Contexte et problématique de la revue
Bien que les patients subissent une intervention chirurgicale pour maintenir ou augmenter leur espérance de vie ou pour améliorer leur qualité de vie, la chirurgie n'est pas dénuée de risques. Certains patients développeront éventuellement une complication liée au cœur suite à une intervention de type non cardiaque, comme un infarctus du myocarde. Plusieurs outils tentent de prédire chez l’individu les risques de développer une complication cardiaque après une intervention chirurgicale à partir des informations recueillies durant la prise en charge précédent la chirurgie. L’index de risque cardiaque de Goldman révisé est un parmi ces outils qui tente d'estimer le risque de développer une complication cardiaque pendant le séjour à l'hôpital chez les patients subissant une intervention chirurgicale non cardiaque. Il utilise des informations indiquant : si le patient a déjà subi un infarctus du myocarde, une insuffisance cardiaque et/ou un accident vasculaire cérébral au cours de sa vie, s'il utilise de l'insuline pour le traitement d’un éventuel diabète sucré, l’état actuel de sa fonction rénale et s'il va subir une intervention chirurgicale à haut risque ou non. L’index de risque cardiaque de Goldman révisé est couramment utilisé par les praticiens, mais les prédictions qu’il fournit ne sont pas toujours très précises. C'est pourquoi plusieurs chercheurs ont tenté d'améliorer ces prédictions en ajoutant des informations supplémentaires à cet outil. Ces informations peuvent être obtenues à partir de ce que l'on appelle des biomarqueurs, qui sont, par exemple, des mesures obtenues à partir de prélèvements sanguins, des techniques d'imagerie ou d'autres caractéristiques, telles que l'âge, le tabagisme ou la condition physique du patient.
L'objectif de cette revue systématique était d'évaluer le fait que si l'ajout de tels biomarqueurs à l’index de risque cardiaque de Goldman révisé améliorerait les prédictions de complications liées au cœur pendant le séjour intrahospitalier chez les patients subissant une chirurgie non cardiaque. En outre, nous avons cherché à savoir si les biomarqueurs et d'autres outils de prédiction menaient à de meilleures prédictions, quant aux complications cardiaques pendant l'hospitalisation, que les prédictions obtenues avec l'index de risque cardiaque de Goldman révisé chez les patients subissant une chirurgie autre que cardiaque.
Principaux résultats
Nous avons identifié 69 prédicteurs différents qui ont été ajoutés à l'outil « index de risque cardiaque de Goldman révisé » pour améliorer les prédictions de ces complications cardiaques. Les données probantes sont à jour au 25 juin 2020. Les prédictions semblent s'améliorer avec l'ajout de certains biomarqueurs dérivés du sang. Il s'agit de la troponine (qui mesure les lésions musculaires du cœur), du peptide cérébral natriurétique (brain natriuretic peptide, BNP) et du N-terminale pro-BNP (NT-proBNP) (qui mesurent tous deux la gravité de l'insuffisance cardiaque).
En outre, 60 biomarqueurs ont été étudiés afin de comparer leurs prédictions à celles de l’index de risque cardiaque de Goldman révisé. D'autres études incluses dans cette revue suggèrent que le BNP et le NT-proBNP seuls pourraient prédire les complications cardiaques d’une façon même meilleure que l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. Soixante-cinq outils de prédiction autres que l'index de risque cardiaque de Goldman révisé ont essayé d'améliorer les prédictions fournies par ce dernier. Les scores de risque chirurgical de l'American College of Surgeons ACS-NSQIP (American College of Surgeons National Surgical Quality Improvement) et l’ACS-NSQIP-MICA (Infarctus du Myocarde ou Arrêt cardiovasculaire; en anglais Myocardial Infarction or Cardiac Arrest MICA) pouvaient fournir de meilleures prédictions que l'index de risque cardiaque de Goldman révisé, mais cela était valable uniquement pour certains critères de jugement, et non pour les complications cardiaques. Cependant, pour toutes ces questions de recherche, nous ne sommes pas confiants dans les résultats en raison de la grande variabilité entre les méthodes de recherche appliquées et des indices de manque de précision dans l'utilisation des approches de recherche.
Conclusions des auteurs
La troponine, le BNP et le NT-proBNP pourraient améliorer la capacité de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé à prédire les complications liées au cœur. Les scores de risque chirurgical ACS-NSQIP-MICA et ACS-NSQIP semblent être meilleurs pour prédire les complications post-chirurgicales que l'outil « index de risque cardiaque de Goldman révisé », mais pas les complications proprement cardiaques. Cependant, en raison de lacunes dans la manière dont les études ont été menées, nous ne sommes pas certains que les observations que nous avons obtenues s'appliquent à tous les patients subissant une chirurgie autre que cardiaque. Nous devons poursuivre et améliorer les recherches sur les biomarqueurs dont les performances prédictives sont prometteuses dans d'autres contextes.
Les études incluses dans cette revue suggèrent que la performance prédictive de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé en termes de prédiction d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs (ECIM) est améliorée lorsque le N-terminale pro-BNP (NT-proBNP) NT-proBNP, la troponine ou leur combinaison sont ajoutés. D'autres études indiquent que le peptide cérébral natriurétique (brain natriuretic peptide, BNP) et le NT-proBNP, lorsqu'ils sont utilisés de manière isolée, pourraient même avoir une performance de discrimination supérieure à celle de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. Il n'y avait pas suffisamment de données probantes suggérant une différence entre la précision prédictive de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé et d'autres modèles de prédiction d’ECIM. Cependant, les scores de risque chirurgical de l'American College of Surgeons ACS-NSQIP-MICA et ACS-NSQIP-SRS se sont avérés être plus performants que l'index de risque cardiaque de Goldman révisé en termes de prédiction de l'infarctus du myocarde et de l'arrêt cardiovasculaire combinés, et de la mortalité toutes causes confondues, respectivement. Néanmoins, les résultats ne peuvent pas être interprétés comme étant concluants en raison des risques élevés de biais dans une majorité d'articles, et la mise en commun était impossible en raison de l'hétérogénéité des critères de jugement, des horizons prévisionnels, des biomarqueurs et des populations étudiées.
Les recherches ultérieures sur la valeur pronostique des biomarqueurs ajoutée aux modèles de prédiction existants devraient se concentrer sur les biomarqueurs ayant une bonne précision prédictive dans d'autres contextes (par exemple, le diagnostic de l'infarctus du myocarde) et sur l'identification des biomarqueurs à partir des données omiques. Ces biomarqueurs devraient être comparés à de nouveaux biomarqueurs dont les données probantes sont jusqu'à présent insuffisantes par rapport aux biomarqueurs avec lesquels on est familier, notamment le NT-proBNP ou les troponines. Il est fortement recommandé d'adhérer aux directives et recommandations récentes pour les études portant sur des modèles de prédiction (par exemple, TRIPOD ; PROBAST) et d'utiliser des définitions de critères de jugement standardisées dans les études primaires afin de faciliter les revues systématiques et les méta-analyses ultérieures.
L’indice de risque cardiaque de Goldman révisé est un modèle pronostique largement reconnu utilisé pour estimer, dans un cadre pré-chirurgical, la probabilité d’être victime d’événements cardiovasculaires indésirables majeurs (ECIM) durant le séjour à l'hôpital chez les patients subissant une chirurgie non cardiaque. Cependant, l'index de risque cardiaque de Goldman révisé ne permet pas toujours d’effectuer des prédictions cliniques précises, donc diverses études ont cherché à vérifier si des biomarqueurs ajoutés à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé ou comparés à celui-ci pouvaient améliorer les prédictions.
Objectif principal : Étudier la valeur prédictive ajoutée des biomarqueurs à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé pour prédire dans un contexte pré-chirurgical la survenue d’ECIM en intrahospitalier et d'autres effets indésirables chez les patients subissant une chirurgie non cardiaque.
Objectif secondaire : Étudier la valeur pronostique des biomarqueurs par rapport à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé pour prédire dans un contexte pré-chirurgical la survenue d’ECIM en intrahospitalier et d'autres évènements indésirables chez les patients subissant une chirurgie non cardiaque.
Objectif tertiaire : Étudier la valeur pronostique d'autres modèles de prédiction comparés à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé pour prédire dans un cadre pré-chirurgical la survenue d’ECIM en intrahospitalier et d'autres évènements indésirables chez les patients subissant une chirurgie non cardiaque.
Nous avons effectué des recherches dans MEDLINE et Embase du 1er janvier 1999 (année de publication de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé) au 25 juin 2020. Nous avons également recherché dans ISI Web of Science et SCOPUS les articles faisant référence à l'étude originale de développement de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé au cours de cette période.
Nous avons inclus des études portant sur des adultes ayant subi une chirurgie non cardiaque et documentant la validation (externe) de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé en plus de :
- l'ajout d'un ou de plusieurs biomarqueurs à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé ; ou
- la comparaison de la précision prédictive du ou des biomarqueur(s) à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé ; ou
- la comparaison de la précision prédictive de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé avec d'autres modèles.
Outre les ECIM, tous les autres évènements indésirables ont été pris en compte pour l’inclusion.
Nous avons développé un formulaire d'extraction des données basé sur la liste de vérification CHARMS. Des paires d'auteurs indépendamment agencées ont parcouru les références, ont extrait les données et ont évalué le risque de biais et les conditions d'applicabilité selon le modèle PROBAST. Concernant les biomarqueurs et les modèles de prédiction qui ont été ajoutés ou comparés à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé dans ≥ 3 articles différents, nous avons décrit les caractéristiques et les observations des études de manière plus détaillée. Nous n'avons pas appliqué le système GRADE car aucune recommandation n'est disponible pour les revues systématiques de modèles pronostiques.
Nous avons examiné 3960 registres et inclus 107 articles.
Sur l'ensemble des objectifs, nous avons évalué le risque de biais comme étant élevé dans ≥ 1 domaine dans 90 % des études incluses, en particulier dans le domaine de l'analyse. La mise en commun statistique ou la méta-analyse des résultats rapportés était impossible en raison de l'hétérogénéité dans divers aspects : critères de jugement utilisés, échelle à laquelle le biomarqueur a été ajouté/comparé à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé, horizons prévisionnels et populations étudiées.
Valeur prédictive des biomarqueurs ajoutée à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé
Cinquante et une études rapporté la valeur des biomarqueurs ajoutée à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. Soixante-neuf facteurs de prédiction différents ont été identifiés et provenaient de prélèvements sanguins (29 %), de l'imagerie (33 %) ou d'autres sources (38 %). L'ajout du NT-proBNP, de la troponine ou de leur combinaison a amélioré l'index de risque cardiaque de Goldman révisé concernant la prédiction de la survenue d’ECIM (delta médian de la statistique-c : 0,08, 0,14 et 0,12 pour le NT-proBNP, la troponine et leur combinaison, respectivement). L'index net de reclassification total médian était de 0,16 et de 0,74 après l'ajout de la troponine et du NT-proBNP à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé, respectivement. L'étalonnage n'a pas été rapporté. Pour prédire l'infarctus du myocarde, le delta médian de la statistique-c lorsque le NT-proBNP était ajouté à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé était de 0,09, et de 0,06 pour la prédiction de la mortalité toutes causes confondues et de la survenue d’ECIM combinées. Pour le BNP et la copeptine, les données n'étaient pas suffisantes pour fournir des résultats en relation avec leur performance prédictive additionnelle, pour aucun des critères de jugement.
Comparaison de la valeur prédictive des biomarqueurs à celle de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé
Cinquante et une études ont évalué la performance prédictive des biomarqueurs seuls en comparaison avec l’index de risque cardiaque de Goldman révisé. Nous avons identifié 60 prédicteurs uniques dérivés du sang (38 %), de l'imagerie (30 %) ou d'autres sources, telles que la classification de la Société Américaine des Anesthésistes (American Society of Anesthesiologists ASA) (32 %). Les prédictions étaient similaires entre la classification ASA et l'index de risque cardiaque de Goldman révisé pour tous les critères de jugement étudiés. Dans des études différentes de celles identifiées dans l'objectif 1, le delta médian de la statistique-c était de 0,15 et 0,12 en faveur du BNP et du NT-proBNP seuls, respectivement, lorsqu'ils étaient comparés à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé, pour la prédiction d’ECIM. Pour la protéine C-réactive, la performance prédictive était similaire à celle de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. Pour les autres biomarqueurs et résultats, les données étaient insuffisantes pour fournir des résultats récapitulatifs. Une étude a rapporté la calibration et aucune n’a rapporté la reclassification.
Comparaison de la valeur prédictive d'autres modèles pronostiques à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé
Cinquante-deux articles ont comparé la capacité prédictive de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé à d'autres modèles pronostiques. Parmi ceux-ci, 42 % ont développé un nouveau modèle de prédiction, 22 % ont mis à jour l'index de risque cardiaque de Goldman révisé, ou un autre modèle de prédiction, et 37 % ont validé un modèle de prédiction pré-existant. Aucun des autres modèles de prédiction n'a montré une meilleure performance dans la prédiction d’ECIM que l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. Pour prédire les infarctus du myocarde et les arrêts cardiorespiratoires, l'ACS-NSQIP-MICA présentait un delta médian de la statistique-c plus élevé de 0,11 par rapport à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. Pour prédire la mortalité toutes causes confondues, le delta médian de la statistique-c était plus élevé de 0,15, en faveur de l'ACS-NSQIP-SRS par rapport à l'index de risque cardiaque de Goldman révisé. La performance prédictive du score CHADS2, du CHA2DS2-VASc, du R2CHADS2, du score de risque cardiovasculaire de Goldman, du score de risque cardiovasculaire de Detsky ou du VSG-CRI n'était pas meilleure que celle de l'index de risque cardiaque de Goldman révisé pour aucun des critères de jugement. Le calibrage et la reclassification n'ont été rapportés que dans une et trois études, respectivement.
Post-édition effectuée par Serge Medawar et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d’origine ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr