Un trou maculaire de pleine épaisseur (FTMH) affecte le centre de la macula, la région responsable de la vision détaillée et de la lecture. On pense que cela survient en raison de changements dans la gelée qui remplit l'intérieur de l'œil, le vitré. Le corps vitré est collé à la macula, mais, à un certain moment dans la vie, il est susceptible de se détacher du pourtour de la macula tout en restant attaché en son centre. Avec les mouvements quotidiens des yeux, le vitré tire là où il reste attaché (au centre de la macula) et si la traction est suffisamment forte cela peut casser la macula, générant un trou maculaire. Jusqu'à maintenant, le traitement du trou maculaire impliquait le retrait du vitré par voie chirurgicale ('vitrectomie'). Cependant, cette intervention ne permet pas de fermer tous les trous et de nouvelles techniques ont été étudiées. Le 'pelage' (retrait) de la membrane limitante interne (MLI) de la rétine est l'une d'elles.
L'objectif de cette revue était de déterminer si le pelage post-chirurgical de la MLI autour du trou maculaire permettait d'améliorer les résultats.
Cette revue a trouvé quatre études dans lesquelles des personnes ayant été opérées chirurgicalement du trou maculaire sans pelage de la MLI avaient été comparées à des personnes dont la MLI avait été retirée lors de la première opération subie. En plus de l'examen des données publiées dans ces quatre études, nous avons entrepris une 'méta-analyse des données individuelles des patients (DIP)'. Pour réaliser la méta-analyse des DIP, il est nécessaire de recueillir les données brutes de tous les participants inclus dans chacun de ces ECR, avant et après l'intervention chirurgicale, puis de combiner ensemble toutes les données et de les analyser. Nous sommes parvenus à obtenir les données pour chaque participant inclus dans trois de ces quatre études, que nous avons ensuite analysées et présentons dans cette revue.
Nos résultats ont montré que six et 12 mois après la chirurgie initiale pour traitement du trou maculaire, il n'y avait pas de différence au niveau de la vision entre les participants ayant bénéficié d'un pelage de la MLI et les autres. Après trois mois, cependant, la vision était meilleure chez les participants qui avaient eu un pelage de la MLI. Un plus grand nombre de trous maculaires avaient été fermés et moins de ré-opérations avaient été nécessaires chez les participants ayant eu un pelage de la MLI, sans différences dans le nombre de complications entre les patients ayant eu ou n'ayant pas eu un pelage de la MLI lors de la première chirurgie. Il n'y avait pas de différences dans la façon dont les participants avaient perçu les bénéfices de l'opération. Le pelage de la MLI s'est avéré très clairement rentable, c.-à-d. que les bénéfices obtenus justifiaient le coût du traitement.
Nous concluons que le pelage de la MLI, comparativement au non pelage, augmente les chances de fermeture du trou maculaire avec une seule intervention chirurgicale et réduit le risque qu'une intervention chirurgicale supplémentaire soit nécessaire, sans effets secondaires indésirables ; le pelage de la MLI étant très probablement rentable, il peut être considéré comme la meilleure option disponible pour les personnes atteintes de FTMH idiopathique.
Bien que nous n'ayons trouvé aucune preuve d'un avantage du pelage de la MLI au niveau du principal critère de jugement (acuité visuelle à six mois), le pelage de la MLI semble être supérieur à la même procédure sans pelage car il offre une meilleure rentabilité économique en élevant la probabilité de fermeture anatomique primaire et en diminuant donc la probabilité d'une nouvelle intervention chirurgicale, sans différences avec le non-pelage pour ce qui est des effets secondaires indésirables.
Plusieurs études observationnelles ont laissé entrevoir un bénéfice potentiel du pelage de la membrane limitante interne (MLI) pour traiter le trou maculaire idiopathique de pleine épaisseur (FTMH). Cependant, aucune preuve solide n'existe du bénéfice potentiel de cette manœuvre chirurgicale et l'incertitude demeure parmi les chirurgiens vitréo-rétiniens quant à l'indication du pelage de la MLI, s'il convient de l'utiliser dans tous les cas ou seulement pour les trous anciens et/ou particulièrement grands.
Déterminer si le pelage de la MLI améliore les résultats anatomiques et fonctionnels de la chirurgie du trou maculaire par rapport à la technique sans pelage et étudier l'impact de différents paramètres tels que la présentation de la vision, le stade / la taille du trou et la durée des symptômes, dans le succès de la chirurgie.
Nous avons effectué une recherche dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) qui contient le registre des essais cliniques du groupe Cochrane sur l'ophtalmologie (The Cochrane Library 2013, numéro 2), Ovid MEDLINE, Ovid MEDLINE In-Process and Other Non-Indexed Citations, Ovid MEDLINE Daily, Ovid OLDMEDLINE (de janvier 1950 à février 2013), EMBASE (de janvier 1980 à février 2013), Latin American and Caribbean Literature on Health Sciences (LILACS) (de janvier 1982 à février 2013), le métaRegistre des essais contrôlés (mREC) (www.controlled-trials.com), ClinicalTrials.gov (www.clinicaltrials.gov) et le système d'enregistrement international des essais cliniques de l'OMS (ICTRP) (www.who.int/ictrp/search/fr). Nous avons passé au crible les références bibliographiques des études incluses pour trouver d'éventuelles études supplémentaires non identifiées par les recherches électroniques. Pour les recherches électroniques d'essais nous n'avons appliqué aucune restriction de date ou de langue. Nous avons consulté les bases de données électroniques pour la dernière fois le 28 février 2013.
Nous avons passé au crible les références bibliographiques des études incluses dans la revue, à la recherche d'informations sur d'autres études sur le pelage de la MLI dans la chirurgie du trou maculaire. Nous avons examiné les actes des conférences suivantes jusqu'à février 2013 : American Academy of Ophthalmology (AAO), Annual Meeting of the American Society of Retina Specialists (ASRS), Annual Meeting of the Retina Society, Congress of the Asia-Pacific Academy of Ophthalmology (APAO), European Association for Vision and Eye Research (EVER) Annual Congress, European Vitreoretinal Society (EVRS) Annual Meeting, Association for Research in Vision and Ophthalmology (ARVO) Meeting, International Vitreoretinal Meeting et World Ophthalmology Congress.
Seuls ont été inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant le pelage de la MLI à la même procédure sans pelage.
Deux auteurs de la revue (KSV et NL) ont évalué de façon indépendante les titres et les résumés de tous les ECR identifiés par les recherches électroniques et manuelles.
Nous avons obtenu les données individuelles des patients (DIP) pour trois des quatre essais éligibles identifiés. Le quatrième ECR identifié n'avait été publié sous forme de résumé et aucunes DIP n'étaient disponibles ; nous avons inclus les données de ce résumé publié relatives à un critère de résultat (la fermeture du trou maculaire).
Le principal critère de jugement était l'acuité visuelle de loin après six mois. Les critères secondaires étaient l'acuité visuelle de loin et de près trois et 12 mois après l'opération, l'acuité visuelle de près six mois après l'opération, la fermeture primaire (après une seule intervention chirurgicale) et finale (après plus d'une intervention chirurgicale) du trou de la macula, la nécessité de pratiquer des interventions chirurgicales supplémentaires, la qualité de vie liée à la vision et les complications per- et post-opératoires.
Nous avons effectué une méta-analyse à l'aide de techniques standard (le rapport des cotes (RC) de Mantel-Haenszel pour les résultats binaires, la différence moyenne (DM) pour les résultats continus) au moyen d'un modèle à effet fixe. Pour deux critères de résultat nous avons également utilisé les DIP pour effectuer des analyses ajustées à l'aide de méthodes de régression.
Nous avons identifié et inclus quatre ECR qui avaient été menés au Danemark, en France, à Hong-Kong et au Royaume-Uni / Irlande et avaient randomisé respectivement 47, 80, 49 et 141 participants.
Il n'y avait pas de preuve d'une différence pour le principal critère de jugement (acuité visuelle de loin à six mois), ni pour l'acuité visuelle de loin à 12 mois, entre les groupes randomisés. Il y avait toutefois une amélioration après trois mois de la meilleure acuité visuelle de loin corrigée dans le groupe à pelage de la MLI (DMP -0,09 ; IC 95% -0,17 à -0,02). Nous n'avons pas trouvé de preuve d'une différence en vision de près entre les groupes, après aucun des intervalles de temps étudiés.
Au total, plus de participants dans le groupe à pelage de la MLI que dans le groupe sans pelage avaient obtenu une fermeture primaire du trou maculaire (RC 9,27 ; IC 95% 4,98 à 17,24) et cela restait vrai lorsque les résultats étaient stratifiés selon le stade du trou maculaire. Il y avait également des preuves que ceux du groupe à pelage de la MLI étaient plus susceptibles d'avoir une fermeture définitive du trou maculaire (RC 3,99 ; IC 95% 1,63 à 9,75). Moins de participants avaient nécessité une nouvelle intervention chirurgicale dans le groupe à pelage de la MLI que dans le groupe sans pelage (RC 0,11 ; IC 95% 0,05 à 0,23).
Les taux de complications per- et post-opératoires étaient similaires dans les deux groupes.
Sur la base des résultats d'une étude, il n'y avait aucune preuve qu'après six mois les scores VFQ-25 ou EQ-5D totaux différaient entre les groupes. Sur la base de cette même étude, le pelage de la MLI est très susceptible d'être rentable.