Quel est l’objectif de cette revue ?
Notre objectif était de déterminer si les interventions délivrées dans les pharmacies d’officine et visant à aider les clients à changer leurs comportements de santé peuvent changer la manière dont le personnel de pharmacie interagit avec ses clients, et améliorer l’état de santé de ces derniers.
Principaux messages
Les pharmacies d’officine et leur personnel pourraient avoir un rôle important à jouer dans la promotion de la santé, et leur intervention permet probablement d’améliorer légèrement l’état de santé de leurs clients, à un coût raisonnable et sans preuve de risques (il pourrait y avoir eu ou non des effets indésirables, ce point restant à prouver étant donné qu’aucune étude ne les a mesurés).
Qu'étudie cette revue ?
Les pharmacies d’officine sont un lieu où de nombreuses personnes peuvent avoir facilement accès à des conseils en matière de santé. Autrefois, ces conseils se limitaient à la prise de médicaments, toutefois, le personnel des pharmacies prend progressivement en charge de nouvelles activités, comme le conseil en matière d’alimentation saine et de prise en charge d’affections à long terme. Bien que certaines pharmacies d’officine commercialisent des produits dont l’efficacité n’est pas fondée sur des données probantes solides, les directives professionnelles adressées aux pharmaciens ont tenté de réduire ces transactions, et ont mis l’accent sur le développement de services de santé publique fondés sur des données probantes. Beaucoup de personnes trouvent qu’il est difficile d’adopter un mode de vie sain et des comportements d’auto-gestion. Les pharmacies sont peut-être pratiques pour les clients, mais il est important de déterminer si des activités de promotion de la santé menées dans des pharmacies sont utiles et efficaces, afin que les décideurs en santé puissent estimer s’il est rentable de dépenser des ressources pour soutenir ce type d’activités.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
Nous avons identifié 57 études, incluant 16 220 participants, visant à mesurer les effets d’activités de promotion de la santé en comparaison avec les soins habituels ou une absence d’intervention. Celles-ci ont été menées dans le monde entier : 49 d’entre elles dans des pays à revenu élevé et 8 dans des pays à revenu intermédiaire. La plupart des études (36/57) ciblaient aussi bien le personnel de pharmacie que les clients ; 8 n’ont pris en compte que le personnel de pharmacie, et 13 les clients uniquement. Les problèmes de santé les plus fréquemment étudiés étaient le diabète, l’hypertension, l’asthme et la diminution du risque cardiovasculaire. La qualité des études était variable. Certaines études n’ont pas pris assez de précautions pour empêcher les participants qui auraient dû recevoir les soins habituels ou pas d’intervention (soit le groupe de contrôle) de recevoir une partie de l’intervention.
Nous avons trouvé que les employés de pharmacie pourraient changer leur comportement, par exemple améliorer leurs compétences de communication pour aider les personnes à gérer leurs problèmes de santé plus efficacement.
Globalement, ces études montrent qu’il y a probablement un effet légèrement bénéfique sur les comportements en matière de santé des clients, sur les mesures cliniques intermédiaires (par exemple, les niveaux de cholestérol ou l’hémoglobine glyquée) et sur la qualité de vie. Aucune étude n’a rapporté avoir mesuré la survenue de problèmes de santé comme les crises cardiaques ou les AVC chez les clients de pharmacie. De plus, aucune étude n’a rapporté de preuves de risques éventuels, cependant aucune n’a rapporté avoir mesuré les effets indésirables. Cinq études sur sept mesurant les coûts ont montré que la promotion de la santé par le personnel de pharmacie avait un bon rapport coût-efficacité.
Ces résultats suggèrent que le personnel des pharmacies d’officine peut probablement légèrement améliorer l’état de santé des clients à un coût raisonnable. Les études existantes sont très variées en termes de pays, de contextes, d’interventions et de critères d’évaluation, ce qui suggère un grand intérêt porté à l’utilisation des pharmacies d’officine comme lieu de promotion de bons comportements en matière de santé. Toutefois, pour faciliter la comparaison des études futures, il est nécessaire d’instaurer des approches plus systématiques et précises dans la description de ces interventions, d’avoir recours à des critères de jugement normalisés, et de prendre appui sur des travaux antérieurs pour de nouvelles études.
Cette revue est-elle à jour ?
Nous avons cherché des études qui avaient été publiées jusqu'en février 2018.
Les interventions de promotion de la santé dans le cadre des pharmacies d’officine améliorent probablement les comportements du personnel de pharmacie et ont probablement un effet légèrement bénéfique sur les comportements en matière de santé, les indicateurs cliniques intermédiaires et la qualité de vie des clients de pharmacie.
De telles interventions sont susceptibles d’être d’un bon rapport coût-efficacité et leurs effets sont perceptibles pour un certain nombre de problèmes de santé et de comportements en matière de santé. Néanmoins, l’importance de leurs effets varie en fonction des problèmes de santé, et des interventions plus efficaces pourraient être développées à condition d’accorder une plus grande importance aux fondements théoriques de l’intervention et aux mécanismes de changement comportemental.
Les pharmacies d’officine sont une plate-forme accessible et d’un bon rapport coût-efficacité pour diffuser la santé à l’échelle mondiale, et l’éventail des services proposés a connu une expansion rapide ces dernières années. Ainsi, en plus de fournir des médicaments, le personnel des pharmacies d’officine dispense désormais de nombreux conseils en matière de comportements de promotion de la santé visant à améliorer et optimiser la prise en charge des affections à long terme. Cependant, il n’est pas encore prouvé que ces interventions de promotion de la santé puissent réellement changer la pratique professionnelle du personnel de pharmacie, améliorer les comportements et l’état de santé des clients, ni qu’elles aient le potentiel de lutter contre les inégalités en matière de santé.
Évaluer si les interventions de promotion de la santé sont efficaces et sans risque pour changer la pratique professionnelle du personnel des pharmacies d’officine et améliorer l’état de santé des clients.
Nous avons effectué des recherches dans Medline, Embase, CENTRAL, ainsi que six autres banques de données et deux registres d’essais cliniques jusqu’au 6 février 2018. Nous avons également vérifié des références bibliographiques et des citations d’articles, et contacté les auteurs de certaines études afin d’identifier d'éventuelles études supplémentaires.
Nous avons inclus dans la revue tout essai randomisé portant sur des interventions dispensées pour et par le personnel des pharmacies d’officine, visant à améliorer les comportements en matière de santé des clients de pharmacie, en comparaison avec l’absence d'intervention ou les soins habituels reçus dans la pharmacie d’officine. Nous avons exclu les interventions dans lesquelles il n’y avait pas d’interaction entre le personnel et les clients des pharmacies, ainsi que celles portant exclusivement sur la prise de médicaments.
Pour la collecte et l’analyse des données nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard recommandées par Cochrane et le groupe Cochrane sur l’efficacité des pratiques et l’organisation des soins. Nous avons comparé l’intervention à l’absence d’intervention ou aux soins habituels au moyen des différences moyennes standardisées (DMS) et avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Des scores plus élevés représentent un meilleur résultat sur les critères de jugement portant sur les comportements en matière de santé des clients de pharmacie et leur qualité de vie. Des scores moins élevés représentent un meilleur résultat sur les critères de jugement portant sur les résultats cliniques, les coûts et les effets indésirables. L’interprétation des tailles d’effets (DMS) a été réalisée selon les recommandations Cochrane.
Nous avons inclus 57 essais randomisés regroupant 16 220 participants, décrits dans 83 comptes-rendus. Quarante-neuf études ont été menées dans des pays à revenu élevé, et huit dans des pays à revenu intermédiaire. Nous n’avons trouvé aucune étude menée dans des pays à faible revenu. La plupart du temps il s’agissait d’interventions éducatives ou impliquant l’acquisition de compétences. Le public ciblé par les interventions était le personnel des pharmacies d’officine (n = 8), les clients de pharmacie (n = 13) ou les deux (n = 36). Les domaines cliniques le plus souvent étudiés étaient le diabète, l’hypertension, l’asthme et l’évolution du risque cardio-vasculaire. La durée de suivi des interventions était souvent imprécise. Cinq études seulement fournissaient une description détaillée de la base théorique de l’intervention, et les études ne fournissaient pas de données suffisantes pour se prononcer sur les inégalités en matière de santé.
Les sources de biais les plus courantes étaient une protection insuffisante contre la contamination, notamment dans les essais randomisés individuels, et une mise en aveugle insuffisante des participants. Le niveau de confiance des données probantes pour l’ensemble des critères de jugement était modéré. Nous avons revu à la baisse le niveau de certitude en raison de l’hétérogénéité des études et de la présence avérée de possibles biais de publication.
Critères de jugement de la pratique professionnelle
Étant donnée la grande hétérogénéité des résultats, nous avons analysé le comportement du personnel de pharmacie sous forme d’une synthèse narrative. Les interventions de promotion de la santé améliorent probablement le comportement du personnel de pharmacie (2 944 participants ; 9 études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) quand le comparateur est l’absence d’intervention. D’une façon générale, ces études ont évalué les comportements par la méthode du patient simulé (client mystère).
Critères de jugement concernant les clients de pharmacie
Les interventions de promotion de la santé aboutissent probablement à une légère amélioration des comportements en matière de santé des clients de pharmacie lorsque la comparaison se fait avec les soins habituels (DMS 0,43, IC à 95 % de 0,14 à 0,72 ; I2= 89 % ; 10 essais ; 2 138 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Ces interventions aboutissent aussi probablement à une légère amélioration des résultats sur des critères cliniques intermédiaires, tels que le taux de cholestérol ou l’hémoglobine glyquée, des clients de pharmacie (DMS -0,43, IC à 95 % de -0,65 à -0,21 ; I2= 90 % ; 20 essais ; 3 971 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Nous n’avons identifié aucune étude évaluant l’impact des interventions de promotion de la santé sur les critères d’événements cliniques tels que l'AVC ou l'infarctus du myocarde, ni sur le bien-être psychologique des clients de pharmacie.
Les interventions de promotion de la santé aboutissent probablement à une légère amélioration de la qualité de vie des clients de pharmacie (DMS 0,29, IC à 95 % de 0,08 à 0,50 ; I2= 82 % ; 10 études ; 2 687 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Effets indésirables
Aucune étude ne rapportait les effets indésirables, aussi bien concernant le personnel que les clients de pharmacie.
Coûts
Nous avons trouvé que les interventions de promotion de la santé sont susceptibles d’être d’un bon rapport coût-efficacité, sur la base de données probantes d’un niveau de confiance modéré présentes dans cinq études sur sept ayant rapporté une évaluation économique.
Traduction : Charlotte MANGIAGALLI & Christophe BOIS (M1 ESIT, Université Sorbonne Nouvelle)