % 1,05 à 3,97, I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), et la gynécomastie (4 études, 281 participants : RR 5,14, IC à 95 % 1,14 à 23,23, I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) par rapport au placebo ou aux soins standard.
Les antagonistes non sélectifs de l'aldostérone associés aux IECA ou aux ARA ont eu des effets incertains sur l'excrétion des protéines (2 études, 139 participants : DMS -1,59, IC à 95 % -3,80 à 0,62, I² = 93 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) mais pourrait augmenter le potassium sérique (2 études, 121 participants : DM 0,31 mEq/L, IC à 95 % 0,17 à 0,45, I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible) par rapport aux diurétiques associés aux IECA ou aux ARA. Les antagonistes sélectifs de l'aldostérone pourraient augmenter le risque d'hyperkaliémie (2 études, 500 participants : RR 1,62, IC à 95 % 0,66 à 3,95, I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible) comparé aux IECA ou aux ARA (ou les deux). Les études étaient insuffisantes pour réaliser des méta-analyses permettant de comparer les antagonistes non sélectifs de l'aldostérone et les bloqueurs de canaux calciques, les antagonistes sélectifs de l'aldostérone associés aux IECA ou aux ARA (ou aux deux) et le nitrate associé aux IECA ou aux ARA (ou aux deux), et les antagonistes minéralocorticoïdes non stéroïdiens et les antagonistes sélectifs de l'aldostérone.
Post-édition effectuée par David Robinson et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr