Cette revue examine les données probantes d'essais contrôlés randomisés sur l'utilisation d'interventions mécaniques et chirurgicales pour arrêter les hémorragies graves après l'accouchement. D'autres revues Cochrane examinent l'utilisation de médicaments qui favorisent la coagulation du sang ou les contractions de l'utérus.
Quelle est la problématique ?
L'hémorragie du postpartum (HPP) immédiat se produit lorsqu'une mère a des saignements vaginaux excessifs dans les 24 heures suivant l'accouchement (généralement > 500 ml ou > 1000 ml). La cause la plus fréquente de l’HPP immédiat est l'incapacité de l'utérus à se contracter après l’accouchement, et les soins habituels reposent sur l'utilisation de médicaments pour provoquer des contractions. Parmi les autres causes, nous trouvons la rétention de placenta, les déchirures vaginales ou cervicales et l'incapacité du sang à coaguler. Les méthodes chirurgicales et mécaniques appliquent une pression directe sur les vaisseaux sanguins pour réduire le flux sanguin utérin. La pression peut être appliquée depuis l'intérieur de l'utérus en gonflant un ballon dans l'utérus. Une autre solution consiste à appliquer une pression sur la surface extérieure de l'utérus. Cela peut se faire directement (à la main) ou en passant des points de suture à travers les parois avant et arrière de l'utérus pour comprimer les parois utérines ensemble. La circulation sanguine peut également être arrêtée en liant ou en bloquant les vaisseaux sanguins qui alimentent l'utérus.
Pourquoi est-ce important ?
L'HPP est une cause fréquente de décès et de maladie maternelle dans le monde entier. Près de 300 000 femmes enceintes meurent chaque année dans le monde, dont environ 25 % par hémorragie. Elle peut également entraîner chez la mère des problèmes médicaux et psychologiques importants à long terme.
Quelles données probantes avons-nous trouvées ?
Nous avons recherché des données probantes (juillet 2019) et avons inclus neuf petits essais contrôlés randomisés (944 femmes). Les études ont été menées en milieu hospitalier au Pakistan, en Turquie, en Thaïlande, en Égypte (quatre études) et en Arabie Saoudite, et dans des établissements de santé au Bénin et au Mali. Dans l'ensemble, les études étaient très différentes, avec des comparaisons de différentes interventions. Le petit nombre de femmes dans chaque étude, le peu ou l'absence d'événements, le manque de données sur les critères de jugement importants et la grande variation des résultats ont fait que peu de conclusions claires ont été obtenues. Il n'a pas été possible de regrouper les résultats des études. Nos évaluations du niveau de confiance des essais allaient de faible à très faible, la majorité étant considérée comme très faible. Nous ne pouvons donc pas avoir confiance dans les résultats.
Deux études (356 femmes) ont comparé la pression interne en utilisant des ballons non commerciaux (un préservatif rempli d'eau et un ballon « de fête » stérilisé et rempli d'air) aux soins standards. Le cathéter avec préservatif pourrait entraîner une augmentation de la perte de sang, mais nous n’avons pas observé d’autre effet important dans les deux études. Une troisième étude a montré que le cathéter avec préservatif pourrait réduire la fièvre du post-partum par rapport à un tamponnement de l'utérus avec de la gaze, mais sans autres effets.
Trois études ont utilisé un ballon disponible dans le commerce (Bakri). Dans une étude (13 femmes), celui-ci a été comparé à la pression externe avec des points de suture et on a constaté que le ballon de Bakri pourrait réduire la perte de sang, mais on n'a pas observé d'autres effets. Une autre étude (66 femmes) a comparé le ballon de Bakri à un système par préservatif et n'a trouvé que peu ou pas de différences entre les groupes. La troisième étude (50 femmes) a cherché à savoir si l'utilisation d'un point de suture pour lier l'extrémité supérieure du ballon à la partie supérieure de l'utérus présentait un certain bénéfice, mais n'a constaté que peu ou pas d'effet.
Une étude (64 femmes) a comparé la compression externe de l'utérus à des soins standards, mais n’a pas tiré de conclusions claires. Une autre étude portant sur 160 femmes a comparé une technique de suture de compression standard avec une version modifiée dans laquelle l'utérus est non seulement comprimé, mais le vaisseau principal qui alimente l'utérus est ligaturé. Les résultats suggèrent que la suture modifiée pourrait réduire la perte de sang et le risque d'hystérectomie.
Une étude (23 femmes) a comparé l'utilisation de l'imagerie pour bloquer les vaisseaux sanguins vers l'utérus (embolisation de l'artère utérine) avec des techniques chirurgicales pour couper l'apport sanguin et comprimer l'utérus, mais n'a constaté que peu ou pas d'effet.
Qu’est-ce que cela signifie?
Nous n'avons pas trouvé suffisamment de données probantes de qualité élevée pour déterminer l'efficacité et la sécurité des interventions mécaniques et chirurgicales pour traiter l'hémorragie du post-partum (HPP) immédiat. Des essais randomisés de haute qualité sont nécessaires de toute urgence pour tester certaines des conclusions de cette revue. Nous invitons les auteurs de nouveaux essais à adopter des critères de jugement standardisés et essentiels en matière d'HPP.
Il n'existe actuellement pas suffisamment de données probantes provenant d'ECRs pour déterminer l'efficacité et la tolérance relatives des interventions mécaniques et chirurgicales pour le traitement de l'hémorragie du postpartum (HPP) immédiat. Des essais randomisés de haute qualité sont nécessaires de toute urgence, et de nouvelles voies de consentement d'urgence devraient faciliter le recrutement.
Le résultat montrant que le tamponnement intra-utérin pourrait augmenter la perte sanguine totale > 1000 ml suggère que l'introduction du tamponnement par préservatif ou ballon dans les milieux à faibles ressources, sans amélioration de la qualité multi-systèmes, ne réduit pas à elle seule les décès ou la morbidité liés à l'HPP. La suggestion que la suture B-Lynch modifiée pourrait être supérieure à l'originale nécessite des recherches supplémentaires avant que la technique révisée ne soit adoptée. Dans les milieux à fortes ressources, l'embolisation de l'artère utérine est devenue populaire à mesure que le matériel et les compétences se sont répandus. Cependant, il existe peu de données probantes d'essais randomisés concernant son efficacité et cela nécessite des recherches supplémentaires. Nous invitons les auteurs des nouveaux essais à adopter des critères de jugement standard pour les critères essentiels de l'HPP afin de faciliter la cohérence entre les études primaires et les méta-analyses ultérieures.
L'hémorragie du postpartum (HPP) immédiat est communément définie comme un saignement de l’appareil génital de 500 ml ou plus dans les 24 heures suivant l’accouchement. Elle est l'une des causes les plus fréquentes de mortalité maternelle dans le monde et entraîne une morbidité physique et psychologique importante.
Une revue Cochrane précédente examinant tout traitement utilisé pour la gestion de l'HPP immédiat, a été divisée en plusieurs revues distinctes. Cette revue porte sur le traitement par interventions mécaniques et chirurgicales.
Déterminer l'efficacité et la tolérance des interventions mécaniques et chirurgicales utilisées pour le traitement de l'HPP immédiat.
Nous avons effectué des recherches dans le registre du groupe Cochrane sur la grossesse et l’accouchement, sur le site ClinicalTrials.gov, sur le Système d'enregistrement international des essais cliniques de l'OMS (ICTRP) (26 juillet 2019) et sur les références bibliographiques des études récupérées.
Essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant des méthodes mécaniques/chirurgicales pour le traitement de l'HPP immédiat par rapport aux soins standards ou à une autre méthode mécanique/chirurgicale. Les interventions pouvaient correspondre au tamponnement de l'utérus, l'insertion d'un ballon intra-utérin, la ligature/embolie des artères ou la compression de l'utérus (soit avec des sutures, soit manuellement).
Nous avons inclus les études rapportées sous forme de résumé s'il y avait suffisamment d'informations pour permettre une évaluation du risque de biais. Les essais utilisant un modèle en grappes étaient éligibles pour l'inclusion, mais les essais quasi randomisés ou les études croisées ne l'étaient pas.
Deux auteurs de la revue ont évalué de manière indépendante les études pour l'inclusion et le risque de biais, ont extrait les données de manière indépendante et vérifié leur exactitude. Nous avons utilisé GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.
Nous avons inclus neuf petits essais (944 femmes) menés au Pakistan, en Turquie, en Thaïlande, en Égypte (quatre essais), en Arabie Saoudite, au Bénin et au Mali. Dans l'ensemble, les essais inclus étaient exposés à un risque de biais incertain. En raison des différences considérables entre les études, il n'a pas été possible de combiner les essais dans une méta-analyse. De nombreux critères de jugement importants de cette revue n'ont pas été rapportés. Les évaluations GRADE vont de très faible à faible, la majorité des résultats des critères étant considérés comme ayant un niveau de confiance très faible. Les décisions de déclassement étaient principalement fondées sur les limites de conception des études et l'imprécision ; une étude a également été déclassée pour son caractère indirect.
Compression utérine externe par rapport aux soins standards (1 essai, 64 femmes)
Le très faible niveau de confiance des données probantes signifie que nous ne sommes pas sûrs de l'effet sur la transfusion sanguine (Risque relatif (RR) : 2,33, intervalle de confiance (IC) à 95% : 0,66 à 8,23).
Embolisation de l'artère utérine par rapport à la dévascularisation chirurgicale associée à la suture B-Lynch (1 essai, 23 femmes)
Les données probantes disponibles concernant l'hystérectomie pour contrôler les saignements (RR : 0,73, IC à 95 % : 0,15 à 3,57) ne sont pas claires en raison des données probantes d’un niveau de confiance très faible. Les données disponibles concernant les effets secondaires des interventions ne sont pas non plus claires, car les données étaient d’un niveau de confiance très faible (RR : 1,09 ; IC à 95 % : 0,08 à 15,41).
Tamponnement intra-utérin
Les études ont porté sur diverses méthodes de tamponnement intra-utérin : le ballon de Bakri commercial, un cathéter avec préservatif en latex rempli de liquide (« cathéter à préservatif »), un cathéter avec ballon en latex rempli d'air (« cathéter avec ballon en latex ») ou un tamponnement traditionnel avec de la gaze.
Tamponnement par ballon par rapport aux soins normaux (2 essais, 356 femmes)
Une étude (116 femmes) a utilisé le cathéter avec préservatif. Cette étude a montré qu'il pourrait augmenter la perte de sang de 1000 ml ou plus (RR : 1,52, IC à 95 % : 1,15 à 2,00 ; 113 femmes), données probantes d’un niveau de confiance très faible. Pour les autres critères de jugement, les résultats ne sont pas clairs et sont classés comme des données probantes d’un niveau de confiance très faible : mortalité due aux hémorragies (RR : 6,21, IC à 95 % : 0,77 à 49,98) ; hystérectomie pour contrôler les hémorragies (RR : 4,14, IC à 95 % : 0,48 à 35,93) ; transfusion sanguine totale (RR : 1,49, IC à 95 % : 0,88 à 2,51) ; et effets secondaires. Une deuxième étude portant sur 240 femmes a associé le cathéter avec ballon en latex à un cerclage du col de l’utérus. Le très faible niveau de confiance des données probantes signifie que nous ne sommes pas certains de l'effet sur l'hystérectomie (RR : 0,14, IC à 95 % : 0,01 à 2,74) et sur les interventions chirurgicales supplémentaires pour contrôler les saignements (RR : 0,20, IC à 95 % : 0,01 à 4,12).
Tamponnement par ballon de Bakri par rapport à la suture carrée hémostatique de l'utérus (1 essai, 13 femmes)
Dans ce petit essai, il n'y a pas eu de mortalité due à des hémorragies, de morbidité maternelle grave ou d'effets secondaires de l'intervention, et les résultats concernant la transfusion sanguine ne sont pas clairs (RR : 0,57, IC à 95 % : 0,14 à 2,36 ; niveau de confiance très faible). Le tamponnement par ballon de Bakri pourrait réduire la perte de sang « peropératoire » moyenne (différence moyenne (DM) -426 ml, IC à 95 % : -631,28 à -220,72), données probantes d’un niveau de confiance très faible.
Comparaison des méthodes de tamponnement intra-utérin (3 essais, 328 femmes)
Une étude (66 femmes) a comparé le ballon de Bakri et le cathéter avec préservatif, mais il n'est pas certain que le ballon de Bakri réduise le risque d'hystérectomie pour contrôler les saignements, en raison du très faible niveau de confiance des données probantes (RR : 0,50, IC à 95 % : 0,05 à 5,25). Le très faible niveau de confiance des données probantes montre également que nous ne sommes pas sûrs des résultats concernant le risque de transfusion sanguine (RR : 0,97, IC à 95 % : 0,88 à 1,06).
Une deuxième étude (50 femmes) a comparé le ballon de Bakri avec et sans point de traction. Des données probantes d’un niveau de confiance très faible montrent que nous ne sommes pas certains des résultats concernant l'hystérectomie pour contrôler les saignements (RR : 0,20, IC à 95 % : 0,01 à 3,97).
Une troisième étude (212 femmes) a comparé le cathéter à préservatif à un tamponnement par gaze et a constaté qu'il pourrait réduire la fièvre (RR : 0,47, IC à 95 % : 0,38 à 0,59), mais là encore, le niveau de confiance des données probantes était très faible.
Suture de compression B-Lynch modifiée par rapport à la suture de compression B-Lynch standard (1 essai, 160 femmes)
Des données probantes d’un niveau de confiance faible suggèrent qu'une suture de compression B-Lynch modifiée pourrait réduire le risque d'hystérectomie pour contrôler les saignements (RR : 0,33, IC à 95 % : 0,11 à 0,99) et la perte de sang postopératoire (DM : -244,00 ml, IC à 95 % : -295,25 à -192,75).
Post-édition effectuée par Mélaine Lim et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr