Question de la revue
Nous avons examiné les informations disponibles concernant l'effet ajouté de corticoïdes en collyre chez les personnes atteintes de kératite bactérienne (ulcération de la cornée) traitées également avec des antibiotiques.
Contexte
La kératite bactérienne, une inflammation de la cornée due à une infection bactérienne, peut entraîner la perte de la vue. Le port de lentilles de contact, les maladies de la surface de l’œil, les traumatismes cornéens et la chirurgie des yeux ou des paupières ont été incriminés dans son apparition. Le traitement standard de la kératite bactérienne consiste en instillations de collyres antibiotiques. Des corticoïdes en gouttes oculaires peuvent également être utilisés pour juguler l'inflammation liée à l'infection. Les ophtalmologues sont en désaccord quant à savoir si des collyres aux corticoïdes doivent être associés aux antibiotiques pour traiter cette affection, compte tenu des effets secondaires potentiels de l'utilisation de corticoïdes dans l’œil.
Caractéristiques des études
Nous avons trouvé quatre études dans lesquelles les antibiotiques seuls avaient été comparés avec des antibiotiques associés à des corticoïdes pour le traitement de la kératite bactérienne. Ces études, menées aux États-Unis, au Canada, en Inde et en Afrique du Sud, incluaient un total de 612 yeux et 611 participants. La plus grande étude comprenait 500 participants, suivis pendant un an. Dans les trois autres, le suivi était de deux à trois mois. Les preuves sont à jour à la date de juillet 2014.
Principaux résultats
Aucune des quatre études ne révèle de différence importante entre la corticothérapie locale et un placebo ou le traitement témoin pour la réduction de la taille de l'ulcère, le changement de l'acuité visuelle, les effets indésirables ou la qualité de la vie. Une étude rapporte que le temps de cicatrisation ou de guérison était plus long dans le groupe sous corticoïdes que dans le groupe placebo (pour 100 personnes guéries dans le groupe témoin, seulement 47 ont été guéries dans le même temps dans le groupe corticoïdes), mais la plus grande étude ne signale aucune différence (pour 100 personnes guéries dans le groupe témoin, 92 ont été guéries dans le même intervalle de temps dans le groupe corticoïdes). En ce qui concerne les événements indésirables, aucune de ces études n'a constaté de différence entre les deux groupes, à ceci près qu'une étude a signalé un plus grand nombre de cas d'élévation de la pression intraoculaire (PIO) dans le groupe témoin. Nous n'avons trouvé aucune information sur des critères d'évaluation économiques.
Qualité des preuves
La qualité des preuves, sur la base des quatre études que nous avons identifiées, est globalement modérée en raison de la proportion de participants qui n'ont pas été inclus dans les analyses finales de l'étude et de l'incohérence des résultats évalués dans les quatre études. En outre, trois études ont enrôlé trop peu de participants (30 à 42) pour que l'on puisse en tirer des conclusions scientifiquement valides.
Il existe des preuves insuffisantes quant à l'efficacité et à l'innocuité de la corticothérapie topique adjuvante par rapport au traitement sans corticoïdes topiques pour l'amélioration de l'acuité visuelle, la taille de l'infiltrat ou de la cicatrice ou les événements indésirables parmi les participants souffrant d'une kératite bactérienne. Les données actuelles ne suggèrent pas que les corticoïdes aient beaucoup d'effet, mais cela peut être dû à leur faible puissance statistique, insuffisante pour détecter un effet du traitement.
La kératite bactérienne est une maladie infectieuse oculaire grave, qui peut entraîner une déficience visuelle sévère. Les facteurs de risque d'infection bactérienne de la cornée comprennent le port de lentilles de contact, les maladies de la surface de l’œil, les traumatismes cornéens et la chirurgie des yeux ou des paupières. Les antibiotiques topiques constituent la base du traitement de la kératite bactérienne, tandis que l'utilisation de corticoïdes topiques comme traitement adjuvant à l'antibiothérapie reste controversée. Les corticoïdes topiques sont généralement utilisés, à doses minimales, pour juguler l'inflammation. Leur utilisation nécessite un schéma d'administration optimal, l'administration concomitante d'antibiotiques et une surveillance attentive.
L'objectif de cette revue était d'évaluer l'efficacité et l'innocuité des corticoïdes comme traitement adjuvant de la kératite bactérienne. Les objectifs secondaires comprenaient l'évaluation des critères d'économie de la santé et de qualité de vie.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL (qui contient le registre d'essais du groupe Cochrane sur l'ophtalmologie) (2014, numéro 6), Ovid MEDLINE, Ovid MEDLINE In-Process and Other Non-Indexed Citations, Ovid MEDLINE Daily, Ovid OLDMEDLINE (de janvier 1946 à juin 2014) , EMBASE (de janvier 1980 à juin 2014), LILACS (Latin American and Caribbean Health Sciences Literature Database) (de janvier 1982 à juin 2014), le méta-registre des essais contrôlés (mREC)www.controlled-trials.com), ClinicalTrials.gov (www.clinicaltrials.gov) et dans le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) (www.who.int/ictrp/search/en). Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue ou la date lors des recherches électroniques d'essais. Notre dernière recherche dans les bases de données électroniques date du 14 juillet 2014. Nous avons également consulté la base de données Science Citation Index pour identifier des études supplémentaires citant la seule étude incluse dans la première version de cette revue, les bibliographies des études incluses, les revues antérieures et les lignes directrices de l'Académie américaine d'ophtalmologie. Nous avons également contacté des experts pour identifier des essais randomisés non publiés et en cours.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant le traitement adjuvant avec des corticoïdes topiques chez les personnes atteintes de kératite bactérienne traitées avec des antibiotiques.
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard prévues par la Collaboration Cochrane.
Nous avons trouvé quatre ECR qui répondaient aux critères d'inclusion de cette revue. Ces études incluaient au total 611 participants (612 yeux), chacune en ayant recruté entre 30 et 500. Un essai était inclus dans la version précédente de la revue et nous avons identifié trois essais supplémentaires par le biais de recherches actualisées en juillet 2014. L'un des trois petits essais était une étude pilote de la plus grande étude sur l'utilisation des corticoïdes pour les ulcères cornéens (Steroids for Corneal Ulcers Trial, SCUT). Tous les essais comparaient le traitement de la kératite bactérienne avec et sans corticoïdes topiques, sur des périodes de suivi allant de deux mois à un an. Ces essais ont été réalisés aux États-Unis, au Canada, en Inde et en Afrique du Sud.
Tous les essais rapportent des données sur l'acuité visuelle avec un recul de trois semaines à un an, et aucun d'entre eux n'a trouvé de différence importante entre le groupe sous corticoïdes et le groupe témoin. L'étude pilote de l'étude SCUT rapporte que le temps de ré-épithélialisation du groupe sous corticoïdes était plus long de 53 % que celui du groupe placebo, après ajustement selon la taille initiale du défect épithélial (hazard ratio (HR) de 0,47 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,23 à 0,94). Toutefois, l'étude SCUT n'a pas retrouvé cette importante différence de temps de ré-épithélialisation (HR 0,92 ; IC à 95 % de 0,76 à 1,11). Pour les événements indésirables, aucun des trois petits essais n'a trouvé de différence importante entre les deux groupes de traitement. Les enquêteurs de la plus grande étude rapportent un plus grand nombre d'élévations de la pression intraoculaire (PIO) dans le groupe témoin (risque relatif (RR) de 0,20 ; IC à 95 % de 0,04 à 0,90). Un essai rapporte la qualité de vie et conclut qu'il n'y a pas de différence entre les deux groupes (données non disponibles). Nous n'avons pas trouvé de rapports sur des critères d'évaluation économiques.
Bien que ces quatre essais soient globalement d'une bonne conception méthodologique, ils ont tous perdu de vue un nombre considérable de patients (10 % ou plus) pour les analyses finales. En outre, trois des quatre essais manquaient de puissance pour détecter les différences d'effets de traitement entre les groupes, et les incohérences dans les mesures des résultats ont empêché les méta-analyses pour la plupart des critères d'évaluation intéressant cette revue.
Traduction réalisée par Cochrane France