Les antibiotiques sont-ils un traitement complémentaire sûr et efficace pour les exacerbations de l’asthme ?

Contexte de la question

L’asthme est une maladie respiratoire à long terme fréquente, qui touche des adultes et des enfants dans le monde entier. Les personnes atteintes peuvent présenter une aggravation à court terme de leurs symptômes, souvent appelée exacerbations (ou crises d’asthme). Les exacerbations sont habituellement traitées en intensifiant le traitement de la personne (par exemple en administrant des comprimés de stéroïdes pendant quelques jours). Les exacerbations peuvent parfois être déclenchées par des infections, par exemple de type viral. Occasionnellement, une infection bactérienne dans les poumons ou les voies respiratoires peut provoquer une exacerbation. Les symptômes d’une infection bactérienne comprennent des crépitements dans la poitrine, de la fièvre et une toux accompagnée de grandes quantités d’expectorations décolorées. Les infections bactériennes peuvent être confirmées par des tests de laboratoire, par exemple des analyses de sang ; cependant, ceux-ci ne sont pas toujours disponibles en soins primaires (chez le médecin généraliste). Les infections bactériennes peuvent nécessiter un traitement par antibiotiques.

Dans cette revue, nous avons voulu déterminer si les antibiotiques sont utiles et sûrs pour les personnes souffrant d’exacerbations de l’asthme. Cette revue est en partie motivée par une inquiétude concernant la sur-prescription d’antibiotiques aux personnes souffrant d’exacerbations de l’asthme.

Caractéristiques de l’étude

Nous avons recherché des études qui comparaient un groupe de personnes ayant reçu n’importe quel type ou n’importe quelle dose d’antibiotique à un groupe de personnes n’ayant pas reçu d’antibiotique pour une exacerbation. Nous avons uniquement inclus les études dans lesquelles les personnes recevant un antibiotique avaient été choisies aléatoirement. Nous avons inclus des études chez les adultes et les enfants ayant été réalisées à tout moment et partout dans le monde.

Principaux résultats

Nous avons trouvé six études qui comprenaient 681 adultes et enfants souffrant d’asthme. Deux de ces études ont été réalisées il y a plus de 35 ans.

Dans l’ensemble, nous avons trouvé un petit nombre de preuves suggérant que les antibiotiques pourraient améliorer les symptômes et les résultats des tests respiratoires par rapport à l’absence de traitement antibiotique. Nous ne sommes pas très sûrs de ces résultats, car seul un petit nombre d’études et de personnes ont été incluses dans notre revue. Un de nos critères d’évaluation principaux - l’admission en unité de soins intensifs ou en unité de soins pour les malades hautement dépendants - n’était pas rapporté.

Nous ne pouvons également pas être sûrs que les personnes traitées par antibiotiques aient présenté plus ou moins d’événements indésirables (effets secondaires). Seules 10 personnes (5 ayant reçu des antibiotiques et 5 n’ayant pas reçu d’antibiotiques ou ayant reçu un placebo) sur 502 ont présenté un événement indésirable grave.

Nous n’avons pas trouvé beaucoup de preuves relatives aux autres critères d’évaluation importants, tels que l’hospitalisation ou une autre exacerbation au cours de la période de suivi de l’étude.

L’étude la plus récente a eu du mal à recruter des personnes souffrant d’asthme parce que beaucoup d’entre elles avaient déjà reçu un antibiotique et ne pouvaient donc pas participer.

Qualité des preuves

Dans l’ensemble, nous avons très peu confiance dans les preuves présentées dans cette revue. Nous pensons qu’il est possible que certaines études portant sur les antibiotiques pour les exacerbations de l’asthme aient été réalisées sans être publiées, étant donné que nous avons trouvé si peu d’études sur une question aussi importante. Nous sommes également inquiets au sujet de la généralisation des conclusions des études à l’ensemble des personnes souffrant de crises d’asthme, puisque la plupart des études que nous avons trouvées ont uniquement recruté des personnes dans les hôpitaux et les services d’urgence. En outre, deux des études étaient anciennes et le traitement de l’asthme a beaucoup changé en 30 ans. Puisque nous n’avons trouvé que quelques études, dans certains cas, nous ne pouvons pas dire si les antibiotiques sont plus efficaces, moins efficaces, ou comparables à l’absence de traitement antibiotique. Enfin, nous avons eu des doutes sur la façon dont les études ont été réalisées, par exemple, dans une étude les patients et le personnel de l’étude savaient qui recevait un antibiotique et qui n’en recevait pas ; ceci pourrait avoir affecté le comportement des patients ou du personnel de l’étude.

Conclusions

Nous avons trouvé un nombre très limité de preuves soutenant que les antibiotiques pourraient aider les personnes ayant des crises d’asthme, et nous sommes encore très incertains. En particulier, nous n’avons pas trouvé beaucoup d’informations concernant des critères d’évaluation importants, tels que les admissions à l’hôpital ou les effets secondaires. Cependant, les effets secondaires graves étaient très rares dans les études que nous avons trouvées.

Conclusions des auteurs: 

Nous avons trouvé peu de preuves que les antibiotiques administrés lors d’une exacerbation de l’asthme pourraient améliorer les symptômes et le débit expiratoire de pointe lors du suivi par rapport aux soins courants ou à un placebo. Cependant, les conclusions étaient incohérentes dans les six études hétérogènes incluses, deux études avaient été menées il y a plus de 30 ans et la plupart des participants inclus dans cette revue avaient été recrutés dans des services d’urgence, ce qui limite la généralisation des conclusions à cette population. C’est pourquoi nous avons peu confiance dans ces résultats. Nous n’avons pas trouvé suffisamment de preuves pour plusieurs critères d’évaluation importants pour le patient (par exemple les admissions à l’hôpital) pour émettre des conclusions. Nous n’avons pas pu exclure une différence entre les groupes du point de vue des événements indésirables, mais les événements indésirables graves étaient rares.

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Contexte: 

L’asthme est une maladie respiratoire chronique qui affecte plus de 300 millions d’adultes et d’enfants dans le monde. Il se caractérise par une respiration sifflante, une toux, une oppression thoracique et un essoufflement. Typiquement, les symptômes sont intermittents et peuvent s’aggraver sur une courte période, entrainant une exacerbation. Les exacerbations de l’asthme peuvent être graves, entrainant l’hospitalisation ou même la mort dans de rares cas. Les exacerbations peuvent être traitées en augmentant les médicaments habituels de la personne et en fournissant des médicaments supplémentaires, tels que des stéroïdes oraux. Bien que les antibiotiques soient parfois inclus dans le traitement, les infections bactériennes sont seulement considérées comme étant responsables d’une minorité des exacerbations. Les directives actuelles stipulent que les antibiotiques devraient être réservés aux cas dans lesquels des signes clairs, des symptômes, ou des résultats de tests de laboratoire font penser à une infection bactérienne.

Objectifs: 

Déterminer l’efficacité et la sécurité des antibiotiques dans le traitement des exacerbations de l’asthme.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons consulté le registre Cochrane des essais sur les voies respiratoires, qui contient des archives constituées à partir de ressources électroniques et de recherches manuelles multiples. Nous avons également effectué des recherches dans les registres d’essais et les bibliographies des études primaires. Nous avons effectué les recherches les plus récentes en octobre 2017.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des études comparant un traitement antibiotique pour les exacerbations de l’asthme chez les adultes ou les enfants par rapport à un placebo ou aux soins habituels ne comportant pas d’antibiotique. Nous avons admis des études comprenant tous les types d’antibiotiques, toutes les doses et toutes les durées, à condition que l’objectif ait été de traiter l’exacerbation. Nous avons inclus des études parallèles de toutes durées, menées dans tous les contextes, et nous avions prévu d’inclure des essais en grappe. Nous avons exclu les essais croisés. Nous avons inclus des études documentées sous forme d’articles en texte intégral, de résumés et de données non publiées.

Recueil et analyse des données: 

Au moins deux auteurs de la revue ont passé en revue les résultats de la recherche pour identifier les études admissibles. Nous avons extrait les données des critères d’évaluation, évalué le risque de biais en double et résolu les divergences en impliquant un autre auteur de la revue. Nous avons analysé les données dichotomiques au moyen de rapports des cotes (RC) ou de différences de risque (DR) et les données continues au moyen de différences moyennes (DM), toutes avec un modèle à effets fixes. Nous avons décrit les données asymétriques de façon narrative. Pour chaque comparaison, nous avons donné une note aux résultats et présenté les preuves dans un tableau de « Résumé des conclusions ». Les critères d’évaluation principaux étaient l’admission en unité de soins intensifs ou en unité de soins pour les malades hautement dépendants, la durée des symptômes ou des exacerbations, et tous les événements indésirables. Les critères d’évaluation secondaires étaient la mortalité, la durée d’hospitalisation, la rechute après présentation de l’indice, et le débit expiratoire de pointe.

Résultats principaux: 

Six études satisfaisaient nos critères d’inclusion et incluaient un total de 681 adultes et enfants souffrant d’exacerbations de l’asthme. L’âge moyen dans les trois études portant sur des adultes variait de 36,2 à 41,2 ans. Les trois études portant sur des enfants appliquaient des critères d’inclusion variés, allant de 1 an à 18 ans. Cinq études excluaient explicitement les participants montrant des signes et symptômes évidents d’infection bactérienne (c’est-à-dire ceux qui satisfaisaient clairement les directives actuelles pour recevoir des antibiotiques). Quatre études examinaient les macrolides (un type d’antibiotiques), et deux études examinaient la pénicilline (amoxicilline et ampicilline) ; les deux études utilisant la pénicilline ont été menées il y a plus de 35 ans. Cinq études comparaient des antibiotiques à un placebo, et une étude était ouverte. La durée de suivi des études allait d’une à douze semaines. Les essais étaient de qualité méthodologique variée, et nous n’avons pu effectuer qu’une méta-analyse limitée.

Aucun des essais inclus ne rapportait d’admission en unité de soins intensifs ou en unités de soins pour les personnes hautement dépendantes, bien qu’un participant dans le groupe placebo d’une étude incluant des enfants en état de mal asthmatique ait présenté un arrêt respiratoire et ait été ventilé. Quatre études rapportaient des symptômes de l’asthme, mais nous n’avons pu combiner les résultats que de deux études sur les macrolides avec 416 participants ; la différence moyenne du score du journal des symptômes était de -0,34 (intervalle de confiance [IC] à 95 % -0,60 à -0,08), des scores inférieurs (sur une échelle de 7 points) dénotant une amélioration des symptômes. Deux études sur les macrolides ont rapporté des jours sans symptômes. Les auteurs d’une étude portant sur 255 adultes ont rapporté un pourcentage de jours sans symptômes à 10 jours de 16 % pour le groupe antibiotique et de 8 % pour le groupe placebo. Dans une autre étude portant sur 40 enfants, les auteurs ont rapporté un nombre de jours sans symptômes significativement plus élevé pour tous les points de mesure dans le groupe antibiotique, en comparaison avec le groupe des soins habituels. La même étude rapportait la durée en jours de l’indice d’exacerbation de l’asthme, favorisant encore une fois le groupe antibiotique. Une étude d’une pénicilline incluant 69 participants rapportait les symptômes de l’asthme à la sortie de l’hôpital ; la différence rapportée entre les groupes pour les deux études était non significative.

Nous avons combiné les données pour les événements indésirables graves de trois études comportant 502 participants, mais les événements étaient rares ; les trois essais ont seulement rapporté dix incidents : cinq dans le groupe antibiotique et cinq dans le groupe placebo. Nous avons combiné les données pour tous les événements indésirables de trois études, mais l’estimation de l’effet est imprécise (rapport des cotes 0,99 ; IC à 95 % 0,69 à 1,43). Aucune des études incluses n’a rapporté de décès.

Deux études examinant les pénicillines rapportaient la durée d’admission ; aucune de ces études ne rapportait de différence entre les groupes. Dans une étude (263 participants) sur les macrolides, il a été rapporté que deux participants dans chaque bras avaient présenté une rechute, définie comme une exacerbation supplémentaire au point de mesure à six semaines. Nous avons combiné les résultats du critère d’évaluation de débit expiratoire de pointe à 10 jours pour les deux études sur les macrolides ; le résultat était en faveur des antibiotiques par rapport au placebo (DM 23,42 L/min ; IC à 95 % 5,23 à 41,60). Une étude chez les enfants rapportait le débit de pointe maximal enregistré au cours de la période de suivi, favorisant le groupe clarithromycine, mais l’intervalle de confiance n’inclut aucune différence (DM 38,80 ; IC à 95 % -11,19 à 88,79).

La notation des résultats allait d’une qualité modérée à une qualité très faible, avec une qualité des résultats abaissée en raison d’une suspicion de biais de publication, du caractère indirect, de l’imprécision et de la mauvaise qualité méthodologique des études.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Sophie Fleurdépine et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.