Problématique de la revue
Nous avons examiné les preuves en faveur de l’existence d’avantages présentés par le monitorage de l'index bispectral (BIS) par rapport aux méthodes d'évaluation clinique chez les adultes reliés à un appareil respiratoire (ventilateur) dans l'unité de soins intensifs (USI).
Contexte
Le monitorage BIS suit l'activité électrique du cerveau pour produire des valeurs. Ces valeurs peuvent aider le personnel hospitalier à décider si une personne en USI sous respirateur reçoit suffisamment de sédatifs pour être à l'aise et accepter le respirateur. Les sédatifs sont des médicaments administrés pour leurs effets calmants et somnifères. Donner trop ou trop peu de sédatifs peut être dangereux. Dans la méthode d’évaluation clinique, l'observation de facteurs cliniques tels que l’état de conscience, la compréhension et la réponse aux commandes contribue à évaluer la profondeur de la sédation ou du sommeil. La valeur fournie par le moniteur BIS ne dépend pas du personnel soignant. Le monitorage par l'évaluation clinique pourrait en revanche varier selon les soignants.
Notre objectif était de déterminer si le monitorage BIS était bénéfique par rapport à l'évaluation clinique chez les adultes gravement malades sous respirateur.
Caractéristiques des études
Les preuves identifiées lors de notre recherche documentaire vont jusqu'en mai 2017. Quatre études contrôlées randomisées ont répondu aux critères d'inclusion de cette revue (impliquant 256 adultes). Une autre étude est en attente de classification. Ces études ont été menées dans des unités de soins intensifs chirurgicaux et médico-chirurgicaux mixtes pour adultes, et ont comparé le monitorage BIS avec diverses mesures de l'évaluation clinique.
Sources de financement des études
Pour une étude, le fabricant des appareils de monitorage BIS a fourni l'équipement. L’entreprise n'a joué aucun rôle dans la réalisation de l'étude. Une autre étude a été financée dans le cadre d'un projet scientifique et technologique. Aucune information sur le financement n'était disponible pour les deux autres études.
Principaux résultats
Avec le monitorage BIS, nous n'avons pas trouvé de différences significatives dans la durée du séjour en USI (une étude, 50 adultes), la durée de la ventilation (deux études, 155 adultes) et le risque d'effets indésirables (une étude, 105 adultes) par rapport à l'évaluation clinique. Les effets indésirables cliniquement pertinents, par exemple l'auto-extraction accidentelle du tube respiratoire, n'ont pas été signalés. Nous n'avons pas pu mesurer la différence combinée de la quantité de sédatifs utilisée en raison des différents protocoles de sédation et des sédatifs utilisés. Aucun des autres critères de jugement pertinents pour la revue, par exemple le décès, la pneumonie sous ventilation, la qualité de vie, etc. n'a été signalé dans aucune des études.
Qualité des données probantes
Les conclusions de notre revue proviennent d'un nombre limité d'études qui ont fourni des preuves de qualité « faible à très faible » selon GRADE.
Conclusion
Les auteurs de cette revue concluent que nous n'avons pas trouvé suffisamment de preuves sur les effets du monitorage BIS par rapport à l'évaluation clinique de la sédation chez les adultes gravement malades qui étaient sous respirateur.
Nous avons trouvé des preuves insuffisantes sur les effets du monitorage BIS de la sédation chez les adultes gravement malades sous ventilation mécanique sur les critères de jugement cliniques ou sur l'utilisation des ressources. Les conclusions sont incertaines en raison de la faible et très faible qualité des données probantes provenant d'un nombre limité d'études.
Les patients admis aux soins intensifs et sous ventilation mécanique reçoivent des sédatifs et des analgésiques pour améliorer leur confort et pour leur permettre de supporter le ventilateur. L'optimisation de la pratique de la sédation pourrait réduire la mortalité, améliorer le confort des patients et réduire les coûts. La pratique actuelle consiste à utiliser des échelles ou des valeurs pour évaluer la profondeur de la sédation sur la base de critères cliniques tels que le niveau de conscience, la compréhension et la réponse aux commandes. Cependant, ces derniers sont perçus comme des outils d'évaluation subjectifs. Les moniteurs d'index bispectral (BIS), qui sont basés sur le traitement de signaux électroencéphalographiques, pourraient surmonter les contraintes des échelles de sédation et fournir un guidage plus fiable et plus cohérent pour le titrage de la profondeur de sédation.
Les avantages du monitorage BIS des patients sous anesthésie générale pour les interventions chirurgicales ont déjà été confirmés par une autre revue Cochrane. En entreprenant une revue systématique bien menée, notre objectif était de découvrir si le suivi BIS améliore les critères de jugement chez les adultes sous ventilation mécanique en unité de soins intensifs (USI).
Évaluer les effets du monitorage BIS par rapport à l'évaluation clinique de la sédation sur la durée du séjour en USI, la durée de la ventilation mécanique, la mortalité toutes causes confondues, le risque de pneumonie sous ventilation assistée (PAV), le risque d'effets indésirables (par exemple, auto-extubation, déconnexion non planifiée des cathéters à demeure), la durée de séjour à l'hôpital, la quantité d'agents sédatifs utilisés, le coût, les résultats fonctionnels à long terme et la qualité de vie, tels que rapportés par les auteurs pour les adultes sous ventilation mécanique en USI.
Nous avons effectué des recherches sur CENTRAL, MEDLINE, Embase, CINAHL, ProQuest, OpenGrey et SciSearch jusqu'en mai 2017, et nous avons vérifié les citations de références et contacté les auteurs des études pour identifier des études supplémentaires. Nous avons parcouru les registres d'essais, dont clinicaltrials.gov et controlled-trials.com.
Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés comparant le BIS à l'évaluation clinique pour la gestion de la sédation chez les adultes gravement malades ventilés mécaniquement.
Nous avons utilisé la méthodologie Cochrane standard. Nous avons entrepris une analyse à l'aide du logiciel Revman 5.3.
Nous avons identifié 4 245 études possibles à partir de la recherche initiale. Parmi ces études, quatre (256 participants) répondaient aux critères d'inclusion. Une autre étude est en attente de classification. Les études ont été menées dans des unités de soins intensifs chirurgicaux et médico-chirurgicaux unicentriques. Le moniteur BIS a été utilisé pour évaluer le niveau de sédation dans le bras d'intervention dans toutes les études. Dans le bras de contrôle, les outils d'évaluation de la sédation pour l'évaluation clinique comprenaient l'échelle de sédation-agitation (SAS), l'échelle de sédation de Ramsay (RSS) ou l'évaluation clinique subjective utilisant les signes cliniques traditionnels (fréquence cardiaque, pression sanguine, niveau de conscience et taille des pupilles). Une seule étude a été classée comme présentant un faible risque de biais, les trois autres études ont été classées comme présentant un risque élevé.
Une étude (N = 50) qui a mesuré la durée du séjour en USI n’a pas constaté de différence (médiane (écart interquartile EI) de 8 (4 à 14) dans le groupe de l’évaluation clinique ; de 12 (6 à 18) dans le groupe BIS ; preuves de faible qualité). Il y a eu peu ou pas d'effet sur la durée de ventilation mécanique (DM -0,02 jours (IC à 95 % -0,13 à 0,09 ; 2 études ; N = 155 ; I 2= 0 % ; preuves de faible qualité)). Les effets indésirables ont été rapportés par une étude (N = 105) et les effets sur l'agitation après aspiration, la résistance des tubes endotrachéaux, la tolérance à la douleur pendant la sédation ou le délire après extubation étaient incertains en raison de preuves de très faible qualité. Aucune étude ne rapportait les effets indésirables cliniquement pertinents, tels que l'auto-extubation. Trois études ont fait état de la quantité d'agents sédatifs utilisés. Nous n'avons pas pu mesurer la différence combinée de la quantité d'agents sédatifs utilisés en raison des différents protocoles de sédation et des agents sédatifs utilisés dans les études. La qualité des preuves selon GRADE était très faible. Aucune étude n'a fait état d'autres critères de jugement secondaires pertinents pour la revue.
Post-édition : Lise Mayrand - Révision : Marina Viyra (M2 ILTS, Université de Paris)