Quel est l'objectif de cette revue ?
L'objectif de cette revue Cochrane est d'évaluer l'efficacité des stratégies visant à réduire la corruption dans le secteur de la santé. Les chercheurs de Cochrane ont cherché toutes les études potentiellement pertinentes, et ceux-ci ont trouvé neuf études répondant à leurs critères.
Principaux messages
La revue suggère que certaines stratégies visant à combattre la corruption dans le secteur de la santé peuvent avoir un effet sur la corruption. Ces stratégies incluent l'utilisation d'agences indépendantes pour étudier et punir les cas de corruption, expliquer aux professionnels de la santé que ceux-ci ne sont pas autorisés à accepter des paiements de la part de sociétés pharmaceutiques, s'assurer que les informations sur les prix de la santé sont claires et accessibles pour le public tout en augmentant les salaires des professionnels de la santé. Cependant, la certitude quant à ces preuves varie. Nous avons besoin de plus d'études de haute qualité évaluant les effets de ces interventions et d'autres stratégies.
Qu'est-ce qui a été étudié dans la revue ?
La corruption peut apparaître dans n'importe quelle partie du secteur de la santé, et celle-ci survient lorsque des personnes abusent de leur position pour leur propre bénéfice, pour le bénéfice de leur organisation, ou pour celui de proches. Celle-ci peut prendre plusieurs formes, y compris les pots-de-vin, le vol, ou l'offre d'informations délibérément incorrectes ou inexactes.
Les fonctionnaires de la santé, par exemple, peuvent voler des fonds pour la santé, les directeurs d'hôpitaux peuvent modifier les dossiers des patients pour augmenter les recettes de l'hôpital, les médecins peuvent accepter des pots-de-vin de la part de sociétés pharmaceutiques en échange de l'utilisation des produits de celles-ci et les patients peuvent essayer de soudoyer le personnel hospitalier afin d'éviter d'avoir à attendre pour obtenir un traitement.
La corruption affecte le secteur de la santé de nombreuses manières. Celle-ci peut détourner de l'argent des services de santé, conduire à une détérioration de la qualité des soins et rendre l'accès aux soins de santé injuste, et celle-ci touche souvent le plus fortement les personnes pauvres.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Les auteurs de la revue ont inclus neuf études pertinentes faisant recours à différentes stratégies visant à arrêter la corruption.
• Dans une étude aux États-Unis, les efforts pour étudier et punir la corruption dans le secteur de la santé ont été renforcés. Une agence indépendante au niveau national a coordonné ces efforts, ce qui a conduit à des condamnations et à la récupération de grandes quantités d'argent (haute certitude de preuves). Ces efforts peuvent également avoir conduit à des économies substantielles pour le gouvernement (preuves de faible certitude). Dans une autre étude aux États-Unis une agence indépendante ayant pour but d'étudier et de renforcer les efforts contre la surfacturation a été établie, mais les effets de ces efforts ne sont pas clairs car les preuves sont de très faible certitude. En Inde, des efforts ont été mis en place pour arrêter la corruption en nommant un médiateur dans un état. Cependant, l'effet de cette stratégie n'est pas clair car les preuves sont de très faible certitude.
• Dans une étude en Corée du Sud et dans deux études aux États-Unis, les efforts pour étudier et punir la corruption dans les cliniques et les hôpitaux ont été renforcés, sans établir une agence indépendante. Cependant, il n'est pas possible d'établir clairement si celles-ci étaient efficaces car les preuves sont de très faible certitude.
• Dans une étude au Kirghizistan, le gouvernement a mis en place un certain nombre de stratégies, notamment l'offre d'informations aux patients et au public concernant ce qu'elles devraient payer, ainsi que l'augmentation des salaires du personnel médical. Cette étude montre que ces stratégies pourraient avoir conduit à moins de patients offrant à leurs médecins des paiements informels (preuves de faible certitude).
• Dans une étude réalisée en Allemagne, les médecins travaillant dans des hôpitaux ont reçu des directives indiquant que ceux-ci ne sont pas autorisés à accepter de l'argent ou des cadeaux de la part de sociétés pharmaceutiques. L'étude suggère que cette stratégie pourrait avoir modifié l'attitude des médecins concernant l'influence des sociétés pharmaceutiques sur leur choix de médicaments (preuves de faible certitude).
• Dans une étude réalisée aux États-Unis, les autorités ont introduit une loi nécessitant que les sociétés pharmaceutiques rapportent les cadeaux que celles-ci ont donné aux professionnels de la santé. Dans une autre étude aux USA, des centres de soins communautaires ont tenté d'arrêter la corruption en utilisant une variété de mécanismes de contrôle interne. Cependant, l'effet de ces stratégies n'est pas clair car les preuves étaient de très faible certitude.
Nous ne savons pas quels effets ces stratégies ont sur la santé des gens ou sur les soins de santé, ou si ces stratégies ont eu des effets nocifs. Cela est dû au fait que les études ont seulement évalué les effets des stratégies sur la corruption et sur l'utilisation des ressources, ou parce que les preuves étaient de très faible certitude.
Cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont recherché des études ayant été publiées jusqu'au 6 juin 2016.
Il existe un manque de preuves concernant les meilleures solutions pour réduire la corruption. Les interventions prometteuses comprennent des améliorations dans la détection et dans le sanctionnement de la corruption, en particulier les efforts coordonnés par une agence indépendante. D'autres interventions prometteuses comprennent des directives interdisant aux médecins d'accepter des bénéfices provenant de l'industrie pharmaceutique, des pratiques de contrôle interne dans des centres de santé communautaire, et une augmentation de la transparence et de la reddition des comptes concernant les co-paiements combinée à une réduction des incitatifs stimulant à demander des paiements informels. Il n'est pas clairement établi à quel point une augmentation de la transparence seule réduit la corruption. Il est nécessaire de surveiller et d'évaluer l'impact de toutes les interventions visant à réduire la corruption, y compris leurs potentiels effets indésirables.
La corruption correspond à l'abus ou la complicité dans un abus, d'une position publique ou privée pour le bénéfice propre, pour le bénéfice d'un groupe, d'une organisation ou de proches ; menant à des bénéfices financiers, matériels ou immatériels. Celle-ci est répandue dans le secteur de la santé et représente un problème majeur.
Notre principal objectif était de résumer de façon systématique les preuves empiriques portant sur les effets des stratégies visant à réduire la corruption dans le secteur de la santé. Notre objectif secondaire était de décrire l'éventail de stratégies ayant été essayées et d'orienter les futures évaluations des stratégies prometteuses pour lequelles il n'existe pas suffisamment de preuves.
Nous avons effectué des recherches dans 14 bases de données électroniques jusqu'en janvier 2014, y compris : CENTRAL ; MEDLINE ; EMBASE ; et d'autres bases de données sociologiques, économiques, politiques et en santé ; Human Resources Abstracts jusqu'en novembre 2010 ; Euroethics jusqu'à août 2015 ; et dans des alertes PubMed de janvier 2014 à juin 2016. Nous avons effectué des recherches sur 23 autres sites internet et dans des bases de données regroupant de la littérature grise jusqu'à août 2015, y compris la Banque mondiale, l'International Monetary Fund, le U4 Anti-Corruption Resource Centre, Transparency International, les sites internet d'associations contre la fraude en santé et dans des registres d'essais. Nous avons réalisé des recherches de citations dans Science Citation Index et sur Google Scholar, et nous avons effectué des recherches dans PubMed pour identifier des articles connexes jusqu'en août 2015. Nous avons contacté les chercheurs s'intéressant au domaine de la corruption en décembre 2015, et nous avons examiné les références bibliographiques des articles jusqu'en mai 2016.
Pour l'analyse primaire, nous avons inclus les essais randomisés, les essais non randomisés, les études de séries chronologiques interrompues et les études contrôlées avant-après évaluant les effets d'une intervention visant à réduire la corruption dans le secteur de la santé. Pour l'analyse secondaire, nous avons inclus des études de cas ayant clairement décrit une intervention visant à réduire la corruption dans le secteur de la santé et examinant soit notre objectif primaire ou secondaire, ayant décrit les méthodes que les auteurs de l'étude ont utilisé pour recueillir et analyser les données.
Un auteur de la revue a extrait les données des études incluses et un second auteur de la revue a vérifié les données extraites face aux rapports des études incluses. Nous avons entrepris une synthèse structurée des résultats. Nous avons créé un tableau présentant les résultats ainsi que des tableaux de « Résumé des résultats ». Nous avons utilisé l'approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) pour évaluer la certitude des preuves.
Aucune étude ne remplissait les critères d'inclusion pour l'analyse primaire. Nous avons inclus neuf études remplissant les critères d'inclusion pour l'analyse secondaire.
Une étude a montré qu'un programme d'interventions coordonné par le US Department of Health and Human Services and Department of Justice a récupéré une grande quantité d'argent et a entraîné des centaines de nouveaux cas et de condamnations chaque année (haute certitude des preuves). Une autre étude aux États-Unis a découvert que l'établissement d'une agence indépendante pour étudier et renforcer les efforts contre la surfacturation pourrait entraîner une petite réduction de la surfacturation, mais la certitude de ces preuves était très faible. Une troisième étude réalisée en Inde a suggéré que l'impact d'efforts coordonnés visant à réduire la corruption au moyen d'une augmentation de la détection et de l'application de la loi dépendent d'un soutien politique continu et peuvent être limités par un système judiciaire dysfonctionnel (très faible certitude des preuves).
Une étude en Corée du Sud et deux études aux États-Unis ont évalué le renforcement des efforts visant à étudier et à punir la corruption dans les cliniques et les hôpitaux sans établir une agence indépendante permettant de coordonner ces efforts. Il est difficile de savoir si ceux-ci étaient efficaces car les preuves sont de très faible certitude.
Une étude du Kirghizistan a suggéré qu'une augmentation de la transparence et de la reddition des comptes concernant des co-paiements conjointement à une réduction des incitatifs stimulant à demander des paiements informels peut réduire les paiements informels (faible certitude des preuves).
Une étude menée en Allemagne a suggéré que des directives interdisant aux médecins travaillant dans un hôpital d'accepter toute forme de bénéfice provenant de l'industrie pharmaceutique peut améliorer les attitudes des médecins concernant l'influence des sociétés pharmaceutiques sur leur choix de médicaments (faible certitude des preuves).
Une étude menée aux États-Unis a évalué les effets de l'introduction d'une législation exigeant que les sociétés pharmaceutiques rapportent les cadeaux que celles-ci ont donné aux professionnels de la santé. Une autre étude aux États-Unis a évalué les effets d'une variété de mécanismes de contrôle interne utilisés par des centres de soins communautaires pour arrêter corruptions. Les effets de ces stratégies n'étaient pas clairs car les preuves étaient de très faible certitude.
Traduction réalisée par Martin Vuillème