Problématique
Nous avons examiné les éléments de preuve relatifs à l'effet d'une kératoplastie lamellaire antérieure profonde (KLAP, nouvelle technique) par rapport à ceux de la kératoplastie selon la technique standard chez les personnes atteintes de kératocône.
Contexte
Le kératocône est une maladie de la cornée, qui est la surface transparente située sur l'avant de l'œil. Dans le kératocône, la cornée s'amincit et ne peut plus conserver sa forme sphérique, nécessaire pour obtenir une vision «normale». Bien que le kératocône puisse, dans la majorité des cas, être traité avec des lentilles de contact rigides, ce traitement ne suffit pas chez environ 10 % à 15 % des patients, qui nécessitent une greffe de cornée. La greffe peut être en pleine épaisseur (kératoplastie pénétrante) ou en épaisseur partielle (kératoplastie lamellaire). Bien que chacun de ces deux types de transplantation ait, par nature, ses avantages et ses inconvénients propres, leurs résultats cliniques et pratiques n'ont encore jamais été examinés systématiquement.
Caractéristiques de l'étude
Nous avons inclus dans cette revue deux essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur un total de 111 participants. Les deux essais ont été menés dans des centres médicaux en Iran. Tous deux comparent les résultats de la KLAP et de la kératoplastie conventionnelle chez des sujets présentant un kératocône, au moins trois mois après le retrait des points (sur un minimum de 12 mois dans l'étude la plus récente, et entre 6,8 et 36,4 mois dans l'autre étude). Les preuves sont à jour à la date d'octobre 2013.
Principaux résultats
Les résultats suggèrent que le rejet du greffon est plus susceptible de se produire après une kératoplastie pénétrante, mais que la probabilité d'échec de la greffe est similaire dans les deux groupes, tout comme les résultats visuels et structurels.
La KLAP n'a pas pu être menée à bien comme prévu dans quatre cas ; dans trois autres cas, des complications lors de la dissection ont rendu nécessaire une nouvelle intervention. D'autres événements indésirables, de gravité variable, ont été rapportés dans les deux groupes d'intervention. Pour les deux types de chirurgie, ceux-ci incluent un astigmatisme postopératoire (lorsque la cornée n'est plus parfaitement incurvée), une hypertension intraoculaire consécutive à l'administration de corticoïdes, et un défaut de cicatrisation de l'épithélium (la couche antérieure de l'œil). Parmi les receveurs de KLAP, un participant a présenté une néovascularisation interfaciale (croissance de vaisseaux sanguins dans la surface de contact entre la cornée du receveur et le greffon) et un autre un plissement de la membrane de Descemet (un élément structurel de la cornée). Dans les groupes de kératoplastie pénétrante, il a fallu reprendre la suture du greffon chez un participant et un autre présentait une atonie de la pupille (situation dans laquelle la pupille se dilate et ne réagit pas). Les études incluses rapportaient soigneusement les événements indésirables.
Qualité des données
Les preuves restent faibles et leur qualité est jugée très mauvaise à modérée.
De grands essais comparant les résultats de la KLAP et de la kératoplastie pénétrante dans le traitement du kératocône sont nécessaires. Ceux-ci devraient prendre la forme d'essais randomisés en simple insu, dans lequel les receveurs ne sont pas informés du groupe auquel ils sont affectés. De par la nature de l'opération, il n'est probablement pas possible de mener des essais en double insu car les praticiens suffisamment qualifiés pour effectuer l'évaluation des résultats seraient capables de reconnaître quelle greffe tel ou tel participant aurait reçue. Les essais futurs devront inclure un suivi régulier à long terme et employer une méthodologie cohérente.
Nous n'avons trouvé aucune preuve à l'appui d'une différence dans les résultats de MAVC à trois mois post-greffe ou à l'un des autres points dans le temps analysés (notation GRADE : très faible qualité des preuves). Nous n'avons pas non plus trouvé de preuve d'une différence dans les résultats en ce qui concerne la survie du greffon, l'AVNC finale ou résultats kératométriques. Nous avons trouvé quelques preuves que le rejet est plus susceptible de se produire après une kératoplastie perforante qu'après une KLAP (notation GRADE : qualité modérée). Le petit nombre d'études incluses dans l'analyse et les problèmes méthodologiques qu'elles posent toutes les deux ont pour conséquence une mauvaise qualité globale des preuves dans cette revue. Il n'existe pas actuellement de preuves suffisantes pour déterminer quelle technique peut offrir les meilleurs résultats globaux (acuité visuelle finale et temps pour y parvenir, stabilisation kératométrique, risque de rejet ou d'échec ou des deux et risque d'autres effets indésirables) pour les patients atteints de kératocône. De grands essais randomisés comparant les résultats de la kératoplastie pénétrante et de la KLAP dans le traitement du kératocône sont nécessaires.
Le kératocône est une maladie ectasique (amincissement) de la cornée, qui est la surface transparente située sur l'avant de l'œil. Environ 10 % à 15 % des patients chez lesquels un kératocône est diagnostiqué ont besoin d'une greffe de cornée. La greffe peut être en pleine épaisseur (kératoplastie pénétrante) ou en épaisseur partielle (kératoplastie lamellaire).
Comparer les résultats visuels après kératoplastie lamellaire antérieure profonde (KLAP) et kératoplastie pénétrante pour kératocône et comparer des résultats complémentaires relatifs aux facteurs pouvant contribuer à de mauvais résultats visuels (par exemple, astigmatisme, rejet de greffe ou échec).
Nous avons effectué une recherche dans plusieurs bases de données électroniques, notamment CENTRAL, PubMed et EMBASE, sans restriction sur la date ou la langue. Nous avons interrogé les bases de données électroniques pour la dernière fois le 31 octobre 2013. Nous avons aussi consulté manuellement les actes de plusieurs conférences internationales d'ophtalmologie.
Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant les résultats de la KLAP et de la kératoplastie pénétrante dans le traitement du kératocône.
Deux auteurs ont évalué la qualité des essais et extrait les données de manière indépendante. Pour les données dichotomiques (échec de la greffe, rejet, obtention de la vision fonctionnelle), les résultats ont été exprimés en rapports des cotes (RC) et intervalles de confiance (IC) à 95 %. Pour les données continues (meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) postopératoire, acuité visuelle non corrigée (AVNC), astigmatisme kératométrique et équivalent sphérique), les résultats ont été exprimés en différences moyennes (DM) et IC à 95 %.
Nous avons identifié deux études terminées, totalisant 111 participants (n = 30 et n = 81), toutes deux menées en Iran, qui répondaient à nos critères d'inclusion. Les participants présentaient un kératocône préopératoire modéré à sévère et ont été répartis de façon aléatoire pour être opérés par KLAP ou kératoplastie pénétrante. Un seul œil de chaque participant a été traité dans le cadre des essais. La plus petite étude disposait de données de suivi sur 12 mois pour tous les participants. Dans la plus grande étude, quatre opérations par KLAP ont dû être abandonnées en raison d'une défaillance technique et les résultats visuels et de réfraction n'ont pas été mesurés dans pour les participants concernés. La durée du suivi pour les 77 autres participants variait de 6,8 à 36,4 mois, ces 77 sujets ayant tous été suivis pendant au moins trois mois après le retrait des sutures. Les détails de la procédure de randomisation n'étaient pas disponibles pour l'étude plus petit et nous avons donc procédé à des analyses de sensibilité afin de déterminer si ses résultats avaient affecté les résultats globaux de la revue.
Aucune des études incluses ne rapporte de différence entre les groupes pour l'une des mesures de l'acuité visuelle obtenue post-greffe, de l'astigmatisme kératométrique ou de l'équivalent sphérique. Un seul cas d'échec d'une greffe par kératoplastie pénétrante a été signalé. Aucun échec de greffe postopératoire n'a été rapporté dans le groupe KLAP des deux études.
Des cas de rejet de greffe ont été rapportés dans les deux groupes des deux études. La plupart de ces cas ont été traités avec succès avec des corticoïdes. Les données concernant tous les cas de chaque étude (étant donné que les quatre cas qui n'ont pas pu être traités comme prévu étaient techniquement en échec même sans rejet) montrent que la probabilité d'un rejet de greffe est moins grande avec la KLAP (rapport des cotes (RC) : 0,33, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,14 à 0,81, notation GRADE : qualité modérée).
Les résultats de l'analyse de sensibilité indiquent que l'inclusion de l'étude de Razmju 2011 n'a pas biaisé les résultats en ce qui concerne les épisodes de rejet. Bien que l'analyse de sensibilité ait montré une altération des résultats en ce qui concerne le taux d'échec, les données disponibles de l'étude de Javadi 2010 seule avaient un très large IC à 95 %, ce qui suggère une estimation imprécise. Par conséquent, même après avoir retiré les données de Razmju 2011, il reste difficile de tirer des conclusions quant à la supériorité de telle ou telle technique en ce qui concerne les échecs de greffe.
La KLAP n'a pas pu être menée à bien comme prévu dans quatre cas ; dans trois autres cas, des complications lors de la dissection ont rendu nécessaire une nouvelle intervention. D'autres événements indésirables, de gravité variable, ont été rapportés dans les deux groupes d'intervention, avec une fréquence comparable. Pour les deux types de chirurgie, ils incluent un astigmatisme post-opératoire, une hypertension intraoculaire induite par les corticoïdes et des défauts épithéliaux persistants. Parmi les receveurs de KLAP, un participant a présenté une néovascularisation interfaciale (prolifération de vaisseaux sanguins dans la surface de contact entre la cornée du receveur et le greffon) et un autre un plissement de la membrane de Descemet (la membrane basale séparant le stroma cornéen de l'endothélium cornéen). Dans les groupes de kératoplastie pénétrante, il a fallu reprendre la suture du greffon chez un participant et un autre présentait une atonie de la pupille (situation dans laquelle la pupille se dilate et ne réagit pas).
Dans l'ensemble, la qualité de la preuve a été jugée très faible à modérée, avec des limites méthodologiques, une analyse des données incomplètes et des observations imprécises ainsi qu'un risque élevé de biais dans plusieurs domaines pour les deux études.
Traduction réalisée par Cochrane France