Quel est le but de cette revue ?
Les moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII) sont une intervention essentielle dans la lutte contre le paludisme. Une version précédente de cette étude Cochrane a montré qu'ils sont très efficaces pour réduire les décès et les maladies liés au paludisme. Depuis la publication de l'étude, de nombreuses régions touchées par le paludisme ont signalé des populations de moustiques résistants aux insecticides utilisés dans les MII. L'objectif de cette mise à jour était d'évaluer les données disponibles et de déterminer si les MII continuent d'être efficaces dans la lutte contre la maladie. Les chercheurs de Cochrane ont recueilli et analysé les études pertinentes et évalué la certitude globale des données probantes.
Quel est le sujet de la revue ?
Cette mise à jour résume les essais publiés depuis la revue précédente qui évaluait l'impact des moustiquaires imprégnées d'insecticide sur les décès et les maladies liés au paludisme, par rapport aux moustiquaires non imprégnées et pas de moustiquaire. Après avoir recherché les essais pertinents jusqu'au 18 avril 2018, nous avons identifié trois nouveaux essais contrôlés randomisés (études dans lesquelles les participants sont assignés à un groupe de traitement selon une méthode aléatoire). Au total, nous avons inclus 23 essais, incluant plus de 275 000 adultes et enfants, pour évaluer l'efficacité des MII dans la réduction du fardeau du paludisme. Les études incluses ont fourni des preuves de l'impact des MII sur l'infection par deux types de parasites du paludisme, Plasmodium falciparum et Plasmodium vivax.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Douze essais (neuf en Afrique, un au Cambodge, un au Myanmar et un au Pakistan) ont évalué l'impact des MII par rapport à l'absence de moustiquaires. De ces essais, nous avons conclu que les MII réduisent la mortalité infantile toutes causes confondues, ce qui correspond à une économie de 5,6 vies par an pour 1000 enfants protégés par des MII (données probantes de degré de certitude élevé). Les MII réduisent également le nombre de cas de P falciparum par personne et par an et la proportion de personnes infectées par des parasites P falciparum (données probantes de degré de certitude élevé). Les MII réduisent probablement le nombre de cas de P vivax par personne et par an et peuvent réduire la proportion de personnes infectées par des parasites P vivax (données probantes de degré de certitude moyen).
Onze essais (trois en Afrique subsaharienne, six en Amérique latine et deux en Thaïlande) ont évalué l'impact des MII par rapport aux moustiquaires non traitées. De ces essais, nous avons conclu que les MII réduisent probablement la mortalité infantile toutes causes confondues, ce qui correspond à une économie de 3,5 vies par an pour 1000 enfants protégés par des MII (données probantes de degré de certitude moyen). Les MII réduisent également le nombre de cas de P falciparum par personne par an et par an (données probantes de degré de certitude élevé) et réduisent probablement la proportion de personnes infectées par des parasites P falciparum (données probantes de degré de certitude moyen). Bien que les MII puissent également réduire le nombre de cas de P vivax par personne et par an (données probantes de faible certitude), il n'est pas certain que la proportion de personnes infectées par des parasites P vivax soit plus faible chez celles qui utilisent une MII que chez celles qui utilisent une moustiquaire non traitée (données probantes de très faible certitude).
Dans l'interprétation de ces résultats, nous avons considéré qu'un nombre croissant de populations de moustiques sont capables de survivre à l'exposition aux insecticides utilisés dans les MII. Cependant, on ne sait pas encore très bien dans quelle mesure cela est important sur le plan quantitatif, ce qui ne semble pas suffisant pour minimiser les preuves existantes d'un effet des MII dans la prévention de la mortalité et des maladies liées au paludisme.
Principaux messages
Les moustiquaires imprégnées d'insecticide, qu'elles soient comparées aux moustiquaires non traitées ou à pas de moustiquaire, continuent d'être efficaces pour réduire la mortalité infantile et les maladies liées au paludisme dans les zones touchées.
Bien qu'il existe des preuves que la fréquence de la résistance aux insecticides a des effets sur la mortalité des moustiques, on ne sait pas très bien dans quelle mesure cela est important sur le plan quantitatif. Cet élément semble insuffisant pour revoir à la baisse la qualité des données probantes quant à l'effet bénéfique sur la mortalité et le paludisme des essais menés antérieurement
Une version précédente de cette étude Cochrane a montré que les moustiquaires imprégnées d'insecticide (MII) sont efficaces pour réduire la mortalité infantile, la prévalence parasitaire et les épisodes de paludisme non compliqués et graves. Les moustiquaires imprégnées d'insecticide sont depuis lors devenues une intervention essentielle dans la lutte contre le paludisme et ont grandement contribué à la baisse spectaculaire de l'incidence de la maladie et des décès liés au paludisme observée depuis le début du millénaire. Cependant, cette période a également vu une augmentation de la résistance aux pyréthroïdes (l'insecticide utilisé dans les MII), ce qui soulève la question de savoir si les résultats des essais menés avant la généralisation de la résistance peuvent être utilisés pour estimer l'impact des MII sur la transmission actuelle du paludisme.
L'objectif principal de cette étude était d'évaluer l'impact des MII sur la mortalité et la morbidité palustre, d'intégrer toutes les données publiées depuis la mise à jour précédente dans les analyses nouvelles et existantes et d'évaluer la certitude des données obtenues à l'aide de GRADE.
Nous avons fait des recherches dans le Registre spécialisé du Cochrane Infectious Diseases Group, le Registre central des essais contrôlés Cochrane (CENTRAL) publié dans la Cochrane Library, MEDLINE, Embase, LILACS, le International Clinical Trials Registry Platform, ClinicalTrials.gov et le registre ISRCTN pour les nouveaux essais publiés depuis 2004 et jusqu'au 18 avril 2018.
Nous avons inclus des essais cliniques comparatifs randomisés individuels (ECR) et des ECR en grappes comparant des moustiquaires de lit ou des rideaux traités avec un insecticide pyréthroïde synthétique à une dose d'imprégnation cible minimale recommandée par l'OMS, avec l’utilisation de moustiquaires non imprégnées ou sans moustiquaires.
Un auteur de la revue a évalué l'éligibilité et le risque de biais des essais identifiés et a extrait les données. Nous avons comparé les données d'intervention et de contrôle à l'aide des ratios de risque (RR), des ratios de taux et des différences moyennes, et nous avons présenté tous les résultats avec leurs intervalles de confiance (IC) à 95 % associés. Nous avons évalué la certitude des éléments probants à l'aide de l’outil GRADE. Nous nous sommes appuyés sur les résultats d'une méta-analyse de critères de jugement entomologiques stratifiés par résistance aux insecticides à partir de 2014 pour éclairer les évaluations GRADE.
Notre recherche mise à jour a permis d'identifier trois nouveaux essais. Au total, 23 essais ont répondu aux critères d'inclusion, enrôlant plus de 275 793 adultes et enfants. Les études incluses ont été réalisées entre 1987 et 2001.
MII par rapport à pas de moustiquaire
Les moustiquaires imprégnées d'insecticide réduisent la mortalité infantile toutes causes confondues de 17 % par rapport à l'absence de moustiquaires (rapport de taux 0,83, IC à 95 % : 0,77 à 0,89 ; 5 essais, 200 833 participants, données probantes de certitude élevée). Cela correspond à sauver 5,6 vies (IC à 95 % : 3,6 à 7,6) chaque année pour 1 000 enfants protégés par des MII. Les moustiquaires imprégnées d'insecticide réduisent également de près de moitié l'incidence des épisodes non compliqués de paludisme à Plasmodium falciparum (rapport des taux 0,55, IC à 95 % 0,48 à 0,64 ; 5 essais, 35 551 participants, données probantes de haute certitude) et réduisent probablement l'incidence des épisodes non compliqués de paludisme à Plasmodium vivax (rapport des risques 0,61, IC à 95 % 0,48 à 0,77 ; 2 essais, 10 967 participants, données probantes de certitude moyenne).
Les moustiquaires imprégnées d'insecticide ont également réduit la prévalence du paludisme P falciparum de 17 % par rapport à l'absence de moustiquaires (RR 0,83, IC à 95 % : 0,71 à 0,98 ; 6 essais, 18 809 participants, données de haute certitude) mais peuvent avoir peu ou aucun effet sur la prévalence du paludisme P vivax (RR 1,00, IC à 95 % : 0,75 à 1,34 ; 2 essais, 10 967 participants, données de faible certitude). Une réduction de 44 % de l'incidence des épisodes graves de paludisme a été observée dans le groupe MII (rapport des taux de 0,56, IC à 95 % : 0,38 à 0,82 ; 2 essais, 31 173 participants, données probantes de haute certitude), ainsi qu'une augmentation de l'hémoglobine moyenne (exprimée en volume moyen de cellules) comparativement au groupe sans moustiquaire (différence moyenne 1,29, IC à 95 % : 0,42 à 2,16 ; 5 essais, 11 489 participants, données probantes haute certitude).
MII par rapport aux moustiquaires non traitées
Les moustiquaires imprégnées d'insecticide réduisent probablement d'un tiers la mortalité infantile toutes causes confondues par rapport aux moustiquaires non imprégnées (rapport des taux 0,67, IC à 95% : 0,36 à 1,23 ; 2 essais, 25 389 participants, données probantes de certitude moyenne). Cela correspond à sauver 3,5 vies (IC à 95 % : -2,4 à 6,8) chaque année pour 1 000 enfants protégés par des MII. Les moustiquaires imprégnées d'insecticide réduisent également l'incidence des épisodes non compliqués de paludisme P falciparum (rapport de 0,58, IC à 95 % : 0,44 à 0,78 ; 5 essais, 2036 participants, données probantes de haute certitude) et peuvent également réduire l'incidence des épisodes de paludisme P vivax non compliqué (rapport de 0,73, IC à 95 % : 0,51 à 1,05 ; 3 essais, 1535 participants, données probantes de faible certitude).
L'utilisation d'une MII réduit probablement la prévalence de P falciparum d'un dixième par rapport à l'utilisation de moustiquaires non traitées (RR 0,91, IC à 95% : 0,78 à 1,05 ; 3 essais, 2 259 participants, données probantes de certitude moyenne). Toutefois, d'après les données actuelles, il n'est pas clair si les MII ont une incidence sur la prévalence du P vivax (1 essai, 350 participants, données probantes de très faible certitude) ou sur le volume moyen de cellules (2 essais, 1 909 participants, données probantes de faible certitude).
Traduction réalisée par Amytis Heim et révisée par Cochrane France