Problématique de la revue
L'administration de prébiotiques aux nourrissons grands prématurés ou de très faible poids de naissance prévient-elle l'entérocolite nécrosante ?
Contexte
Les nourrissons grands prématurés (nés avec plus de huit semaines d'avance) et de très faible poids de naissance (moins de 1,5 kg) risquent de développer une entérocolite nécrosante, une affection grave dans laquelle une partie de la paroi de l'intestin de l'enfant s'enflamme et meurt. Cette affection augmente le risque de décès, d’infection grave, de handicap à long terme et de troubles du développement. Un moyen de prévenir l'entérocolite nécrosante pourrait être d'ajouter des prébiotiques (chaînes de sucres non digestibles favorisant la colonisation intestinale par des bactéries « probiotiques » saines) aux aliments lactés.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des essais ayant examiné l'effet des prébiotiques sur le risque d'entérocolite nécrosante chez les grands prématurés ou les nourrissons de très faible poids de naissance. Nous avons comparé et résumé les résultats des essais et évalué le niveau de confiance des données probantes en fonction de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé sept essais impliquant au total 705 nourrissons participants. Les essais étaient pour la plupart de petite taille et présentaient des défauts de conception susceptibles de biaiser leurs résultats.
Principaux résultats
Les analyses combinées ont montré que l'administration de prébiotiques aux nourrissons grands prématurés ou de très faible poids de naissance pourrait entraîner peu ou pas de différence dans le risque d'entérocolite nécrosante, de décès ou d'infection grave, mais nous avons une confiance limitée dans les données probantes. Un essai a évalué l'effet sur le handicap ou les critères de jugement de développement, mais nous n'avons qu'une confiance très limitée dans ces données probantes.
Quelles sont les limites des données probantes?
Nous avons peu confiance dans les données probantes concernant les effets sur l'entérocolite nécrosante, le décès et les infections graves (et très peu confiance dans les effets sur le handicap ou les critères de développement), car nous craignons que les méthodes utilisées dans les essais inclus pourraient introduire des biais exagérant les bénéfices de la supplémentation en prébiotiques, et car certaines estimations de l'effet sont imprécises.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en juillet 2022.
Les données d'essais disponibles fournissent des données probantes d’un niveau de confiance faible concernant les effets des prébiotiques sur le risque d’entérocolite nécrosante, de mortalité toutes causes confondues avant la sortie de l'hôpital et d'infection invasive, ainsi que des données probantes d’un niveau de confiance très faible concernant l'effet sur les troubles du développement neurologique chez les grands prématurés ou les nourrissons de très faible poids de naissance. Notre confiance dans les estimations de l'effet est limitée ; les effets réels pourraient être substantiellement différents. Des essais de grande envergure et de qualité sont nécessaires pour fournir des données probantes d'une validité suffisante pour éclairer les décisions en matière de politique et de pratique.
La supplémentation alimentaire en oligosaccharides prébiotiques pour moduler le microbiome intestinal a été proposée comme stratégie pour réduire le risque d'entérocolite nécrosante (ECN) et la mortalité et la morbidité associées chez les nourrissons grands prématurés ou de très faible poids de naissance.
Évaluer les bénéfices et les risques d'une supplémentation entérale en prébiotiques (par rapport à un placebo ou à l'absence de traitement) pour la prévention de l’ECN et de la morbidité et de la mortalité associées chez les grands prématurés ou les nourrissons de très faible poids de naissance.
Nous avons interrogé le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, Embase, la base de données Maternity and Infant Care et le Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature (Index cumulé de la littérature en soins infirmiers et apparentés), à partir des premiers enregistrements jusqu'en juillet 2022. Nous avons fait des recherches dans les bases de données d'essais cliniques, les actes de conférences et les références bibliographiques des articles identifiés.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des quasi-ECR comparant les prébiotiques à un placebo ou à l'absence de prébiotiques chez les grands prématurés (< 32 semaines de gestation) ou les nourrissons de très faible poids de naissance (< 1500 g). Les critères de jugement principaux étaient l’ECN et la mortalité toutes causes confondues, et les critères de jugement secondaires étaient l'infection invasive tardive, la durée d'hospitalisation depuis la naissance et les troubles du développement neurologique.
Deux auteurs de la revue ont évalué séparément le risque de biais des essais, extrait les données et synthétisé les estimations de l'effet en utilisant le risque relatif (RR), la différence de risques (DR) et la différence de moyennes (DM), avec les intervalles de confiance (IC) à 95 % associés. Les critères de jugement principaux d'intérêt étaient l’ECN et la mortalité toutes causes confondues ; nos critères de jugement secondaires étaient l'infection invasive tardive (> 48 heures après la naissance), la durée d'hospitalisation et les troubles du développement neurologique. Nous avons utilisé l'approche GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.
Nous avons inclus sept essais auxquels ont participé 705 nourrissons au total. Tous les essais étaient de petite taille (taille moyenne de l'échantillon : 100). Le manque de clarté des méthodes de dissimulation de l'allocation et de masquage des soignants ou des investigateurs a été une source potentielle de biais dans trois des essais. Les prébiotiques étudiés étaient des fructo- et galacto-oligosaccharides, de l'inuline et du lactulose, généralement administrés quotidiennement avec les aliments entéraux pendant l'hospitalisation à la naissance.
Les méta-analyses des données de sept essais (686 nourrissons) suggèrent que les prébiotiques pourraient entraîner peu ou pas de différence en matière d’ECN (RR 0.97, IC à 95 % 0.60 à 1.56 ; DR aucun de moins pour 1000, IC à 95 % 50 moins à 40 plus ; données probantes d’un niveau de confiance faible), de mortalité toutes causes confondues (RR 0.43, IC à 95 % 0.20 à 0.92 ; 40 pour 1000 en moins, IC à 95 % 70 de moins à aucun de moins ; données probantes d’un niveau de confiance faible, ou d'infection invasive tardive (RR 0.79, IC à 95 % 0.60 à 1.06 ; 50 pour 1000 en moins, IC à 95 % 100 en moins à 10 en plus ; données probantes d’un niveau de confiance faible) avant la sortie de l'hôpital. Le niveau de confiance de ces données probantes est faible en raison du risque de biais dans certains essais et de l'imprécision des estimations de la taille de l'effet. Les données disponibles d'un essai n'ont fourni que des données probantes d’un niveau de confiance très faible concernant l'effet des prébiotiques sur les mesures des troubles du développement neurologique (score de l'indice de développement mental de l'échelle de Bayley (Bayley Scales of Infant Development, BSID) < 85) : RR 0.84, IC à 95 % 0.25 à 2.90 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible ; score de l'indice de développement psychomoteur BSID < 85 : RR 0.24, IC à 95 % 0.03 à 2.00 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible ; paralysie cérébrale : RR 0.35, IC à 95 % 0.01 à 8.35 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Post-édition effectuée par Farah Noureddine et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr