Question de la revue
Évaluer les effets des traitements à base de médicaments ayant pour objectif de prévenir les lésions des glandes salivaires après une radiothérapie de la tête et du cou
Contexte
Les problèmes liés à la production de salive et aux glandes salivaires sont un effet secondaire significatif et en général permanent pour les personnes ayant suivi un traitement par radiothérapie au niveau de la tête et du cou. Lorsque cela se produit cette affection est connue sous le nom de bouche sèche (sécheresse buccale) ou de xérostomie. La sécheresse buccale n'est pas mesurable et représente l'avis subjectif d'une personne indiquant comment celle-ci perçoit sa bouche. La sécheresse buccale peut avoir d'autres causes et celle-ci fait partie des conséquences faisant suite à une réduction de la production de salive ou à une modification de la consistance de la salive. La vitesse de production de la salive dans la bouche d'un individu peut cependant être mesurée. Les personnes ayant une sécheresse buccale peuvent avoir une qualité de vie réduite. Ceux-ci peuvent avoir des problèmes avec la perception du goût et un malaise général, des difficultés pour mâcher, avaler et parler ainsi que des caries dentaires, du muguet et d'autres infections de la bouche. Un large éventail de médicaments ayant différents modes d'action ont été utilisés pour tenter de prévenir les problèmes associés aux glandes salivaires et causés par la radiothérapie. Malheureusement, il n'existe actuellement pas suffisamment de preuves pour déterminer quels types de médicaments ou quels médicaments spécifiques sont les plus efficaces.
Caractéristiques de l'étude
Les preuves incluses dans cette revue sont à jour jusqu'au 14 septembre 2016. 39 études ont été incluses, avec un total de 3520 participants. Les participants étaient des hommes et des femmes, de tous âges et de multiples origines ethniques, hospitalisés ou non et s’apprêtant à recevoir une radiothérapie au niveau de la tête et du cou avec ou sans chimiothérapie.
Les médicaments inclus comprenaient tous ceux prescrits pour prévenir les troubles des glandes salivaires et administrés avant ou pendant la radiothérapie. Des informations ont été recueillies à partir de la fin de la radiothérapie, sauf pour les effets néfastes. Les études portant sur différentes techniques d'administration des radiations pour limiter les dégâts n'ont pas été incluses.
Les principaux résultats mesurés étaient l'évaluation des patients de leur sécheresse buccale et la mesure de la production de salive. Les résultats secondaires mesurés incluaient les effets indésirables ou néfastes, tels que transpirer, pleurer, avoir le nez qui coule ou avoir des diarrhées et des nausées.
Résultats principaux
Il existe des preuves de faible qualité suggérant que l'amifostine prévient la sensation de bouche sèche chez les personnes recevant une radiothérapie au niveau de la tête et du cou (avec ou sans chimiothérapie) à court (fin de la radiothérapie) et à moyen terme (trois mois après la radiothérapie). Cependant, il est mal établi si cet effet est maintenu à 12 mois après la radiothérapie. Les bénéfices de l'amifostine doivent être évalués tout en considérant ses coûts élevés et ses effets secondaires. Les effets indésirables tels que des vomissements, une faible pression artérielle, une sensation de malaise et des réactions allergiques étaient tous plus fréquents chez les personnes ayant reçu de l'amifostine. Il n'y avait pas suffisamment de preuves pour indiquer qu'un quelconque autre traitement est bénéfique.
Qualité des preuves
La qualité des preuves portant sur l'amifostine a été considérée comme étant faible en raison du risque de biais, des incohérences et des imprécisions causées par le faible nombre d'études dans la comparaison ou par la faible taille des échantillons. L'utilisation d'une échelle standardisée pour mesurer la sensation subjective d'avoir la bouche sèche dans les futures études devrait permettre de comparer et de combiner les résultats.
Il existe des preuves de faible qualité suggérant que l'amifostine prévient la sensation de sécheresse buccale chez les personnes recevant une radiothérapie au niveau de la tête et du cou (avec ou sans chimiothérapie) à court (fin de radiothérapie) et à moyen terme (trois mois après la radiothérapie). Cependant, il est mal établi si cet effet est maintenu à 12 mois après la radiothérapie. Les bénéfices de l'amifostine devraient être évalués tout en considérant son coût élevé et ses effets secondaires. Il n'y avait pas suffisamment de preuves pour montrer qu'une autre intervention est bénéfique.
Les troubles des glandes salivaires sont un terme générique permettant d'indiquer la présence d'une xérostomie (la sensation subjective de sécheresse buccale), ou d'une hypofonction des glandes salivaires (une réduction de la production de salive). Ces troubles représentent des effets secondaires prévisibles de la radiothérapie réalisée au niveau de la tête et du cou, et sont associés à une réduction significative de la qualité de vie. Un large éventail d'interventions pharmacologiques agissant au travers de différents mécanismes d'action, sont utilisées pour la prévention des troubles des glandes salivaires induits par la radiation.
Évaluer les effets des interventions pharmacologiques pour la prévention des troubles des glandes salivaires induits par la radiation.
Le spécialiste Cochrane de l'information sur la santé bucco-dentaire a effectué des recherches dans les bases de données suivantes : le registre Cochrane des essais portant sur la santé bucco-dentaire (jusqu'au 14 septembre 2016) ; le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL, numéro 2016, 8), la Bibliothèque Cochrane (recherche effectuée le 14 septembre 2016) ; MEDLINE Ovid (de 1946 jusqu'au 14 septembre 2016) ; Embase Ovid (de 1980 jusqu'au 14 septembre 2016) ; EBSCO CINAHL (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature ; de 1937 jusqu'au 14 septembre 2016) ; LILACS BIREME Virtual Health Library (Latin American and Caribbean Health Science Information database ; de 1982 jusqu'au 14 septembre 2016), Zetoc Conference Proceedings (de 1993 jusqu'au 14 septembre 2016) ; et OpenGrey (de 1997 jusqu'au 14 septembre 2016). Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du US National Institutes of Health (ClinicalTrials.gov) et sur la World Health Organization International Clinical Trials Registry Platform pour identifier les essais en cours. Aucune restriction n'a été appliquée concernant la langue ou la date de publication lors des recherches dans les bases de données électroniques.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés indépendamment de leur langue de publication ou leur statut de publication. Les essais incluaient des participants de tout âge, sexe, origine ethnique et se préparant à recevoir une radiothérapie de la tête et du cou seule ou en complément à une chimiothérapie. Les participants pouvaient être hospitalisés ou non. Nous avons inclus les essais comparant n'importe quel régime médicamenteux prescrit pour la prophylaxie des troubles des glandes salivaires avant ou pendant la radiothérapie, à un placebo, à l'absence d'intervention ou à une autre intervention pharmacologique. Les comparaisons portant sur différentes techniques d'irradiation ont été exclues.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane.
Nous avons inclus 39 études ayant randomisé 3520 participants ; le nombre de participants analysés variait selon le critère de jugement et le moment donné des observations. Les études ont été catégorisées dans 14 comparaisons distinctes et une méta-analyse n'a été possible que pour trois comparaisons.
Nous avons trouvé des preuves de faible qualité indiquant que l'amifostine, par rapport à un placebo ou à l'absence de traitement témoin, pourrait réduire le risque de xérostomie modérée à sévère (de niveau 2 ou supérieur sur une échelle de 0 à 4) à la fin de la radiothérapie (risque relatif (RR) 0,35, intervalle de confiance à 95 % (IC) 0,19 à 0,67 ; P = 0,001, 3 études, 119 participants), et jusqu'à trois mois après la radiothérapie (RR 0,66, IC à 95 % 0,48 à 0,92 ; P = 0,01, 5 études, 687 participants), mais il n'y a pas suffisamment de preuves indiquant que l'effet était maintenu jusqu'à 12 mois après la radiothérapie (RR 0,70, IC à 95 % 0,40 à 1,23 ; P = 0,21, 7 études, 682 participants). Nous avons trouvé des preuves de très faible qualité indiquant que l'amifostine a accru la production de salive hors-stimulation jusqu'à 12 mois après la radiothérapie, à la fois en termes de mg de salive par 5 minutes (différence moyenne (DM) 0,32, IC à 95 % 0,09 à 0,55 ; P = 0,006, 1 étude, 27 participants), et l'incidence de la production de salive supérieur à 0,1 g sur 5 minutes (RR 1,45, IC à 95 % 1,13 à 1,86 ; P = 0,004, 1 étude, 175 participants). Cependant, il n'y avait pas suffisamment de preuves pour montrer une différence lors de l'examen de la production de salive durant une stimulation. Il n'y avait pas suffisamment de preuves (très faible qualité) pour montrer si l'amifostine avait compromis les effets du traitement du cancer lors de l'examen des mesures de la survie. Il y avait des preuves de très faible qualité indiquant un petit bénéfice en faveur de l'amifostine en termes de qualité de vie (échelle sur 10 points) au bout de 12 mois après la radiothérapie (DM 0,70, IC à 95 % 0,20 à 1,20 ; P = 0,006, 1 étude, 180 participants), mais pas suffisamment de preuves à la fin du traitement et jusqu'à trois mois après la radiothérapie. Une autre étude n'a pas montré de différences à 6, 12, 18 et 24 mois après la radiothérapie. Il y avait des preuves de faible qualité indiquant que l'amifostine est associée à l'augmentation de : vomissements (RR 4,90, IC à 95 % 2,87 à 8,38 ; P < 0,00001, 5 études, 601 participants) ; hypotensions (RR 9,20, IC à 95 % 2,84 à 29,83 ; P = 0,0002, 3 études, 376 participants) ; nausées (RR 2,60, IC à 95 % 1,81 à 3,74 ; P < 0,00001, 4 études, 556 participants) ; et des réactions allergiques (RR 7,51, IC à 95 % 1,40 à 40,39 ; P = 0,02, 3 études, 524 participants).
Nous n'avons pas trouvé suffisamment de preuves (c'est-à-dire que les preuves étaient de très faible qualité) pour déterminer si la pilocarpine était supérieure ou inférieure à un placebo ou à l'absence de traitement témoin pour les critères de jugement suivants : la xérostomie, la production de salive, le taux de survie, et la qualité de vie. Il y avait des preuves de faible qualité indiquant que la pilocarpine était associée à une augmentation des sueurs (RR 2,98, IC à 95 % 1,43 à 6,22 ; P = 0,004, 5 études, 389 participants).
Nous n'avons pas trouvé suffisamment de preuves pour déterminer si la palifermine était supérieure ou inférieure à un placebo au niveau de : la xérostomie (faible qualité) ; la survie (qualité modérée) ; et des effets indésirables en général.
De même, il n'y avait pas suffisamment de preuves pour déterminer les effets des interventions suivantes : le bipéridène associé à de la pilocarpine, la médecine chinoise, le béthanéchol, la salive artificielle, le sélénium, les bains de bouche aux antiseptiques, les pastilles antimicrobiennes, le polaprezinc, le bain de bouche à l'azulène, et le Venalot Depot (coumarine + troxérutine).
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France