Des caillots sanguins peuvent se former dans les veines de patients qui sont hospitalisés dans un service de médecine pour une maladie aiguë. On parle alors de thrombose veineuse profonde (TVP). Ces caillots peuvent se détacher de la paroi du vaisseau sanguin et se déplacer jusqu'aux poumons, provoquant alors une embolie pulmonaire mortelle. Leur formation et leur prévention ont été largement étudiées chez les patients de chirurgie, mais pas de façon aussi approfondie dans un contexte non chirurgical, qui concerne pourtant une plus grande proportion des patients hospitalisés. Les patients des services de médecine différent des patients de chirurgie en termes d’état de santé, de progression de caillots sanguins et d'impact potentiel des mesures préventives. L’important corpus d'expérience issu des études de prévention des thromboses chez les patients de chirurgie ne leur est donc pas nécessairement applicable.
L'héparine est un médicament qui fluidifie le sang, avec pour effet démontré de réduire la formation de caillots sanguins après une opération chirurgicale. Il existe deux formes d'héparine : la forme d’origine, non fractionnée (HNF), et une nouvelle forme appelée héparine de bas poids moléculaire (HBPM). L'objectif de la présente revue est de déterminer l'efficacité et l'innocuité de l'héparine (HNF ou HBPM) pour prévenir les TVP et les embolies pulmonaires chez les patients hospitalisés dans les services de médecine et n’ayant pas subi d’opération chirurgicale, à l'exclusion de ceux hospitalisés pour un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (AVC) ou reçus en soins intensifs. Les critères de jugement étudiés dans cette revue étaient les TVP, les embolies pulmonaires non fatales aussi bien que fatales, la mortalité toutes causes confondues, les complications hémorragiques et la thrombopénie (baisse du nombre de plaquettes sanguines, qui peut être causée par l'héparine).
Cette revue de 16 essais, portant sur 34 369 patients souffrant d'une maladie aiguë et hospitalisés dans un service de médecine, a montré que l'héparine réduisait le nombre de cas de TVP, mais augmentait par ailleurs le risque de complications hémorragiques par rapport aux participants ayant reçu un placebo ou sans traitement médicamenteux. La fiabilité des résultats des études ouvertes, qui représentaient un peu moins de la moitié des études, nous a paru sujette à caution. De plus, la plupart des études ne comportaient aucune explication sur la manière dont l'assignation des traitements avait été réalisée. Le risque plus faible d’embolie pulmonaire (combinaison des embolies fatales et non fatales) avec l'héparine pourrait être fortuit. Il n'y avait aucune preuve probante d'une différence dans le taux de décès ou de thrombopénie. La revue a également révélé que les patients qui étaient traités à l'HBPM développaient moins de TVP et moins de complications hémorragiques que ceux recevant de l'HNF, ce qui conduit à la conclusion que l'HBPM est plus efficace et comporte un plus faible risque d'événements indésirables que l’HNF pour la prévention des thromboses. Il n'y avait aucune différence claire entre l'HBPM et l'HNF en ce qui concerne les embolies pulmonaires, les décès ou la thrombopénie.
Les données de cette revue décrivent une réduction du risque de TVP chez les patients atteints d'une maladie aiguë hospitalisés dans un service médical et recevant une thromboprophylaxie par l’héparine. Cette observation doit être mise en balance avec une augmentation du risque de saignements associée à la thromboprophylaxie. L'analyse était favorable à l'HBPM par rapport à l'HNF, avec une réduction du risque de TVP aussi bien que d’hémorragie.
La maladie thromboembolique veineuse a été largement étudiée chez les patients de chirurgie. Le bénéfice de la thromboprophylaxie est désormais généralement accepté, mais ce sont les patients des services de médecine qui représentent la plus grande proportion de la population hospitalière. Ces patients différent des patients de chirurgie en ce qui concerne leur état de santé et la pathogenèse de la thromboembolie ainsi que l'impact potentiel des mesures préventives. Le vaste corpus d’expérience de la thromboprophylaxie chez les patients de chirurgie ne leur est donc pas nécessairement applicable. Ceci est une mise à jour d'une revue publiée pour la première fois en 2009.
Déterminer l'efficacité et l'innocuité de l'héparine (héparine non fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire) dans la thromboprophylaxie chez les patients hospitalisés en phase aiguë dans un service de médecine, à l'exclusion des sujets hospitalisés pour un infarctus aigu du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (ischémique ou hémorragique) ou reçus en unité de soins intensifs.
Pour cette mise à jour, le coordinateur des recherches d’essais du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires périphériques a effectué des recherches dans le registre spécialisé (dernière recherche novembre 2013) et CENTRAL (2013, numéro 10).
Essais contrôlés randomisés comparant l'héparine non fractionnée (HNF) ou l'héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à un placebo ou à l'absence de traitement, ou comparant l'HNF à l'HBPM.
Un auteur de la revue a identifié les essais possibles et un second auteur a confirmé que ceux-ci pouvaient être inclus dans la revue. Deux auteurs ont extrait les données. Les désaccords ont été résolus par la discussion. Nous avons réalisé une méta-analyse en utilisant un modèle à effets fixes, en exprimant les résultats sous la forme de rapports des cotes (RC) avec intervalles de confiance (IC) à 95 %.
Seize études portant sur un total combiné de 34 369 participants atteints d'une pathologie aiguë affection relevant des services de médecine ont été inclus dans cette revue. Nous avons identifié 10 études comparant l'héparine à un placebo ou à l'absence de traitement et six études comparant l'HBPM à l'HNF. Moins de la moitié des études avaient un plan d'étude ouvert, d’où un risque de biais de performance. La plupart ne donnaient aucune description de la génération de séquences de randomisation et de l'assignation secrète. L'héparine a réduit les risques de thrombose veineuse profonde (TVP) (RC 0,38 ; IC à 95 % de 0,29 à 0,51 ; P < 0,00001). La réduction estimée des embolies pulmonaires symptomatiques non fatales (RC 0,46 ; IC à 95 % de 0,19 à 1,10 ; P = 0,08), fatales (RC 0,71 ; IC à 95 % de 0,43 à 1,15 ; P = 0,16) ainsi que fatales et non fatales combinées (RC 0,65 ; IC à 95 % de 0,42 à 1,00 ; P = 0,05) associée à l'héparine manquait de précision. L'héparine a entraîné une augmentation des hémorragies majeures (RC 1,81 ; IC à 95 % de 1,10 à 2,98 ; P = 0,02). Il n'y avait aucune preuve claire que l'héparine ait un effet sur la mortalité toutes causes confondues et la thrombopénie. Par rapport à l'HNF, l'HBPM a réduit le risque de TVP (RC 0,77 ; IC à 95 % de 0,62 à 0,96 ; P = 0,02) et de saignements majeurs (RC 0,43 ; IC à 95 % de 0,22 à 0,83 ; P = 0,01). Il n'y avait aucune preuve claire que les effets de l'HBPM et de l'HNF diffèrent sur les résultats d’embolie pulmonaire, de mortalité toutes causes confondues et de thrombopénie.
Translated by: French Cochrane Centre
Translation supported by: Financeurs pour le Canada : Instituts de Recherche en Sant� du Canada, Minist�re de la Sant� et des Services Sociaux du Qu�bec, Fonds de recherche du Qu�bec-Sant� et Institut National d'Excellence en Sant� et en Services Sociaux; pour la France : Minist�re en charge de la Sant�