Dans certains pays, du magnésium intraveineux est administré aux patients victimes d'une crise cardiaque afin de limiter les dommages au myocarde, prévenir les arythmies cardiaques sévères et réduire le risque de décès. Plusieurs petits essais semblaient justifier cette pratique. Les auteurs de cette revue ont cependant observé que d'autres essais n'avaient pas été publiés après avoir produit des résultats défavorables. Une controverse a éclaté en 1995, lorsqu'un essai à grande échelle bien planifié portant sur 58 050 participants n'a rapporté aucun effet bénéfique du magnésium intraveineux, contredisant ainsi les méta-analyses précédentes regroupant des essais de plus petite échelle. Cette revue porte sur 26 essais cliniques qui randomisaient des patients victimes de crise cardiaque pour une administration de magnésium intraveineux ou de substance inactive (placebo). Les résultats étaient contrastés : le magnésium intraveineux réduisait l'incidence des arythmies cardiaques graves mais augmentait l'incidence de l'hypotension profonde, de la bradycardie et des rougissements. Néanmoins, tout effet apparemment bénéfique du magnésium pourrait simplement être dû à plusieurs biais dans ces essais. De plus, un manque d'uniformité était observé entre les essais en termes de posologie et de moment d'administration du régime de magnésium intraveineux, qui, dans certains essais, incluait également des anticoagulants. Les preuves produites par cette revue ne sont pas favorables à une utilisation continue de magnésium intraveineux. D'autres traitements efficaces (aspirine, bêta-bloquants) devraient être utilisés en cas de crise cardiaque.
Compte tenu de la probabilité d'un biais de publication et de l'hétérogénéité prononcée des effets du traitement, ces résultats doivent absolument être interprétés avec précaution. Sur la base des preuves examinées ici, nous considérons : (1) qu'il est improbable que le magnésium soit efficace pour réduire la mortalité chez les patients traités de manière précoce comme chez les patients traités plus tardivement, ainsi que chez les patients recevant déjà un traitement thrombolytique ; (2) qu'il est improbable que le magnésium réduise la mortalité lorsqu'il est utilisé à hautes doses (>= 75 mmol) ; (3) que le traitement au magnésium pourrait réduire l'incidence de la fibrillation ventriculaire, de la tachycardie ventriculaire et de l'arythmie cardiaque sévère exigeant un traitement ou Lown 2-5, mais qu'il pourrait accroître l'incidence de l'hypotension profonde, de la bradycardie et des rougissements ; et (4) que les incertitudes qui demeurent concernant l'effet du magnésium sur la mortalité concernent l'effet du traitement à faible dose (< 75 mmol) et l'effet sur les patients non traités à la thrombolyse.
La mortalité et la morbidité associées à l'infarctus aigu du myocarde (IAM) restent élevées. Le magnésium intraveineux administré rapidement après le déclenchement de l'IAM est considéré comme un traitement adjuvant prometteur. Les résultats contradictoires des précédents essais et méta-analyses justifient une revue systématique des preuves disponibles.
Examiner les effets du magnésium intraveineux par rapport à un placebo sur la mortalité et la morbidité précoces.
Nous avons consulté CENTRAL (Bibliothèque Cochrane numéro 3, 2006), MEDLINE (janvier 1966 à juin 2006) et EMBASE (janvier 1980 à juin 2006), ainsi que le Chinese Biomedical Disk (CBM disk) (janvier 1978 à juin 2006). D'importantes revues médicales chinoises portant sur les maladies cardio-vasculaires ont fait l'objet d'une recherche manuelle depuis leur création jusqu'au premier semestre 2006.
Tous les essais contrôlés randomisés comparant du magnésium intraveineux à un placebo avec ou sans traitement fibrinolytique en plus du traitement de routine étaient éligibles à condition de rapporter les données de mortalité et de morbidité dans les 35 jours suivant le déclenchement de l'IAM.
Deux évaluateurs ont évalué la qualité des essais de manière indépendante et extrait les données à l'aide d'un formulaire standard. Le cas échéant, les rapports des cotes ont été utilisés pour combiner l'effet. Lorsqu'une hétérogénéité des effets a été observée, ses sources cliniques et méthodologiques ont été étudiées.
Pour la mortalité précoce présentant des signes d'hétérogénéité, une méta-analyse à effets fixes ne révélait aucune différence entre les groupes du magnésium et du placebo (rapport des cotes de 0,99, IC à 95 %, entre 0,94 et 1,04), tandis qu'une méta-analyse à effets aléatoires révélait une réduction significative sous magnésium par rapport au placebo (rapport des cotes de 0,66, IC à 95 %, entre 0,53 et 0,82). La stratification en fonction du moment d'administration du traitement (< 6 h, 6 h et plus) réduisait l'hétérogénéité, et les modèles à effets fixes et à effets aléatoires ne révélaient aucun effet significatif du magnésium. Dans les analyses stratifiées, la mortalité précoce diminuait chez les patients non traités à la thrombolyse (rapport des cotes = 0,73, IC à 95 %, entre 0,56 et 0,94, modèle à effets aléatoires) et chez ceux recevant moins de 75 mmol de magnésium (rapport des cotes = 0,59, IC à 95 %, entre 0,49 et 0,70) dans le groupe du magnésium par rapport au groupe du placebo.
La méta-analyse des critères de jugement secondaires sans signe d'hétérogénéité montrait une réduction du risque de fibrillation ventriculaire (rapport des cotes = 0,88, IC à 95 %, entre 0,81 et 0,96), mais une augmentation du risque d'hypotension profonde (rapport des cotes = 1,13, IC à 95 %, entre 1,09 et 1,19) et de bradycardie (rapport des cotes = 1,49, IC à 95 %, entre 1,26 et 1,77) sous magnésium par rapport au placebo. Aucune différence n'était observée concernant le bloc cardiaque (rapport des cotes = 1,05, IC à 95 %, entre 0,97 et 1,14). Pour les critères de jugement présentant des signes d'hétérogénéité, une méta-analyse utilisant des modèles à effets fixes et aléatoires révélait que le magnésium pouvait diminuer la tachycardie ventriculaire (rapport des cotes = 0,45, IC à 95 %, entre 0,31 et 0,66, modèle à effets fixes ; rapport des cotes = 0,40, IC à 95 %, entre 0,19 et 0,84, modèle à effets aléatoires) et l'arythmie cardiaque sévère exigeant un traitement ou Lown 2-5 (rapport des cotes = 0,72, IC à 95 %, entre 0,60 et 0,85, modèle à effets fixes ; rapport des cotes = 0,51, IC à 95 %, entre 0,33 et 0,79, modèle à effets aléatoires) par rapport au placebo. Aucune différence n'était observée entre les deux groupes concernant l'effet du choc cardiogénique.