Introduction
Des chercheurs de la Cochrane Collaboration ont procédé à une revue de l'effet de l'époétine et de la darbépoétine sur les personnes atteintes de cancer. Après avoir recherché toutes les études pertinentes, ils ont trouvé 91 études totalisant 20 102 personnes. Leurs résultats sont résumés ci-dessous.
Voici les résultats de la recherche :
Chez les personnes souffrant d'une anémie liée au cancer :
- L'époétine et la darbépoétine réduisent le besoin en transfusions de globules rouges ; elles augmentent toutefois aussi le risque d'hypertension, d'évènements thromboemboliques et de décès
- On ne sait pas si l'époétine et la darbépoétine améliorent la qualité de vie, en réduisant la sensation de fatigue
Quand on a le cancer, on souffre aussi souvent d'anémie. Souffrir d'anémie signifie avoir dans le sang un nombre de globules rouges inférieur à la normale. Il peut même y avoir aggravation avec un traitement anti-cancéreux comme la chimiothérapie et cela se mesure par la quantité d'hémoglobine dans les globules rouges. L'hémoglobine étant chargée de transporter l'oxygène à travers le corps, l'anémie peut causer des symptômes tels que fatigue extrême, essoufflements, étourdissements et douleur thoracique. Pour traiter l'anémie, les médecins utilisent souvent les transfusions de globules rouges. Les transfusions allègent rapidement les symptômes de l'anémie, mais elles peuvent causer occasionnellement des complications telles que réactions allergiques ou transmission de maladies infectieuses.
L'époétine et la darbépoétine appartiennent à un groupe de médicaments appelés 'Agents stimulant l'érythropoïèse' L'érythropoïétine est une hormone produite principalement dans les reins qui participe à la production des globules rouges. L'époétine et la darbépoétine agissent de manière similaire à cette hormone pour augmenter le nombre de globules rouges et soigner l'anémie. L'époétine et la darbépoétine ne sont pas utilisées comme thérapie anti-cancéreuse mais comme traitement de soutien pour lutter contre l'anémie causée par le cancer ou par la thérapie anti-cancéreuse. Ces médicaments sont commercialisés sous les noms Epogen®, Procrit®, (Eprex®), Recormon® et Aranesp® et sont administrés par voie sous-cutanée.
Voici ce qui advient aux personnes souffrant d'une anémie liée au cancer qui prennent de l'époétine ou de la darbépoétine :
- Sur 100 personnes recevant de l'époétine ou de la darbépoétine vingt-cinq ont dû subir des transfusions de globules rouges, à comparer à 39 sur 100 chez les personnes ne recevant pas d'époétine ou de darbépoétine.
- Plus de décès étaient survenus pendant et jusqu'à 30 jours après la fin de l'étude chez les personnes ayant reçu de l'époétine ou de la darbépoétine que chez celles qui avaient pris un placebo ou subi un traitement standard. L'accroissement du risque pour les personnes prenant de l'époétine ou de la darbépoétine était de 17 %. Sur 1 000 personnes recevant de l'époétine ou de la darbépoétine cent quatorze étaient décédées, contre 98 sur 1 000 chez les personnes ne recevant pas d'époétine ou de darbépoétine. Nous ne sommes pas parvenus à identifier de caractéristiques particulières des personnes ou des stratégies de traitement qui causeraient une augmentation ou une diminution du risque de décès.
- Concernant la survie à long terme, les personnes prenant de l'époétine ou de la darbépoétine avaient un risque de décéder supérieur de 5 % à celui des personnes sous placebo ou recevant un traitement standard.
- Après 3-4 mois, l'évaluation des symptômes de fatigue par les personnes recevant de l'époétine ou de la darbépoétine était en moyenne meilleure de 2,08 points sur une échelle de 0 à 52 points que chez les personnes sous placebo ou ayant un traitement standard. Cette amélioration est toutefois inférieure à la hausse de 3,0 points qui est considérée comme le minimum requis pour que le patient ressente une différence au niveau des symptômes liés à la fatigue avec cette échelle.
- Au bout de trois à quatre mois, l'évaluation de leurs symptômes de fatigue et d'anémie par les personnes prenant de l'époétine ou de la darbépoétine s'était améliorée en moyenne de 6,14 points, sur une échelle de 0 à 80 points. Cette amélioration est censée refléter un changement positif dans la façon dont les patients vivent leurs symptômes de fatigue et d'anémie, puisqu'elle est supérieure aux quatre à cinq points d'augmentation requis au minimum pour cette échelle.
- Sur 100 personnes ayant pris de l'époétine ou de la darbépoétine, sept avaient subi un événement thromboembolique tel qu'un infarctus du myocarde ou une accident vasculaire cérébral, contre cinq sur 100 parmi les personnes n'ayant pas reçu d'époétine ou de darbépoétine.
- Sur 100 personnes ayant pris de l'époétine ou de la darbépoétine six avaient développé de l'hypertension, contre quatre sur 100 chez les personnes sous placebo ou ayant bénéficié de soins standard.
Les ASE réduisent le besoin en transfusions de globules rouges mais augmentent le risque d'événements thromboemboliques et de décès. Des résultats laissent penser que les ASE pourraient améliorer la QdV. On ne sait toujours pas trop si et comment les ASE affectent le contrôle de la tumeur. Le risque accru de décès et d'événements thromboemboliques devra être mis en balance avec les bénéfices potentiels du traitement aux ASE, en prenant en compte les circonstances cliniques et les préférences de chaque patient. Davantage de données sont nécessaires concernant l'effet de ces médicaments sur la qualité de vie et la progression tumorale. D'autres recherches sont nécessaires pour mettre au clair les mécanismes cellulaires et moléculaires des effets des ASE sur la thrombogenèse et de leurs effets potentiels sur la croissance tumorale.
L'anémie associée au cancer et au traitement du cancer est un facteur clinique important dans le traitement des affections malignes. Les alternatives thérapeutiques sont les agents stimulant l'érythropoïèse (ASE) humaine recombinante et les transfusions de globules rouges.
Évaluer les effets des ASE dans la prévention ou le traitement de l'anémie chez les patients cancéreux.
Ceci est une mise à jour d’une revue Cochrane publiée pour la première fois 2004. Nous avons effectué des recherches dans le registre central des essais contrôlés (CENTRAL), ainsi que dans MEDLINE, EMBASE et d'autres bases de données. Les recherches couvraient pour la première revue la période 1/1985 - 12/2001, celle du 1/2002 au 4/2005 pour la première mise à jour et jusqu'à novembre 2011 pour la présente mise à jour. Nous avons également contacté des experts du domaine et des compagnies pharmaceutiques.
Des essais contrôlés randomisés sur la prise en charge de l'anémie chez les patients cancéreux recevant ou non un traitement anti-cancéreux, qui ont comparé l'utilisation d'ASE (plus transfusion si nécessaire).
Plusieurs auteurs de la revue ont évalué la qualité des essais et extrait les données. Un auteur de la revue a évalué la qualité et extrait les données, et un second auteur en a vérifié l'exactitude.
Cette mise à jour de la revue systématique inclut un total de 91 essais portant sur 20 102 participants. L'utilisation d'ASE avait significativement réduit le risque relatif de transfusions de globules rouges (risque relatif (RR) 0,65 ; intervalle de confiance (IC) à 95% 0,62 à 0,68 ; 70 essais, N = 16 093). En moyenne, les participants du groupe à ASE avait reçu une unité de sang en moins que le groupe témoin (différence moyenne (DM) -0,98 ; IC à 95% -1,17 à -0,78 ; 19 essais, N = 4 715). Une réponse hématologique avait été observée plus souvent chez les participants recevant des ASE (RR 3,93 ; IC à 95% 3,10 à 3,71 ; 31 essais, N = 6 413). Des résultats laissent penser que les ASE pourraient améliorer la qualité de vie (QdV). Il y avait des preuves solides que les ASE accroissent la mortalité pendant la période active de l'étude (hazard ratio (HR) 1,17 ; IC à 95% 1,06 à 1,29 ; 70 essais, N = 15 935) et certaines preuves que les ASE diminuent la survie globale (HR 1,05 ; IC à 95% 1,00 à 1,11 ; 78 essais, N = 19 003). Le risque relatif de complications thromboemboliques avait augmenté chez les patients recevant des ASE en comparaison avec les témoins (RR 1,52 ; IC à 95% 1,34 à 1,74 ; 57 essais, N = 15 498). Les ASE sont également susceptibles d'augmenter le risque d'hypertension (modèle à effet fixe : RR 1,30 ; IC à 95 % 1,08 à 1,56 ; modèle à effets aléatoires : RR 1,12 ; IC à 95% 0,94 à 1,33 ; 31 essais, N = 7 228) et de thrombocytopénie / hémorragie (RR 1,21 ; IC à 95% 1,04 à 1,42 ; 21 essais, N = 4 507). Les résultats ne suffisaient pas pour étayer un effet des ASE sur la réponse tumorale (RR effet fixe 1,02 ; IC à 95% 0,98 à 1,06 ; 15 essais, N = 5 012).