Pourquoi cette question est-elle importante ?
Les erreurs de réfraction sont la cause la plus fréquente de mauvaise vision dans le monde. Les personnes souffrant d'erreurs de réfraction ont des difficultés à se concentrer, à cause des irrégularités de la forme de leurs yeux. Cela cause :
- La myopie, qui rend les objets éloignés flous ;
- L'hypermétropie, qui rend les objets proches flous ; et
- L'astigmatisme, qui peut rendre flous ou déformés les objets éloignés et proches.
Les erreurs de réfraction peuvent être corrigées à l'aide de lunettes ou de lentilles de contact, ou traitées par la chirurgie. Traditionnellement, les chirurgiens utilisent un laser contrôlé par ordinateur qui émet une lumière ultraviolette (chirurgie réfractive au laser excimer) pour corriger les irrégularités. Les procédures chirurgicales les plus récentes utilisent une technologie d'imagerie tridimensionnelle pour identifier les irrégularités (techniques modifiées du front d'onde) ; cela permet de corriger des irrégularités beaucoup plus petites que la procédure conventionnelle.
Nous avons examiné les données probantes issues d'études de recherche pour comparer les bénéfices et les risques de :
- la chirurgie réfractive conventionnelle utilisant le laser excimer par rapport aux techniques modifiées du front d'onde
- différentes techniques modifiées du front d'onde.
Comment avons-nous identifié et évalué les données probantes ?
Nous avons d'abord recherché des essais contrôlés randomisés (études cliniques dans lesquelles les personnes sont placées au hasard dans l'un des deux ou plus de deux groupes de traitement), car ces études fournissent les données probantes les plus solides des effets d'un traitement. Nous avons ensuite comparé les résultats et résumé les données probantes issues de toutes les études. Enfin, nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes, sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des échantillons des études, ainsi que la cohérence des résultats entre les études.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 33 études portant sur un total de 1499 personnes âgées de 18 ans ou plus. Ces études ont été menées en Asie, en Europe et aux États-Unis, et ont suivi des personnes pendant une période allant d'un mois à un an. La plupart des participants aux études étaient des femmes, et la plupart des personnes étaient myopes.
Douze études ont indiqué leur source de financement : deux études ont été financées par le gouvernement américain, trois études ont été financées par l'industrie et sept études n'ont reçu aucun financement spécifique.
Peu d'études ont fourni des informations sur les principaux effets qui nous intéressaient :
- l'amélioration de la vision un an après l'opération; et
- l'apparition d'effets indésirables (négatifs) tels qu'une perte de vision importante, des halos (voir des cercles lumineux autour des sources de lumière) ou des éblouissements (gêne causée par une lumière intense).
Les données probantes issues des études que nous avons trouvées sont d’un niveau de confiance faible à très faible, principalement car ces études :
- ont produit des résultats imprécis et incohérents; et
- ont été conçues ou conduites de manière à introduire des erreurs dans leurs résultats.
Chirurgie réfractive conventionnelle utilisant des lasers excimers par rapport aux techniques modifiées du front d'onde
Dans les procédures où le chirurgien retire la couche externe de l'avant de l'œil pour accéder à la zone de traitement (photokératectomie réfractive, PKR), il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre les techniques conventionnelles et les techniques modifiées du front d'onde dans l'amélioration de la vision un an après l'opération (une étude).
Aucune étude ne s'est penchée sur la comparaison entre la chirurgie conventionnelle par rapport aux techniques modifiées du front d'onde dans les procédures où le chirurgien crée un petit rabat à l'avant de l'œil pour accéder à la zone de traitement (kératomileusie in situ assistée par laser, LASIK).
Comparaisons entre les différentes techniques modifiées du front d'onde
Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre les procédures optimisées par front d'onde et les procédures guidées par front d'onde (deux types différents de techniques modifiées du front d'onde) dans l'amélioration de la vision un an après l'opération (six études).
Notre confiance dans les données probantes est trop faible pour déterminer s'il existe une différence d'effet entre la PKR guidée par front d'onde et le LASIK guidé par front d'onde (une étude).
Effets indésirables
Le nombre plus restreint d'études qui ont rapporté des informations sur les effets indésirables suggère qu'il pourrait y avoir peu ou pas de différences entre les procédures comparées en termes d'effets indésirables.
Qu’est-ce que cela signifie?
Il pourrait y avoir une différence minime voir inexistante dans l'amélioration de la vision entre les deux :
- la chirurgie réfractive conventionnelle utilisant des lasers excimers et les techniques modifiées du front d'onde lors de l'utilisation de la PKR ;
- des procédures optimisées et guidées par front d'onde.
Nous ne savons pas quelles procédures sont associées à moins d'effets indésirables, en raison des données probantes limitées.
Des études plus nombreuses, de grande envergure et bien menées sont nécessaires pour améliorer les données probantes et fournir des informations sur les effets indésirables.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes de cette revue Cochrane sont à jour jusqu'en août 2019.
Cette revue suggère qu'à 12 mois et six mois après l'opération, il n'y avait pas de différence importante entre la chirurgie réfractive avec front d'onde par rapport à la chirurgie réfractive conventionnelle, ni entre la chirurgie avec front d'onde optimisé par rapport à la chirurgie guidé par front d'onde dans les critères de jugement cliniques analysés. Le faible niveau de confiance des données probantes cumulées rapportées à ce jour suggère que de nouvelles comparaisons randomisées de ces approches chirurgicales permettraient d'obtenir des estimations plus précises des effets, mais il est peu probable qu'elles modifient nos conclusions. Les futurs essais pourraient choisir de se concentrer sur les critères de jugement rapportés par les participants, tels que la satisfaction de la vision avant et après l'opération et les effets des aberrations visuelles restantes, en plus de la sensibilité au contraste et des critères de jugement cliniques analysés dans cette revue.
Les erreurs de réfraction (conditions dans lesquelles l'œil ne parvient pas à focaliser les objets avec précision sur la rétine en raison de défauts du système réfractif), sont la cause la plus fréquente de déficience visuelle. La myopie, l'hypermétropie et l'astigmatisme sont des aberrations de bas niveau, généralement corrigées par des lunettes, des lentilles de contact ou la chirurgie réfractive conventionnelle. Les aberrations d'ordre supérieur peuvent être quantifiées à l'aide d'instruments d'aberration de front d'onde et corrigées par une chirurgie laser guidée ou optimisée par front d'onde. Les ablations guidées par front d'onde sont basées sur des mesures préopératoires des aberrations d'ordre supérieur ; les ablations optimisées par le front d'onde sont conçues pour minimiser l'induction de nouvelles aberrations d'ordre supérieur tout en préservant les aberrations naturelles. Deux procédures de front d'onde devraient produire une meilleure acuité visuelle que les procédures conventionnelles.
L'objectif principal était de comparer l'efficacité et la tolérance des procédures de front d'onde, de kératomileusie in situ assistée par laser (LASIK) ou de la photokératectomie réfractive (PKR) ou de la kératectomie sous-épithéliale assistée par laser (LASEK) par rapport aux procédures conventionnelles correspondantes, afin de corriger les erreurs de réfraction chez les adultes pour l'acuité visuelle non corrigée postopératoire, les erreurs de réfraction résiduelles et les aberrations d'ordre supérieur résiduelles. L'objectif secondaire était de comparer deux procédures de front d'onde.
Nous avons consulté le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL, qui contient le registre des essais du groupe Cochrane sur l’ophtalmologie ; 2019, numéro 8) ; Ovid MEDLINE ; Ovid Embase ; LILACS ; le registre ISRCTN ; ClinicalTrials.gov et le système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS. La date de la recherche était le 6 août 2019. Nous n'avons imposé aucune restriction concernant la langue ou l’année de publication. Nous avons utilisé l'index des citations scientifiques (septembre 2013) et avons recherché dans les références bibliographiques des essais inclus pour identifier d'autres essais pertinents.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant soit le front d'onde modifié avec la chirurgie réfractive conventionnelle, soit le front d'onde optimisé avec la chirurgie réfractive guidée par front d'onde chez des participants âgés de ⪰ 18 ans présentant des erreurs de réfraction.
Nous avons utilisé la méthodologie standard de Cochrane.
Nous avons identifié 33 ECR menés en Asie, en Europe et aux États-Unis, pour un total de 1499 participants (2797 yeux). Les participants présentaient des erreurs de réfraction allant d'une myopie élevée à une hypermétropie faible. Les études ont rapporté au moins un des critères de jugement suivants spécifiques de la revue basés sur les proportions des yeux : avec une acuité visuelle non corrigée (AVNC) de 20/20 ou plus, sans perte d'une ou plusieurs lignes de la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) avec lunettes, à ± 0,50 dioptrie (D) de la réfraction de la cible, avec des aberrations d'ordre supérieur et des effets indésirables.
Caractéristiques des études et risque de biais
Les participants étaient principalement des femmes, âgées en moyenne de 29 et 53 ans, et sans antécédents de chirurgie réfractive, de pathologie oculaire ou de comorbidité systémique. Nous n'avons pas pu juger des risques de biais pour la plupart des domaines de la plupart des études. La plupart des études dans lesquelles les deux yeux d'un participant ont été analysés n'ont pas tenu compte des corrélations entre les deux yeux dans l'analyse et la communication des critère de jugement.
Résultats
Pour la comparaison primaire entre le front d'onde (PKR ou LASIK ou LASEK) et les procédures conventionnelles correspondantes, des données sur les critères de jugement à 12 mois étaient disponibles dans une seule étude de PKR avec 70 participants. Il n’y avait pas de données probantes concernant les critères de jugement plus favorables de la PKR du front d'onde sur la proportion des yeux : avec une AVNC de 20/20 ou plus (risque relatif [RR] 1,03, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,86 à 1,24) ; sans perte d'une ou plusieurs lignes de MAVC avec lunettes (RR 0.94, IC à 95 % 0,81 à 1,09) ; à ± 0,5 D de la réfraction de la cible (RR 1,03, IC 95 % 0,86 à 1,24) ; et équivalent sphérique moyen (différence moyenne [DM] 0,04, IC 95 % -0,11 à 0,18). Les données probantes de chaque estimation de l'effet avaient un niveau de confiance faible. Nous n’avons pas trouvé d’études ayant rapporté des aberrations d'ordre supérieur à 12 mois.
À six mois, les résultats de deux à huit études ont montré que les estimations de l'effet global et les estimations par sous-groupe de la PKR ou du LASIK ou du LASEK étaient cohérentes avec celles de la PKR à 12 mois, et suggèrent qu’il n’y a pas de différence dans tous les critères de jugement. La niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement était faible.
Pour la comparaison entre les procédures optimisées par front d'onde et les procédures guidées par front d'onde à 12 mois, les estimations de l'effet global ont été calculées pour la proportion des yeux : avec une AVNC de 20/20 ou plus (RR 1,00, IC à 95 % 0,99 à 1,02 ; 5 études, 618 participants) ; sans perte d'une ou plusieurs lignes de MAVC avec lunettes (RR 0,99, IC à 95 % 0,96 à 1.02 ; I2 = 0 % ; 5 études, 622 participants) ; à ± 0,5 dioptrie près de la réfraction de la cible (RR 1,02, IC à 95 % 0,95 à 1,09 ; I2 = 33 % ; 4 études, 480 participants) et les aberrations d'ordre supérieur moyennes (DM 0,03, IC à 95 % -0,01 à 0,07 ; I2 = 41 % ; 5 études, 622 participants) n'ont pas montré de données probantes indiquant une différence entre les deux groupes. En raison de l'hétérogénéité substantielle, nous n'avons pas calculé d'estimation de l'effet global pour l'équivalent sphérique moyen à 12 mois, mais les estimations ponctuelles ont systématiquement suggéré qu’il n’y a pas de différence entre la PKR optimisée par front d'onde par rapport à la PKR guidée par front d'onde. Toutefois, le LASIK optimisé par front d'onde par rapport au LASIK guidé par front d'onde peut améliorer l'équivalent sphérique moyen (DM -0,14 D, IC à 95 % -0,19 à -0,09 ; 4 études, 472 participants). Toutes les estimations des effets avaient un faible niveau de confiance des données probantes.
À six mois, les résultats étaient conformes à ceux obtenus à 12 mois sur la base de deux à six études. Les résultats suggèrent qu’il n’y a pas de différence entre deux procédures de front d'onde pour tous les critères de jugement évalués, à l'exception du sous-groupe de LASIK optimisé par front d'onde qui a montré une amélioration probable de l'équivalent sphérique moyen (DM -0,12 D, IC à 95 % -0,19 à -0,05 ; I2 = 0 % ; 3 études, 280 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) par rapport au LASIK guidé par front d'onde.
Nous avons trouvé une seule étude comparant le LASIK guidé par front d'onde par rapport à la PKR guidée par front d'onde à six et douze mois. Aux deux moments, les estimations de l'effet ont systématiquement confirmé qu’il n’y a pas de différence entre deux procédures. Le niveau de confiance des données probantes était très faible pour toutes les estimations.
Événements indésirables
Les pertes visuelles significatives ou les effets secondaires optiques signalés étaient similaires d'un groupe à l'autre.
Post-édition effectuée par Arabelle Dumoulin et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr