Problématique de la revue
Nous avons comparé les inhibiteurs du SRA (système rénine-angiotensine) en tant que médicaments de première intention dans le traitement de l'hypertension à d'autres types de médicaments de première intention (diurétiques thiazidiques, bêta-bloquants, inhibiteurs calciques, alpha-bloquants ou médicaments actifs sur le système nerveux central (SNC)).
Contexte
L'hypertension est une affection médicale de longue durée associée à des conditions de mortalité et de morbidité cardiovasculaires, telles que la coronaropathie, les maladies cérébro-vasculaires et les maladies vasculaires périphériques, qui auront pour effet de réduire la qualité de vie. Au cours des dernières années, les inhibiteurs du SRA sont devenus un élément central des interventions contre l'hypertension et ont été prescrits à grande échelle pour traiter l'hypertension. Cependant, nous ne savons pas encore très bien si les inhibiteurs du SRA sont meilleurs que d’autres antihypertenseurs en termes de critères de jugement cliniquement pertinents.
Date des recherches
Nous avons recherché des données probantes jusqu'en novembre 2017.
Caractéristiques de l’étude
Pour cette revue, nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) en double aveugle et en groupes parallèles. Nous avons inclus 45 essais avec 66 625 participants qui ont fait l'objet d'un suivi variant de 0,5 an à 5,6 ans. L'âge moyen des participants était de 66 ans.
Résultats principaux
Nous avons constaté que les inhibiteurs du SRA de première intention engendraient davantage d'insuffisances cardiaques et d'accidents vasculaires cérébraux que les thiazides de première intention. Comparativement aux inhibiteurs calciques de première intention, les inhibiteurs du SRA de première intention ont montré de meilleurs résultats en ce qui concerne la prévention de l'insuffisance cardiaque, mais sont moins efficaces pour ce qui est de la prévention des accidents vasculaires cérébraux, avec une réduction absolue du risque plus élevée dans le cas de l'insuffisance cardiaque que l’augmentation absolue du risque dans le cas de l’accident vasculaire cérébral. Comparativement aux bêta-bloquants de première intention, les inhibiteurs du SRA ont permis de réduire le nombre total d'événements cardiovasculaires et d'accidents vasculaires cérébraux. De légères différences ont été décelées en matière d'efficacité pour abaisser la tension artérielle, mais elles ne semblaient pas être liées au nombre de crises cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux ou de problèmes rénaux.
Qualité des donnée probantes
Dans l'ensemble, la qualité des donnée probantes, évaluée à l’aide de la méthode GRADE, variait de faible à moyenne. Des données probantes de qualité moyenne ont démontré que les thiazides de première intention apportaient de meilleurs résultats par rapport aux inhibiteurs du SRA de première intention pour ce qui est de la prévention de l'insuffisance cardiaque et des accidents vasculaires cérébraux. Quant à la comparaison entre les inhibiteurs du SRA et les inhibiteurs calciques, la qualité des données probantes a été jugée comme étant moyenne. La qualité des données probantes était faible pour ce qui est de la comparaison entre les inhibiteurs du SRA et les bêta-bloquants sur l'ensemble des événements cardiovasculaires et des accidents vasculaires cérébraux étant donné que les résultats étaient fondés principalement sur un essai de grande envergure présentant un risque de biais modéré à élevé.
Les décès toutes causes confondues sont similaires pour les inhibiteurs du SRA de première intention et les inhibiteurs calciques de première intention, les thiazides et les bêta-bloquants. Toutefois, des différences ont été observées au niveau de certains critères de jugement sur la morbidité. Les thiazides de première intention ont provoqué moins d'IC et d'AVC que les inhibiteurs du SRA de première intention. Les inhibiteurs calciques de première intention ont augmenté le nombre d’IC mais diminué le nombre d’AVC par rapport aux inhibiteurs du SRA de première intention. L'ampleur de l'augmentation du nombre d’IC a dépassé la diminution du nombre d'AVC. Des données probantes de faible qualité suggèrent que les inhibiteurs du SRA de première intention ont réduit le nombre d’accidents vasculaires cérébraux et d’événements CV totaux par rapport aux bêta-bloquants de première intention. Les légères différences d’effets sur la tension artérielle constatées entre les différentes classes de médicaments ne corrélaient pas avec les différences constatées au niveau des critères de jugement relatifs à la morbidité.
Ceci est la première mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2015. Les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) comprennent les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ECA), les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) et les inhibiteurs de la rénine. Ils sont couramment prescrits pour le traitement de l'hypertension, en particulier chez les personnes diabétiques en raison de leurs hypothétiques avantages en matière de réduction de la néphropathie diabétique et de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires. En dépit d'une utilisation répandue pour traiter l'hypertension, l'efficacité et l'innocuité des inhibiteurs du SRA par rapport à d'autres classes d'antihypertenseurs demeurent incertaines.
Évaluer les bienfaits et les risques des inhibiteurs du SRA de première intention par rapport à d'autres antihypertenseurs de première intention chez les personnes atteintes d'hypertension.
Le Spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur l’hypertension a recherché des essais contrôlés randomisés dans les bases de données suivantes jusqu'en novembre 2017 : le Registre Spécialisé du Groupe Cochrane sur l’Hypertension, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE (depuis 1946), Embase (depuis 1974), le système d’ enregistrement international des essais cliniques de l’Organisation Mondiale de la Santé, et ClinicalTrials.gov. Nous avons également contacté certains auteurs d'articles pertinents concernant d'autres travaux publiés et non publiés. Les recherches ont été effectuées sans aucune restriction linguistique.
Nous avons inclus des études randomisées, contrôlées par substance active et en double aveugle (ECR) avec un suivi d'au moins six mois chez des personnes présentant une hypertension artérielle (≥ 130/85 mmHg), ayant comparé les inhibiteurs du SRA de première intention à d'autres classes d'antihypertenseurs de première intention et qui ont rendu compte de critères de jugement tels que la morbidité et la mortalité ou la tension artérielle. Nous avons exclu les personnes souffrant d'hypertension secondaire avérée.
Deux auteurs ont indépendamment sélectionné les essais inclus, évalué les risques de biais et saisi les données pour analyse.
Cette mise à jour inclut trois nouveaux ECR, soit 45 au total, impliquant 66 625 participants, dont l'âge moyen est de 66 ans. Les données probantes à l'appui de nos critères de jugement principaux sont issues, pour une grande part, d’un petit nombre d'ECR de grande envergure à faible risque, pour la plupart des sources, de biais. Dans certaines études, les déséquilibres parmi les antihypertenseurs de deuxième intention supplémentaires étaient suffisamment importants pour que nous rétrogradions la qualité des données probantes.
Les principaux critères de jugement étaient les suivants : décès toutes causes confondues, accident vasculaire cérébral (AVC) mortel et non mortel, infarctus du myocarde (IM) mortel et non mortel, insuffisance cardiaque congestive (ICC) mortelle et non mortelle nécessitant une hospitalisation, événements cardiovasculaires (CV) totaux (AVC mortel et non mortel, IM mortel et non mortel et ICC mortelle et non mortelle nécessitant une hospitalisation) et insuffisance rénale terminale (IRT). Les critères de jugement secondaires étaient la tension artérielle systolique (TAS), la tension artérielle diastolique (TAD) et la fréquence cardiaque (FC).
Comparativement aux inhibiteurs calciques de première intention, nous avons trouvé des données probantes de qualité moyenne indiquant que les inhibiteurs du SRA de première intention diminuaient le nombre d’insuffisances cardiaques (IC) (35 143 participants dans 5 ECR, risque relatif (RR) 0,83, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,77 à 0,90, réduction absolue du risque (RAR) 1,2 %) et augmentaient le nombre d'AVC (34 673 participants dans 4 ECR, RR 1,19, IC à 95 % 1,08 à 1,32, augmentation absolue du risque (AAR) 0,7 %). Des données probantes de qualité moyenne ont montré qu’il n’y avait aucune différence d’effets entre les inhibiteurs du SRA de première intention et les inhibiteurs calciques de première intention quant aux décès toutes causes confondues (35 226 participants dans 5 ECR, RR 1,03, IC à 95 % 0,98 à 1,09), aux événements CV totaux (35 223 participants dans 6 ECR, RR 0,98, IC à 95 % 0,93 à 1,02) et aux IM totaux (35 043 participants dans 5 ECR, RR 1,01, IC à 95 % 0,93 à 1,09). Des données probantes de faible qualité suggèrent qu’aucune différence d’effets n'a été observée non plus quant à l’IRT (19 551 participants dans 4 ECR, RR 0,88, IC à 95 % 0,74 à 1,05).
Comparativement aux thiazides de première intention, nous avons trouvé des données probantes de qualité moyenne indiquant que les inhibiteurs du SRA de première intention augmentaient le nombre d’IC (24 309 participants dans 1 ECR, RR 1,19, IC à 95 % 1,07 à 1,31, AAR 1,0 %) et le nombre d'AVC (24 309 participants dans 1 ECR, RR 1,14, IC à 95 % 1,02 à 1,28, AAR 0,6 %). Des données probantes de qualité moyenne ont montré qu’il n’y avait aucune différence d’effets entre les inhibiteurs du SRA de première intention et les thiazides de première intention quant aux décès toutes causes confondues (24 309 participants dans 1 ECR, RR 1,00, IC à 95 % 0,94 à 1,07), aux événements CV totaux (24 379 participants dans 2 ECR, RR 1,05, IC à 95 % 1,00 à 1,11) et aux IM totaux (24 379 participants dans 2 ECR, RR 0,93, IC à 95 % 0,86 à 1,01). Des données probantes de faible qualité suggèrent qu’aucune différence d’effets n’a été observée non plus quant à l’IRT (24 309 participants dans 1 ECR, RR 1,10, IC à 95 % 0,88 à 1,37).
Comparativement aux bêta-bloquants de première intention, des données probantes de faible qualité suggèrent que les inhibiteurs du SRA de première intention ont permis de réduire le nombre total d'événements CV (9 239 participants dans 2 ECR, RR 0,88, IC à 95 % 0,80 à 0,98, RAR 1,7 %) et d'AVC (9 193 participants dans 1 ECR, RR 0,75, IC à 95 % 0,63 à 0,88, RAR 1,7 %). Des données probantes de faible qualité suggèrent qu’il n’y avait aucune différence d’effets entre les inhibiteurs du SRA de première intention et les bêta-bloquants de première intention quant aux décès toutes causes confondues (9 193 participants dans 1 ECR, RR 0,89, IC à 95 % 0,78 à 1,01), au nombre d’IC (9 193 participants dans 1 ECR, RR 0,95, IC à 95 % 0,76 à 1,18) et aux IM totaux (9 239 participants dans 2 ECR, RR 1,05, IC à 95 % 0,86 à 1,27).
Les comparaisons de la tension artérielle entre les inhibiteurs du SRA de première intention et les autres classes de première intention n'ont révélé aucune différence ou ont révélé de légères différences qui n'étaient pas nécessairement en corrélation avec celles observées au niveau des critères de jugement relatifs à la morbidité.
On ne dispose d'aucune information sur les événements indésirables graves non mortels, car aucun des essais n'a fait état de ce critère de jugement.
Traduction réalisée par Barbara Fowler et révisée par Cochrane France.