Problématique de la revue
Nous avons examiné les données probantes sur les effets de traitements (p. ex. éducation, auto-soins, pansements, soins de la peau ou chaussures) conçus pour prévenir ou traiter les lésions cutanées chez les personnes atteintes de la lèpre et chez celles qui présentent des lésions potentielles des nerfs périphériques. Les traitements pourraient être comparés aux soins habituels, à l'absence de traitement ou à un autre traitement. Les données probantes sont à jour jusqu'en juillet 2018.
Contexte
La lèpre (maladie de Hansen) est une maladie mondiale infectieuse de longue durée qui peut entraîner des complications comme des blessures et le développement de plaies (ulcères), en particulier au niveau des pieds. Les lésions nerveuses et musculaires à long terme ont des répercussions sur la qualité de vie d'une personne, et entraînent des difficultés mentales et financières. Un diagnostic tardif est la plus grande cause d'invalidité, de sorte que la clé d'une prise en charge efficace est un diagnostic et un traitement précoces, ainsi qu'un dépistage et une prise en charge précoces des lésions nerveuses, combinés à une éducation sanitaire efficace afin de prévenir toute lésion aux membres. Cette revue visait à lever les incertitudes quant à la meilleure façon de prévenir et de traiter les lésions cutanées.
Caractéristiques de l’étude
Nous avons inclus 14 essais (854 participants atteints de la lèpre). La plupart des participants n'avaient qu'une seule lésion sur un seul pied. Les plaies étaient principalement simples (non infectées), de taille et de profondeur variables, et dataient de moins d'un an ; certaines plaies étaient plus compliquées. Les participants étaient âgés de 18 à 74 ans. Dans les 11 études qui ont fait état du sexe, un plus grand nombre d'hommes ont été inclus. Des études ont été menées au Brésil, en Éthiopie, en Égypte, en Indonésie, au Mexique, en Corée du Sud et en Inde, principalement dans des services de consultation externe. La plupart des études n'ont pas fait état des sources de financement.
La plupart des traitements ont été comparés à des pansements secs ou à des pansements trempés dans différentes solutions. Parmi les autres comparaisons, mentionnons le plâtre spécial, les chaussures en toile et le trempage des pieds.
Principaux résultats
Les traitements évalués étaient les suivants : la thérapie par laser, le traitement par diode électroluminescente (DEL), le traitement par bande ou pâte de zinc, des injections de pentoxifylline, l’exposition à des champs magnétiques pulsés, le traitement par la cire, le traitement par gel de kétansérine, le traitement par gel de membrane amniotique, le traitement par poudre de phénytoïne, le plâtre et les chaussures. Les critères de jugement ont été mesurés dès le début du traitement. Les résultats clés qui suivent sont fondés sur des données probantes de très faible qualité, nous ne sommes donc pas sûrs de ces résultats.
Trois études ont comparé la bande de zinc à d'autres interventions : sulfate de magnésium et glycérine, povidone iodée ou gaze imbibée d’Eusol. Après un mois de traitement, le nombre d'ulcères cicatrisés était plus élevé et les ulcères était moins étendus dans le groupe bande de zinc que dans le groupe sulfate de magnésium et glycérine. En comparant la bande de zinc à la povidone iodée après six semaines, aucune différence claire n’était observée dans la réduction de la surface des ulcères. Le temps de cicatrisation des ulcères profonds dans le groupe bande de zinc était de 17 jours comparativement à 30 jours pour le groupe gaze imbibée d’Eusol. Cette étude n'a pas rapporté non plus de signe de sensibilisation cutanée dans aucun des groupes après deux mois ; les deux autres études n'ont fourni aucune donnée sur les effets indésirables.
Deux études ont comparé la phénytoïne topique à un pansement imbibé d'eau salée. Une étude a montré une réduction plus importante de la surface des ulcères avec la phénytoïne. L'autre étude a révélé une réduction plus importante du volume des ulcères en faveur de la phénytoïne. Les deux études ont mesuré ce critère de jugement après quatre semaines de traitement. Aucun évènement indésirable n'a été observé dans les deux études.
Les cinq études que nous venons de décrire n'ont pas évalué la prévention des ulcères, les thérapies visant le traitement plutôt que la prévention.
Deux études ont comparé les chaussures de protection (avec ou sans autosoins) à des bottes en polychlorure de vinyle (PVC - une forme de plastique) ou à des champs magnétiques pulsés associés à des auto-soins et des chaussures de protection. Dans l'étude comparant les chaussures en toile par rapport aux bottes en PVC, aucun des participants qui présentaient des cicatrices au départ n'a développé de nouveaux ulcères sur une année. Aucune différence claire n’a été observée entre les groupes quant au nombre de personnes dont les ulcères avaient guéri. Dans l'étude évaluant les champs magnétiques pulsés, la prévention des nouveaux ulcères n'a pas été mesurée ; cependant, aucune différence claire n’a été observée entre les groupes quant au volume des ulcères, quatre à cinq semaines après le début du traitement. Une seule étude a rapporté des informations sur les effets indésirables : les bottes en PVC pourraient devenir très chaudes en plein soleil, avec éventuellement des brûlures.
Qualité des données probantes
Nous avons jugé que les données probantes étaient de très faible qualité, ce qui signifie que les résultats sont ambigus. Nous nous sommes interrogés sur la manière dont les traitements ont été attribués aux participants, sur la divulgation ou non du traitement reçu aux participants et aux investigateurs de l'étude, et sur le nombre de participants ayant abandonné l'étude.
Sur la base des données probantes disponibles, nous n'avons pas pu tirer de conclusions fermes sur les effets des interventions incluses. Les principales limites des données probantes étaient les suivantes : risque élevé ou imprécis de biais, y compris le biais de sélection, de rendement, de détection et d'attrition ; imprécision attribuable au petit nombre de participants aux études ; et caractère indirect de la faible mesure des critères de jugement et des interventions non applicables. Les futures recherches devraient clairement faire état de critères de jugement importants, tels que les événements indésirables, et évaluer les interventions notoires disponibles, lesquelles devraient inclure les traitements destinés à la prévention. Ces essais devraient garantir le secret d’attribution, l'insu et une taille d'échantillon adéquate.
Fin 2016, 145 pays ont signalé à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) plus de 173 000 nouveaux cas de lèpre à travers le monde. Au cours des 20 dernières années, plus de 16 millions de personnes ont été traitées pour la lèpre dans le monde. Les principales complications de l'affection sont des blessures et des ulcères causés par une perte sensorielle due à des lésions nerveuses. Dans cette revue, nous avons exploré les interventions visant à prévenir ou à traiter les lésions cutanées secondaires chez les personnes atteintes de la lèpre (maladie de Hansen). Il s'agit d'une mise à jour d'une revue Cochrane publiée en 2008.
Évaluer les effets de l'éducation, de l'information, des programmes d'auto-soins, des pansements, des soins de la peau, des chaussures et d'autres mesures pour prévenir et guérir les lésions cutanées secondaires chez les personnes atteintes de la lèpre.
Nous avons mis à jour nos recherches dans les bases de données suivantes jusqu'en juillet 2018 : le registre spécialisé du groupe Cochrane sur la peau, CENTRAL, MEDLINE, Embase, AMED, LILACS et CINAHL. Nous avons également consulté cinq registres d'essais cliniques, trois bases de données sur la littérature grise et les listes de référence des études incluses pour trouver d'autres références à des essais contrôlés randomisés (ECR) pertinents.
ECR ou quasi-ECR ou essais croisés randomisés impliquant toute personne atteinte de la lèpre et de potentielles lésions des nerfs périphériques qui a été traitée par une quelconque intervention visant à prévenir les lésions, à guérir les ulcères existants et à prévenir le développement de nouveaux ulcères. Les comparaisons éligibles étaient les soins habituels, l'absence d'intervention ou d'autres interventions (p. ex. autres types de pansements ou de chaussures).
Nous avons respecté les procédures méthodologiques standard attendues par Cochrane. Les principaux critères de jugement étaient la prévention des ulcères, la guérison des ulcères existants et les événements indésirables. Nous avons utilisé GRADE pour évaluer la qualité des données probantes pour chaque critère de jugement.
Nous avons inclus 14 essais (854 participants). Onze études ont indiqué le genre (hommes : 472, femmes : 157). L'âge des participants variait de 18 à 74 ans. La plupart des participants avaient une seule blessure, principalement non infectée, sur un pied, présente depuis moins d'un an. Seulement sept études ont fait état de la durée totale de l'étude (pas de suivi post-traitement), laquelle était en moyenne de six mois (intervalle : 1 à 12 mois). Les études ont été menées au Brésil, en Éthiopie, en Égypte, en Indonésie, au Mexique, en Corée du Sud et en Inde. De nombreuses évaluations du « risque de biais » ont été jugées peu claires en raison du manque d'information. Six études présentaient un risque élevé de biais dans au moins un domaine, y compris le biais de sélection et d'attrition.
Treize études ont évalué différentes interventions pour le traitement des ulcères existants, l'une d'elles a également évalué la prévention de nouveaux ulcères. Une étude visait à prévenir les changements cutanés, tels que les craquelures et les fissures. Les interventions étudiées comprenaient : la thérapie par laser, le traitement par diode électroluminescente (DEL), le traitement par bande de zinc, l’administration de pentoxifylline par voie intralésionnelle, l’exposition à des champs magnétiques pulsés, le traitement par la cire, par la kétansérine, par gel de membrane amniotique humaine, par phénytoïne, le plâtre, et les chaussures.
Nous ne sommes pas certains des résultats clés suivants, la qualité des données probantes étant très faible. Tous les points d’évaluation ont été mesurés à partir de la ligne de base.
Trois études ont comparé la bande de zinc à d'autres interventions et ont rapporté des résultats en faveur de la bande de zinc. Une étude a comparé la bande de zinc au sulfate de magnésium : à un mois, le nombre d'ulcères cicatrisés et la réduction de la surface moyenne des ulcères étaient plus élevés avec la bande de zinc (risque relatif (RR) 2,00, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,43 à 9,21 et différence moyenne (DM) -14,30 mm², IC à 95 % respectivement -26,51 à -2,09, 28 participants). Une autre étude a comparé la bande de zinc et la povidone iodée et a constaté que, bien que la réduction de la surface des ulcères était plus importante après six semaines de traitement par la bande de zinc, aucune différence claire n’a été observée en raison de la grande plage de l'IC à 95 % (DM 128,00 mm², IC à 95 % -110,01 à 366,01, 38 participants). La troisième étude (90 participants) a comparé la bande de zinc adhésive à de la gaze imbibée d'Eusol et a constaté que la durée de cicatrisation des ulcères profonds était inférieure à celle observée en utilisant la bande de zinc : 17 jours (IC à 95 % 12 à 20) contre 30 jours (IC à 95 % 21 à 63). Des effets indésirables n'ont été relevés que dans l'étude comparant la bande de zinc à la gaze imbibée d’Eusol : aucun signe de sensibilisation cutanée n'a été observé dans les deux groupes après deux mois.
Deux études ont comparé la phénytoïne topique au pansement salin et ont rapporté des résultats en faveur de la phénytoïne. Une étude a fait état d'une réduction moyenne, exprimée en pourcentage, de la surface des ulcères plus importante après quatre semaines avec la phénytoïne à 2 % (DM 39,30 %, IC à 95 % 25,82 à 52,78 ; 23 participants), et l'autre étude a signalé une réduction moyenne, exprimée en pourcentage, du volume des ulcères (16,60 %) plus importante après quatre semaines avec la phénytoïne (IC à 95 % 8,46 à 24,74 ; 100 participants). Aucun évènement indésirable n'a été observé avec l'un ou l'autre des traitements au cours de la période de traitement de quatre mois (2 études, 123 participants). La prévention des ulcères n'a pas été évaluée dans ces études ni dans les études sur le zinc, car les interventions n'étaient pas destinées à usage préventif.
Deux études ont comparé les chaussures de protection (avec ou sans autosoins) avec 1) des bottes en polychlorure de vinyle (PVC) ou 2) des champs magnétiques pulsés associés à des auto-soins et des chaussures de protection. Dans l'étude comparant les chaussures en toile et les bottes en PVC, aucun des 72 participants ayant des cicatrices au début de l'étude n'a développé de nouveaux ulcères au cours du suivi d'un an. La guérison des ulcères a été évaluée chez 38 participants de cette étude, mais nous ne savons pas s'il y a une différence entre les groupes. Dans l'étude comparant les champs magnétiques pulsés (en plus des soins personnels et des chaussures de protection) aux soins personnels et aux chaussures seulement chez 33 participants, nous ne savons pas si le volume moyen des ulcères à quatre ou cinq semaines de suivi était différent entre les groupes ; cette étude n'a pas évalué la prévention des ulcères. Seule l'étude comparant des chaussures en toile à des bottes en PVC a rapporté des informations sur les effets indésirables ; les auteurs ont déclaré que les bottes en PVC pouvaient devenir chaudes sous un fort ensoleillement et éventuellement brûler les pieds.
Post-édition effectuée par Barbara Fowler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr