Qu'est-ce que la BPCO ?
La BPCO est une maladie respiratoire chronique fréquente qui touche principalement les fumeurs ou les anciens fumeurs. Elle pourrait devenir la troisième cause de décès dans le monde d'ici 2020. En raison des lésions irréversibles de leurs poumons et de leurs voies respiratoires, les personnes atteintes de BPCO éprouvent progressivement de plus en plus de difficulté à respirer et présentent de la toux avec des expectorations (mucosités). Les personnes atteintes de BPCO peuvent présenter des poussées (ou exacerbations) le plus souvent associées à des infections respiratoires. Les exacerbations peuvent accroitre les pertes irréversibles de la fonction pulmonaire, mais également entraîner des jours d'arrêt de travail, des hospitalisations et une diminution de la qualité de vie ou même la mort.
Pourquoi avons-nous fait cette revue ?
Nous avons réalisé cette revue afin de savoir si l’antibioprophylaxie (antibiotiques " prophylactiques ") pouvait réduire la fréquence des exacerbations et améliorer la qualité de vie des patients. Nous avons pris en considération les études qui ont utilisé des antibiotiques prophylactiques administrés en continu (tous les jours), de façon intermittente (trois fois par semaine) ou de façon pulsée (p. ex. cinq jours toutes les huit semaines).
Quelles données probantes avons-nous trouvées ?
Nous avons arrêté la recherche d'études en juillet 2018. Nous avons trouvé 14 essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur 3 932 participants. Toutes les études ont été publiées entre 2001 et 2015. Neuf études portaient sur une antibioprophylaxie continue, deux sur une antibioprophylaxie intermittente et deux sur une antibioprophylaxie pulsée. L'étude finale comprenait un bras continu, un bras intermittent, un bras pulsé et un bras placebo. Les antibiotiques étudiés étaient l'azithromycine, l'érythromycine, la clarithromycine, la roxithromycine, la doxycycline et la moxifloxacine. Les participants aux études étaient âgées en moyenne de 65 à 72 ans et présentaient une BPCO modérée ou grave. Trois études comprenaient des participants présentant des exacerbations fréquentes et deux des études ont recruté des participants ayant besoin de comprimés de corticoïde ou d'antibiotiques, ou des deux, ou qui étaient au stade terminal de leur maladie et avaient besoin d'oxygène. Une étude n’incluait que des personnes présentant une complication particulière de la BPCO, impliquant le cœur et les vaisseaux sanguins des poumons (connue sous le nom d’hypertension pulmonaire).
Résultats et conclusions
Nous avons constaté qu'avec l'utilisation des antibiotiques, le nombre de participants qui ont développé une exacerbation a diminué de façon marquée. On éviterait à une personne sur huit de souffrir d'une exacerbation. Cependant, tous les schémas antibiotiques n'ont pas eu le même effet sur les exacerbations. Les résultats suggèrent que les antibiotiques administrés au moins trois fois par semaine peuvent être plus efficaces que les antibiotiques administrés quotidiennement pendant quelques jours, suivis d'une pause de plusieurs semaines. Nous avons également constaté que les antibiotiques ont pu avoir un effet bénéfique sur la qualité de vie rapportée par les patients. Par contre, l'utilisation d'antibiotiques n'a pas eu d'effet significatif sur le nombre de décès, quelle qu'en soit la cause, sur la fréquence des hospitalisations ou sur la perte de la fonction pulmonaire pendant la période étudiée.
Même s'il y a moins d'exacerbations avec les antibiotiques, la prise d'antibiotiques présente des inconvénients considérables. Premièrement, il y a eu des effets indésirables spécifiques associés aux antibiotiques, qui différaient selon l'antibiotique utilisé ; deuxièmement, les patients doivent prendre des antibiotiques régulièrement pendant des mois ou des années ; enfin, l'augmentation de la résistance aux antibiotiques qui en résulte aura des répercussions tant pour les patients que pour la communauté en général en réduisant l'efficacité des antibiotiques actuellement disponibles.
En raison des préoccupations concernant l’antibiorésistance et des effets indésirables spécifiques des antibiotiques, l’antibioprophylaxie devrait être envisagée en tenant compte de l'équilibre entre les bénéfices pour chaque patient et les risques potentiels pour la collectivité engendrés par une surutilisation des antibiotiques.
L'utilisation d’une antibioprophylaxie continue et intermittente procure un avantage cliniquement significatif en réduisant les exacerbations chez les patients atteints de BPCO. Toutes les études sur l’antibioprophylaxie continue et intermittente ont utilisé des macrolides ; par conséquent, l'avantage noté ne s'applique qu'à l'utilisation des macrolides prescrits au moins trois fois par semaine. L'effet de l’antibioprophylaxie pulsée reste incertain et nécessite des études complémentaires.
Les études de cette revue incluaient principalement des participants présentant des exacerbations fréquentes avec au moins une BPCO modérée. Il y avait également des participants âgés dont l'âge moyen était supérieur à 65 ans. Les résultats de ces études ne s'appliquent qu'au groupe de participants qui y ont été étudiés et ne peuvent être généralisés à d'autres groupes.
En raison des préoccupations concernant l’antibiorésistance et des effets indésirables spécifiques des antibiotiques, l’antibioprophylaxie devrait être envisagée en tenant compte de l'équilibre entre les bénéfices pour chaque patient et les risques potentiels pour la collectivité engendrés par une surutilisation des antibiotiques. La surveillance des effets secondaires importants, comprenant la perte auditive, les acouphènes et l'allongement de l’intervalle QTc dans la communauté des patients âgés, peut nécessiter des ressources supplémentaires en santé.
Il y a eu un regain d’intérêt pour l’antibioprophylaxie chez les patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) pour réduire la fréquence des exacerbations et améliorer leur qualité de vie.
Déterminer si le traitement régulier (continu, intermittent ou pulsé) des patients atteints de BPCO au moyen d’une antibioprophylaxie réduit les exacerbations ou influe sur leur qualité de vie.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane Airways et dans les bibliographies d’études pertinentes. La dernière recherche documentaire a été effectuée le 27 juillet 2018.
Essais contrôlés randomisés (ECR) ayant comparé l’antibioprophylaxie à un placebo chez des patients atteints de BPCO.
Nous avons utilisé les méthodes standard de Cochrane. Deux auteurs de revue indépendants ont sélectionné les études à inclure, extrait les données et évalué le risque de biais. Nous avons résolu les divergences en faisant appel à un troisième auteur de revue.
Nous avons inclus 14 études dans cette revue auxquelles ont participé 3 932 participants. Nous avons relevé deux autres études qui répondaient aux critères d'inclusion, mais toutes deux ont été terminées rapidement sans donner de résultats. Toutes les études ont été publiées entre 2001 et 2015. Neuf études portaient sur une antibiothérapie par macrolides en continu, deux sur l'antibioprophylaxie intermittente (trois fois par semaine) et deux sur les traitements antibiotiques pulsés (p. ex. cinq jours toutes les huit semaines). La dernière étude comprenait un bras continu, un bras intermittent et un bras pulsé. Les antibiotiques étudiés étaient l'azithromycine, l'érythromycine, la clarithromycine, la doxycyline, la roxithromycine et la moxifloxacine. Les durées des études variaient de trois mois à 36 mois et toutes ont utilisé l'analyse en intention de traiter. La plupart des résultats groupés étaient de qualité moyenne. Le risque de biais des études incluses était globalement faible.
Les études ont recruté des participants dont l'âge moyen se situait entre 65 et 72 ans et dont la plupart étaient atteints de BPCO d'intensité au moins modérée à grave. Cinq études ne comprenaient que des participants présentant des exacerbations fréquentes et deux études ont recruté des participants ayant besoin de stéroïdes ou d'antibiotiques à action générale ou des deux, ou qui étaient au stade terminal de leur maladie et avaient besoin d'oxygène. Une étude a inclus des participants atteints d'hypertension pulmonaire secondaire à la BPCO et une autre a été spécifiquement conçue pour évaluer si l'éradication de Chlamydia pneumoniae réduisait les taux d'exacerbation.
Le nombre d'exacerbations et la qualité de vie ont été les principaux critères de jugement de cette revue.
Avec l'utilisation d'antibiotiques prophylactiques, le nombre de participants ayant présenté une ou plusieurs exacerbations a diminué (rapport des cotes (odds ratio, OR) de 0,57, IC à 95 % de 0,42 à 0,78 ; participants = 2 716 ; études = 8 ; preuves de qualité moyenne). Cela représentait une réduction de 61 % des participants du groupe témoin comparativement à 47 % dans le groupe expérimental (IC 95 %, 39 % à 55 %). Le nombre de sujets à traiter pour obtenir un résultat avec un bénéfice supplémentaire par une antibiothérapie administrée pendant trois à douze mois pour éviter une exacerbation était de 8 (IC à 95 %, de 5 à 17). Le test de différences entre sous-groupes suggère que l’administration des antibiotiques en continu et en intermittence peuvent être plus efficaces que l’administration d’antibiotiques de façon pulsée (P = 0,02, I² = 73,3%).
La fréquence des exacerbations par patient et par année a également été réduite grâce à l'antibioprophylaxie (rapport de fréquence de 0,67 ; IC à 95 % : 0,54 à 0,83 ; participants = 1 384 ; études = 5 ; preuves de qualité moyenne). Bien que nous n'ayons pas été en mesure de grouper les résultats, six des sept études qui ont rapporté le délai avant la première exacerbation ont fait état d'un allongement (c.-à-d. d'un avantage) avec les antibiotiques, ce qui a été jugé statistiquement significatif dans quatre études.
La mesure de la qualité de vie par le questionnaire Saint-George (St George's Respiratory Questionnaire (SGRQ)) avec une antibioprophylaxie montre une amélioration statistiquement significative, mais cette amélioration était inférieure à l'amélioration de quatre unités qui est considérée comme cliniquement significative (différence moyenne (DM) -1,94, IC 95 % -3,13 à -0,75 ; participants = 2 237 ; études = 7, preuves de grande qualité).
L’antibioprophylaxie n'a montré aucun effet significatif sur les critères secondaires. A savoir : la fréquence des admissions à l'hôpital, le changement du volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS), la survenue d’événements indésirables graves ou de la mortalité toutes causes confondues (données de qualité moyenne). La tolérance à l'effort s'est avérée bénéfique dans une certaine mesure, mais elle n’a été montrée par qu’une seule étude de faible qualité méthodologique.
Les effets indésirables enregistrés variaient d'une étude à l'autre selon les antibiotiques utilisés. L'azithromycine était associée à une perte auditive significative dans le groupe traité, perte qui était dans de nombreux cas réversible ou partiellement réversible. L'étude portant sur l’administration pulsée de moxifloxacine a rapporté un nombre significativement plus élevé d'effets indésirables dans le groupe traité en raison de l'augmentation importante des effets indésirables gastro-intestinaux (P < 0,001). Certains effets indésirables ayant entraîné l'arrêt du traitement, comme l’allongement du QTc ou l'apparition d'acouphènes, n'étaient pas significativement plus fréquents dans le groupe traité que dans le groupe placebo, mais sont des éléments importants à prendre en compte dans la pratique clinique.
Le développement d'une résistance aux antibiotiques dans la communauté est une préoccupation majeure. Six études ont rapporté des résultats, mais nous n'avons pas été en mesure de les combiner. Une étude a révélé que les participants nouvellement colonisés présentaient des taux plus élevés d’antibiorésistance. Les participants colonisés au début du traitement par des pseudomonas sensibles à la moxifloxacine sont rapidement devenus résistants à la fluoroquinolone. Une autre étude portant sur trois groupes de traitement actifs a révélé une augmentation du degré de résistance aux antibiotiques dans les isolats des trois groupes après 13 semaines de traitement.
Traduction réalisée par Yannick Ho et révisée par Cochrane France.