Contexte
Chez les nourrissons nés à terme, l'utilisation d'air (21 % d'oxygène) pour la réanimation est généralement bien tolérée et peut être associée à de meilleurs résultats. Les nourrissons nés prématurément (avant 37 semaines de gestation) ont besoin d’une réanimation plus importante à la naissance et ont plus de problèmes d'adaptation par la suite.
Problématique
Cette revue vise à déterminer si l'utilisation de concentrations plus faibles ou plus élevées d'oxygène (ajustées en fonction de la saturation en oxygène du nourrisson ou du pourcentage de sites de liaison de l'hémoglobine dans le sang occupé par l'oxygène) est préférable pour la réanimation des prématurés, lorsqu'elle est utilisée dans les dix premières minutes suivant la naissance.
Résultats
Nous avons inclus dix essais dans cette revue. Les essais comprenaient un total de 914 nourrissons, dont la majorité sont nés avant 32 semaines de gestation. Concernant le critère de mortalité et ceux des autres problèmes de santé du nouveau-né, la revue n'a trouvé aucune preuve d'un effet de l'utilisation d'une concentration d'oxygène initiale plus faible comparativement à une concentration initiale plus élevée visant la saturation en oxygène du nourrisson pour la réanimation. Il n'y avait pas non plus de différence concernant le taux d'intubation des voies respiratoires (insertion d'un tube de plastique souple dans la trachée) pendant la réanimation entre les nourrissons qui avaient reçu des concentrations d'oxygène plus faibles et ceux qui avaient reçu des concentrations d'oxygène supérieures. Il n'y avait pas suffisamment d'information pour déterminer l'effet sur les critères à long terme, y compris en matière de déficience neurodéveloppementale (déficience physique, d'apprentissage, du langage ou du comportement). Nous avons jugé que la qualité globale des données probantes était faible en raison de l'incertitude des effets que nous avons constatés, et de nos craintes concernant la façon dont bon nombre des études ont été menées. Les données probantes présentées dans cette revue sont à jour en octobre 2017.
Conclusions
Lorsque la concentration d’oxygène est titrée pour une saturation en oxygène du nourrisson, il n’est pas possible de conclure si cette concentration initiale utilisée pour la réanimation des prématurés a un effet, à court ou à long terme, sur les critères définis pour le nourrisson Il est nécessaire de mener d'autres essais sur des prématurés à la naissance évaluant à la fois la concentration initiale d'oxygène et le meilleur niveau de saturation en oxygène à atteindre.
Il est incertain si le fait d'amorcer la réanimation post-natale chez les prématurés en utilisant des concentrations d'oxygène à un taux faible (FiO2 < 0,4) ou à taux supérieur (FiO2 ≥ 0,4), ajustées pour la saturation en oxygène dans les 10 premières minutes, a un effet important sur la mortalité ou la morbidité majeure, l'intubation pendant la réanimation post-natale, les autres critères de la réanimation et les critères à long terme, notamment l'invalidité neurodéveloppementale. Nous avons évalué la qualité des données probantes pour tous les critères de jugement comme étant de faible à très faible. D'autres essais de grande envergure et bien conçus sont nécessaires pour évaluer l'effet de l'utilisation de différentes concentrations initiales d'oxygène et l'effet de cibler différentes saturations en oxygène.
La réanimation initiale à l'air est bien tolérée par la plupart des nourrissons nés à terme. Cependant, la concentration optimale d’oxygène d’inspiration fractionnée (FiO2 - proportion de l'air respiré qui est de l'oxygène) visant la saturation en oxygène (SpO2 - une estimation de la quantité d'oxygène dans le sang) pour les nourrissons nés prématurément n'est pas claire.
Déterminer si des concentrations initiales d'oxygène plus faibles ou plus élevées, lorsqu'elles sont titrées en fonction des objectifs de saturation en oxygène lors de la réanimation des prématurés à la naissance, entraînent une amélioration de la mortalité et de la morbidité à court et à long terme.
Nous avons effectué des recherches électroniques dans le Registre Cochrane des essais contrôlés (13 octobre 2017), Ovid MEDLINE (de 1946 au 13 octobre 2017), Embase (de 1974 au 13 octobre 2017) et CINAHL (de 1982 au 13 octobre 2017). Nous avons également recherché des revues publiées antérieurement à la notre (en incluant des références croisées), contacté des experts et dépouillé des publications.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (y compris les essais en grappes et quasi-aléatoires) qui ont concerné des prématurés nécessitant une réanimation après la naissance et leur ont attribué des concentrations initiales d'oxygène à des taux faibles (FiO2 < 0,4) ou élevés (FiO2 ≥ 0,4) titrées pour la saturation en oxygène ciblée.
Deux auteurs de cette revue ont évalué de façon indépendante l'admissibilité des études à l'inclusion, en ont extrait des données et ont évalué la qualité méthodologique. Les principaux critères comprenaient la mortalité à proximité du terme ou à la sortie de l'hôpital (selon les derniers rapports) et l'incapacité neurodéveloppementale. Nous avons effectué une méta-analyse à l'aide d'un modèle à effet fixe. Nous avons évalué la qualité des preuves en utilisant le système GRADE.
La recherche a permis d'identifier 10 essais admissibles. La méta-analyse des 10 études incluses (914 nourrissons) n'a montré aucune différence concernant la mortalité à la sortie entre des concentrations initiales d'oxygène à des taux faibles (FiO2 < 0,4) et celles à des taux élevés (FiO2 ≥ 0,4) ajustées pour la saturation en oxygène (risque relatif (RR) 1,05, intervalle de confiance (IC) à 95% de 0,68 à 1,63). Nous n'avons relevé aucune hétérogénéité dans cette analyse. Nous avons jugé que la qualité des données probantes était faible en raison du risque de biais et d'imprécision. Il n'y a pas eu d'effets significatifs sur les sous-groupes selon les strates de concentration d'oxygène inspirée (FiO2 0,21 contre ≥ 0,4 à < 0,6 ; FiO2 0,21 contre ≥ 0,6 à 1,0 ; et FiO2 ≥ 0,3 à < 0,4 contre ≥ 0,6 à 1,0). L'analyse en sous-groupes a permis d'identifier un seul essai qui a rapporté une augmentation de la mortalité due à l'utilisation d'une concentration initiale d'oxygène à un taux faible (FiO2 0,21) par rapport à une concentration initiale à un taux élevé (FiO2 1,0) visant une SpO2 inférieure à 85%, alors que la méta analyse de neuf essais visant une SpO2 inférieure de 85% à 90% n’a trouvé aucune différence dans la mortalité.
La méta-analyse de deux essais (208 nourrissons) n'a révélé aucune différence de déficience neurodéveloppementale à 24 mois entre les nourrissons recevant des concentrations initiales d'oxygène à un taux faible (FiO2 < 0,4) et à un taux élevé (FiO2 > 0,4) ajustées pour la saturation en oxygène. D'autres critère de jugement ont été signalés de façon incomplète par les études. Dans l'ensemble, nous n'avons constaté aucune différence dans l'utilisation de la ventilation en pression positive intermittente ou de l'intubation dans la salle d'accouchement, mais également concernant : la rétinopathie (dommages à la rétine des yeux, mesurées par toutes rétinopathies et rétinopathies graves), l'hémorragie intraventriculaire (toutes et graves), la leucomalacie périventriculaire (un type de blessure à la substance blanche du cerveau), l’entérocolite nécrosante (état où une partie du colon meurt), la dysplasie broncho-pulmonaire après 36 semaines de gestation, la mortalité pendant le suivi, le retard de croissance postnatal et la persistance du canal artériel. Nous avons évalué la qualité des données probantes pour ces critères de jugement comme étant faible ou très faible.
Post-édition : Maud Bénard - Révision : Minghao Zhou (M2 ILTS, Université Paris Diderot)