Problématique de la revue
Nous avons examiné les données probantes concernant l'effet de l'inhalation de mannitol pour traiter la maladie pulmonaire chez les personnes atteintes de mucoviscidose.
Contexte
La mucoviscidose est une maladie génétique qui affecte les glandes exocrines (glandes sudoripares et autres). Les infections pulmonaires produisent un mucus épais (flegme) pouvant bloquer les voies respiratoires et provoquer une infection plus importante et une inflammation répétée. En retour, cela endommage progressivement les poumons et peut finalement aboutir à une insuffisance respiratoire. Il existe plusieurs médicaments utilisés pour éliminer le mucus des voies respiratoires des personnes atteintes de mucoviscidose et le mannitol en poudre sèche inhalé est un nouveau médicament qui pourrait améliorer leur fonction pulmonaire. La formulation de mannitol en poudre sèche pourrait être plus pratique et plus facile à utiliser que les agents établis délivrés par nébuliseur (par exemple, une solution saline hypertonique). Le mannitol est disponible en Australie et dans certains pays européens. Ceci est une version mise à jour de la revue.
Date des recherches
Les données probantes sont à jour jusqu’au: 12 décembre 2019.
Caractéristiques des études
Nous avons inclus six études (avec un total de 784 adultes et enfants) dans cette revue. Cinq études ont comparé une dose standard de mannitol à un contrôle (une très faible dose de mannitol ou une version de mannitol ne permettant pas au principe actif d'atteindre les poumons) et la sixième étude a comparé le mannitol avec la désoxyribonucléase humaine recombinante (dornase alfa) en nébulisation, à la fois seuls et en association. Les participants pouvaient continuer à utiliser la dornase alfa et d'autres thérapies standard, mais étaient exclus des cinq études sur six s'ils utilisaient une solution saline hypertonique. Le traitement dans ces études a duré de 12 jours à six mois. Cinq études fournissaient les traitements aux personnes en ambulatoire, et dans une étude, les enfants traités étaient hospitalisés en raison d'exacerbations pulmonaires (poussées de la maladie).
Principaux résultats
Il a été difficile de combiner les données probantes des études dans cette revue en raison des différences dans la conception des études, les traitements examinés et les milieux (hôpital ou ambulatoire). Des informations supplémentaires ont été obtenues auprès du fabricant du médicament et d'un auteur d'étude pour aider dans la revue.
La revue a trouvé des données probantes de qualité faible à très faible indiquant qu'il n'existe pas de différence entre le mannitol associé aux traitements contrôles ou le mannitol administré avec ou sans dornase alfa complémentaire, en matière de qualité de vie. Il y avait des données probantes de qualité modérée indiquant des améliorations dans certaines mesures de la fonction pulmonaire dans les grandes études comparant le mannitol au contrôle. Des effets bénéfiques ont également été constatés dans le sous-groupe des adultes et à la fois chez ceux prenant de la dornase alfa et chez ceux qui n'en prenaient pas. La toux (y compris l'expectoration de sang), la contraction des voies respiratoires, la douleur au niveau du pharynx ou du larynx et les vomissements après le traitement étaient les effets secondaires les plus fréquemment signalés pour les deux traitements, mais rien ne permet de penser que ces effets secondaires survenaient davantage avec le mannitol qu'avec les traitements témoins ou la dornase alfa.
Aucune des études n'a comparé le mannitol à une solution saline hypertonique nébulisée et nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur l'agent le plus approprié pour le dégagement des voies aériennes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour répondre à cette question.
Qualité des données probantes
Nous avons jugé la qualité des données probantes de cette revue comme étant très faible à modérée, selon le critère de jugement mesuré. Nous ne pensons pas que la conception des études ait affecté les résultats. Nous avons jugé que tous les participants avaient les mêmes chances d'être dans l'un ou l'autre des groupes de traitement et n'auraient pas su à l'avance ou durant l'étude quel traitement ils recevaient. Toutefois, le nombre de personnes ayant abandonné les études pourrait avoir une incidence sur la façon dont les résultats sont interprétés, ainsi que le nombre de personnes recrutées dans les études et la façon dont elles ont été sélectionnées parmi toutes les personnes atteintes de mucoviscidose et qui auraient pu être incluses.
Certaines de ces questions ont toutefois été résolues lorsque le fabricant du médicament (qui a également financé les études) a fourni des informations supplémentaires. Il est important de noter qu'avant de commencer l'étude, les gens ont passé un test afin de savoir s'ils étaient capables tolérer le mannitol et que seuls ceux qui l’étaient pouvaient continuer. Cela signifie que les résultats des études ne s'appliquent qu'aux personnes atteintes de mucoviscidose pouvant tolérer le mannitol.
Il existe des données probantes de qualité modérée que le traitement au mannitol sur une période de six mois est associé à une amélioration de certaines mesures de la fonction pulmonaire chez les personnes atteintes de mucoviscidose par rapport au contrôle. Il existe des données probantes de qualité faible à très faible suggérant l’absence de différence dans la qualité de vie entre les participants prenant du mannitol et ceux du groupe témoin. Cette revue fournit des données probantes de très faible qualité suggérant l’absence de différence dans la fonction pulmonaire ou la qualité de vie lorsque le mannitol était comparé à la dornase alfa seule et au mannitol plus dornase alfa.
Les implications cliniques de cette revue suggèrent que le mannitol pourrait être considéré comme un traitement de la mucoviscidose ; mais des recherches supplémentaires sont nécessaires afin d'établir qui pourrait en bénéficier le plus et si ce bénéfice est maintenu à long terme. En outre, des études comparant son efficacité à celle d'autres thérapies mucolytiques (établies) doivent être entreprises avant qu'il puisse être envisagée pour la pratique courante.
Plusieurs agents sont utilisés pour éliminer les sécrétions des voies respiratoires des personnes atteintes de mucoviscidose. Le mannitol augmente la clairance mucociliaire, mais son mécanisme d'action exact est inconnu. La formulation de mannitol en poudre sèche pourrait être plus pratique et plus facile à utiliser par rapport aux agents établis qui nécessitent une administration par nébuliseur. Des essais de phase III de mannitol en poudre sèche inhalée pour le traitement de la mucoviscidose se sont terminés et il est maintenant disponible en Australie et dans certains pays d'Europe. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue antérieure.
Evaluer si l'inhalation de poudre sèche de mannitol est bien tolérée, si elle améliore la qualité de vie et la fonction respiratoire chez les personnes atteintes de mucoviscidose et quels effets indésirables sont associés au traitement.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais cliniques du groupe Cochrane sur la mucoviscidose et les troubles génétiques constitué de références identifiées dans des bases de données électroniques exhaustives, des recherches manuelles de revues pertinentes et des résumés de conférences.
Date de la dernière recherche : 12 décembre 2019.
Toutes les études contrôlées randomisées comparant le mannitol à un placebo, à d'autres comparateurs actifs inhalés (par exemple, solution saline hypertonique ou dornase alfa) ou à l’absence de traitement.
Les auteurs ont indépendamment évalué les études à inclure, extrait les données et évalué le risque de biais des études prises en compte. La qualité des données probantes a été évaluée au moyen de la méthode GRADE.
Six études (rapportées dans 36 publications uniques) ont été incluses, avec un total de 784 participants.
La durée du traitement dans les études incluses allait de 12 jours à six mois, avec un traitement ouvert pendant six mois supplémentaires dans deux des études. Cinq études ont comparé le mannitol à un contrôle (une très faible dose de mannitol ou du mannitol non respirable) et la dernière étude a comparé le mannitol à la dornase alfa seule et au mannitol combiné à la dornase alfa. Deux grandes études étaient conçues de façon similaire en parallèle et ont fourni des données sur 600 participants, qui ont pu être mises en commun lorsque les données pour un critère de jugement et un moment particuliers étaient disponibles. Les autres études avaient des échantillons beaucoup plus petits (de 22 à 95) et les données n'ont pas pu être mises en commun en raison de différences de conception, d'interventions et de population.
Les données probantes mises en commun des deux grandes études en parallèle furent jugées comme étant de qualité faible à moyenne et celles des petites études de qualité faible à très faible. Dans toutes les études, il y avait un test initial pour voir si les participants toléraient le mannitol, et seuls ceux pouvant tolérer le médicament furent randomisés ; par conséquent, les résultats de l'étude ne sont pas applicables à la population atteinte de mucoviscidose dans son ensemble.
Bien que les documents publiés n'aient pas fourni toutes les données requises pour notre analyse, des données supplémentaires non publiées ont été fournies par le fabricant du médicament et l'auteur de l'une des études.
Selon la mise en commun des grandes études en parallèle comparant le mannitol au groupe témoin, jusqu'à six mois inclus, la fonction pulmonaire (volume expiratoire forcé à une seconde) mesurée à la fois en ml et en % prévus était significativement améliorée dans le groupe mannitol par rapport au groupe témoin (données probantes de qualité modérée). Des résultats bénéfiques étaient observés dans ces études chez les adultes ainsi que chez les utilisateurs et les non-utilisateurs concomitants de dornase alfa dans ces études. Dans les études de moindre envergure, des améliorations statistiquement significatives de la fonction pulmonaire étaient également observables dans les groupes mannitol par rapport aux groupes mannitol non respirable ; cependant, nous avons jugé ces données probantes comme étant de qualité faible à très faible.
Pour les comparaisons du mannitol et du contrôle, nous n'avons trouvé aucune différence constante dans la qualité de vie liée à la santé dans aucun des domaines, à l'exception du fardeau du traitement, qui était moindre pour le mannitol jusqu'à quatre mois dans les deux études groupées de conception similaire ; cette différence n’était pas maintenue à six mois. Il convient de noter que l'outil utilisé pour mesurer la qualité de vie liée à la santé n'a pas été conçu pour évaluer les mucolytiques et que la mise en commun des outils adaptés à l'âge (comme cela a été fait dans certaines des études incluses) pourrait ne pas être valable, de sorte que les résultats ont été jugés de qualité faible à très faible et doivent être interprétés avec prudence. La toux, l'hémoptysie, le bronchospasme, les douleurs pharyngo-laryngées et les vomissements post-toux étaient les effets secondaires les plus fréquemment signalés dans les deux groupes de traitement. Lorsque les taux d'événements indésirables ont pu être comparés, aucune différence statistiquement significative n'a été constatée entre le mannitol et les groupes de contrôle ; bien que certains de ces événements pourraient être cliniquement pertinents pour les personnes atteintes de mucoviscidose.
Pour les comparaisons du mannitol à la dornase alfa seule et au mannitol combiné à la dornase alfa, des données probantes de très faible qualité provenant d'une étude croisée de 12 semaines incluant 28 participants n'ont montré aucune différence statistiquement significative dans les domaines enregistrés de qualité de vie liée à la santé ou les mesures de la fonction pulmonaire. La toux était l'effet secondaire le plus fréquent dans le bras mannitol seul, mais n’a pas été rapportée dans le bras dornase alfa seul et la raison la plus fréquemment citée pour l’abandon dans le bras mannitol combiné à la dornase alfa était les exacerbations pulmonaires.
En ce qui concerne les critères de jugement secondaires de la revue (exacerbations pulmonaires, hospitalisations, symptômes, microbiologie des crachats), les données probantes fournies par les études incluses étaient plus limitées. Pour toutes les comparaisons, aucune différence constante statistiquement et cliniquement significative n'a été observée entre le mannitol et les traitements témoins (y compris la dornase alfa).
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr