De quoi est-il question ?
Des contractions excessivement fortes ou fréquentes peuvent survenir au cours d'un accouchement, bien qu'elles soient plus communes lorsque des médicaments ont été administrés aux femmes pour déclencher ou augmenter les contractions. Dans certains cas, des contractions excessives peuvent être le signe de complications telles qu'un décollement placentaire ou une dystocie. Des contractions excessives peuvent réduire la quantité d'oxygène dont dispose l'enfant à naître.
La "tocolyse" est le traitement médicamenteux administré aux femmes pour réduire l’intensité et/ou la fréquence des contractions. La tocolyse peut possiblement améliorer la circulation sanguine et donc le bien-être du bébé. L’objectif de cette revue était d’évaluer les avantages et les inconvénients de la tocolyse lorsque l'utérus se contracte trop rapidement (plus de 5 contractions sur 2 périodes consécutives de 10 minutes) ou lorsque la surveillance de la fréquence cardiaque du bébé montre des signes de détresse pendant le travail.
Cette nouvelle revue Cochrane annule et remplace la revue Cochrane antérieure portant le même nom.
Pourquoi est-ce important ?
Les bébés qui sont privés d'oxygène pendant le travail peuvent développer de graves problèmes, comme une paralysie cérébrale, des dommages aux organes ou la mort. Lorsque la surveillance fœtale suggère une détresse fœtale, des mesures peuvent être prises pour améliorer les niveaux d'oxygène du bébé. Cela peut inclure l'utilisation de tocolytiques. Ces médicaments peuvent s'avérer particulièrement importants dans les environnements à faibles ressources, où il ne peut pas être immédiatement possible de procéder à un accouchement d'urgence ou de réaliser une césarienne.
Quelles données probantes avons-nous trouvées ?
Nous avons cherché des preuves en février 2018 et avons trouvé huit essais contrôlés randomisés menés parmi 734 femmes présentant des contractions utérines excessives et/ou des signes de détresse fœtale pendant le travail. Les essais ont testé différents groupes de comparaison, ce qui signifie que nos analyses étaient basées sur des données provenant d'études uniques impliquant un petit nombre de femmes. Les femmes ont été réparties au hasard pour recevoir un tocolytique β2-adrénergique ou un traitement alternatif (par ex. : sans tocolytique en attendant une césarienne, en arrêtant les médicaments qui augmentent l’intensité des contractions, ou en utilisant un autre tocolytique comme l'atosiban, le sulfate de magnésium ou la nitroglycérine).
Nous avons combiné les données de deux petits essais cliniques (57 femmes), comparant un tocolytique β2-adrénergique avec l’absence de tocolytique. Deux bébés sont morts dans le ventre de leur mère, tous deux dans le groupe de femmes n’ayant pas pris de tocolytique - l'un avait une grave hydrocéphalie (trop de liquide dans et autour du cerveau) et l'autre est décédé pendant que la mère attendait une césarienne. Le nombre de bébés dont la fréquence cardiaque fœtale est anormale est probablement plus faible dans le groupe de femmes ayant pris un tocolytique, mais les effets sur les autres mesures du bien-être du nourrisson sont incertains.
Très peu d'effets secondaires graves ont été décelés, mais les études étaient trop petites pour évaluer les effets indésirables peu fréquents.
Il n'est pas possible de tirer des conclusions claires sur les avantages et les inconvénients et la qualité des données probantes variait entre très faible et modérée.
Qu'est-ce que cela signifie ?
Il n'y a pas suffisamment de données probantes provenant d'essais contrôlés randomisés pour déterminer les effets de la tocolyse chez les femmes souffrant de détresse fœtale ou de contractions utérines excessives, ni pour déterminer si un type de tocolytique est plus sûr ou plus efficace qu'un autre.
La signification clinique de certaines améliorations dans les mesures du bien-être fœtal grâce aux tocolytiques n'est pas claire. En général, la taille des échantillons était trop petite pour détecter les effets sur le bien-être de la mère ou du nourrisson, ni les effets indésirables graves. La majorité des études se sont déroulées dans des pays à revenu élevé au sein d’établissements de soins ayant accès à la césarienne, ce qui peut limiter l'applicabilité de ces résultats aux environnements à faibles ressources ou dans les lieux où il n’est pas possible de pratiquer une césarienne.
D'autres études de grande qualité, impliquant un grand nombre de femmes, sont nécessaires. Ces études pourraient être axées sur la mesure de critères de jugement cliniquement pertinents pour la mère et son bébé, comme le décès de la mère, du bébé, et d'autres mesures du bien-être et de la sécurité.
Les données probantes sont insuffisantes pour déterminer les effets des tocolytiques sur la tachysystolie utérine ou la détresse fœtale soupçonnée pendant le travail. La signification clinique de certaines des améliorations apportées aux mesures du bien-être fœtal à l'aide de tocolytiques n'est pas claire. La taille des échantillons était trop petite pour détecter les effets sur la morbidité et la mortalité néonatales ou les effets indésirables graves. La majorité des études se sont déroulées dans des pays à revenu élevé au sein d’établissements de soins ayant accès à la césarienne, ce qui peut limiter l'applicabilité de ces résultats aux environnements à faibles ressources ou dans les lieux où il n’est pas possible de pratiquer une césarienne.
D'autres ECR bien conçus et suffisamment puissants sont nécessaires pour évaluer les indicateurs cliniquement pertinents de la morbidité et de la mortalité maternelles et néonatales.
La tachysystolie utérine (plus de 5 contractions sur 2 périodes consécutives de 10 minutes) est fréquente pendant le travail, en particulier avec l'utilisation d'agents de déclenchement du travail. La tachysystolie peut réduire l'oxygénation fœtale en interrompant le flux sanguin maternel vers le placenta pendant les contractions. La réduction des contractions utérines peut possiblement améliorer la circulation sanguine placentaire et l'oxygénation du fœtus. Cette revue visait à évaluer l'utilisation de tocolytiques pour réduire ou arrêter les contractions utérines afin d'améliorer l'état du foetus in utero. Cette nouvelle revue Cochrane annule et remplace la revue Cochrane antérieure portant le même nom.
Évaluation des effets de l'utilisation de la tocolyse aiguë pendant le travail pour la tachysystolie utérine et/ou la détresse fœtale soupçonnée, selon des critères de jugement fœtaux, maternels et néonatals.
Nous avons fait des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane sur la grossesse et l’accouchement, sur ClinicalTrials.gov et dans le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l’OMS (2 février 2018), ainsi que dans les listes de référence des études récupérées.
Des essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant la tocolyse d’urgence pour la tachysystolie utérine et/ou la détresse fœtale intrapartum.
Nous avons utilisé les méthodes standard prévues par Cochrane.
Nous avons inclus huit études (734 femmes), menées en milieu hospitalier, principalement dans des pays à revenu élevé (États-Unis, Autriche, Uruguay). Deux essais ont été menés dans des pays à revenu intermédiaire supérieur et inférieur (Afrique du Sud, Sri Lanka). Les établissements hospitaliers avaient tous la possibilité de pratiquer les césariennes. Dans l'ensemble, les études présentaient un faible risque de biais, à l'exception des méthodes visant à maintenir l'insu. Toutes les études ont utilisé un agoniste sélectif bêta 2(ß2)-adrénergique dans un de leur bras, mais le médicament utilisé variait, tout comme le médicament de comparaison. Les informations disponibles concernant les critères de jugement maternels étaient limitées.
Agoniste sélectif ß2-adrénergique versus aucun agent tocolytique, pendant l’attente d’un accouchement d'urgence
Il y a eu deux bébés mort-nés, tous deux dans le groupe témoin non tocolytique (risque relatif (RR) de 0,23, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,01 à 4,55, 2 études, 57 femmes, preuves de faible qualité). Le premier souffrait d’une hydrocéphalie grave et l'autre est décédé au cours d’un accouchement vaginal suivant 55 minutes d'attente pour une césarienne. La décision d'accoucher par césarienne a été un critère d'inclusion dans les deux études, de sorte que nous n'avons pas pu évaluer ce critère de jugement dans le cadre de cette comparaison. Un tracé anormal du rythme cardiaque fœtal est probablement plus rare avec le traitement tocolytique (RR de 0,28, IC à 95% de 0,08 à 0,95, 2 études, 43 femmes, preuve de qualité moyenne). Les effets sur le nombre de bébés dont le score d'Apgar était inférieur à sept étaient incertains (données de faible qualité).
Injection intraveineuse (IV) d’atosiban versus IV d’hexoprénaline (1 étude, 26 femmes)
Un nourrisson du groupe de l'hexoprénaline a passé plus de 24 heures dans l'unité de soins intensifs néonatals (USIN) à la suite de l’utilisation de forceps au cours de l’accouchement (RR de 0,33, IC à 95 % de 0,01 à 7,50, données de faible qualité). Il n'y a pas eu de mortalité fœtale ou néonatale et aucune cote d'Apgar inférieure à sept. Une césarienne a été pratiquée dans le groupe recevant l'IV d’hexoprénaline (RR de 0,33, IC à 95 % de 0,01 à 7,50, données probantes de faible qualité) et un cas de rythme cardiaque fœtal anormal dans le groupe atosiban (RR de 3,00, IC à 95 % de 0,13 à 67,51, preuves de très faible qualité).
Injection intraveineuse de bromhydrate de fénotérol versus accouchement d'urgence (1 étude, 390 femmes)
Aucune donnée n'a été rapportée concernant les décès périnatals, la morbidité grave ou la mortalité fœtale ou néonatale. L’IV de fénotérol augmente probablement le risque d'accouchement par césarienne (RR de 1,12, IC à 95 % de 1,04 à 1,22, preuves de qualité moyenne). Le fénotérol peut avoir peu ou pas d'effet sur le risque de résultats d'Apgar inférieurs à sept (RR de 1,28, IC à 95 % de 0,35 à 4,68, preuves de faible qualité).
Injection intraveineuse d'hexoprénaline versus l'absence d'agent tocolytique, pendant l’attente d’un accouchement d'urgence (1 étude, 37 femmes)
Aucune donnée n'a été rapportée concernant les décès périnatals ou la morbidité grave. Deux décès fœtaux sont survenus dans le groupe témoin sans tocolytique (RR de 0,23, IC à 95 % de 0,01 à 4,55, données de faible qualité). Le taux d'accouchement par césarienne n'a pas été signalé. Deux bébés ont eu un score d'Apgar inférieur à sept dans le groupe témoin et aucun dans le groupe hexoprénaline (RR de 0,24, IC à 95 % de 0,01 à 4,57, 35 femmes, données de faible qualité).
Terbutaline sous-cutanée versus injection intraveineuse de sulfate de magnésium (1 étude, 46 femmes)
Aucune donnée n'a été rapportée concernant les décès périnatals, la morbidité grave ou la mortalité fœtale ou néonatale. La décision concernant la césarienne était un critère d'inclusion, de sorte que nous n'avons pas pu l'évaluer. Les effets sur le tracé anormal du rythme cardiaque fœtal sont incertains (preuves de très faible qualité).
Terbutaline sous-cutanée avec poursuite de la perfusion d’ocytocique versus arrêt de la perfusion d’ocytocique sans agent tocolytique (1 étude, 28 femmes)
Aucune donnée n'a été rapportée concernant les décès périnatals, la morbidité grave ou la mortalité fœtale ou néonatale. Il peut y avoir peu ou pas de différence dans les taux d'accouchement par césarienne dans les groupes sous terbutaline sous-cutanée (8/15) et témoin (4/13) (RR de 1,73, IC à 95 % de 0,68 à 4,45, preuves de faible qualité). Il n'y a pas eu de cas de scores d'Apgar inférieurs à sept ou de tracé anormal du rythme cardiaque fœtal.
Terbutaline sous-cutanée versus aucun agent tocolytique, pendant l’attente d’un accouchement d'urgence (1 étude, 20 femmes)
Aucune donnée n'a été rapportée concernant les décès périnatals ou la morbidité grave. Il n'y a pas eu de mortalité fœtale ou néonatale. La décision concernant la césarienne était un critère d'inclusion, de sorte que nous n'avons pas pu l'évaluer. Deux bébés ont eu un score d'Apgar inférieur à sept dans le groupe témoin et aucun dans le groupe terbutaline (RR de 0,17, IC à 95 % de 0,01 à 3,08, preuves de faible qualité).
Injection intraveineuse de terbutaline versus injection intraveineuse de nitroglycérine (1 étude, 110 femmes)
Aucune donnée n'a été rapportée concernant les décès périnatals ou la morbidité grave ou la mortalité fœtale ou néonatale. Il peut y avoir peu ou pas de différence dans les taux d'accouchement par césarienne entre le groupe recevant l’injection intraveineuse de terbutaline (30/57) et le groupe témoin (29/53) (RR de 0,96, IC à 95 % de 0,68 à 1,36, preuves de faible qualité). Il n'y a pas eu de cas où le score d'Apgar était inférieur à sept.
Post-édition : Morgane Le Collinet - Révision : Philip Henlin (M2 ILTS, Université Paris Diderot)