Contexte
Le cancer du rein est un problème de santé important puisqu'il représente plus de 15 000 décès par an en Amérique du Nord. Le cancer du rein de l'adulte qui s'est propagé ou dont le stade est trop avancé pour envisager une intervention chirurgicale est incurable et résistant aux médicaments de chimiothérapie conventionnels. Les médicaments qui affectent le système immunitaire de l'organisme constituent le traitement standard depuis deux décennies, mais ils sont associés à des effets secondaires désagréables et à des résultats médiocres chez la plupart des patients. Les récentes avancées en matière de connaissance de la biologie moléculaire du cancer du rein ont abouti à la mise au point de médicaments qui ciblent des mécanismes moléculaires connus (traitement ciblé). Cette revue examine de manière critique les rapports d'essais cliniques ayant effectué une comparaison directe des nouveaux médicaments « de confection » ciblés et des traitements standard préalables pour cet état, afin de déterminer si ces médicaments pourraient être considérés comme une avancée en termes de traitement.
Études identifiées
Un recensement systématique des rapports publiés dans des journaux médicaux en version électronique et des rapports de conférences sur le cancer depuis 2000 a permis d'identifier 25 études portant sur 13 différents nouveaux médicaments chez un total de plus de 7 000 patients. Les patients étaient généralement représentatifs de ceux atteints d'un cancer du rein avancé, à l'exception de ceux étant entièrement ambulatoires, et sans aucun signe de propagation dans le cerveau. La plupart des études étaient restreintes aux patients atteints d'un carcinome du rein de sous-type à cellules claires. Plus de 60 % des patients n'avaient reçu aucun traitement médicamenteux préalable. Tous les patients ont consenti à être répartis de manière aléatoire pour recevoir le programme d'expérimentation ou le traitement standard, souvent avec la possibilité de recevoir le médicament test plus tard s'il se montrait bénéfique (cette approche éthique peut avoir réduit les éventuelles différences de survie entre les groupes).
Résultats des études montrant des bénéfices importants
A. Patients non traités atteints d'un cancer du rein avancé du sous-type à cellules claires
Chez les patients n'ayant reçu aucun traitement préalable et chez la plupart de ceux présentant une survie prédite de plus de 12 mois, un médicament appelé sunitinib a été administré quotidiennement par voie orale, 4 semaines sur 6. Le sunitinib a entraîné un nombre de rémissions majeures plus fréquentes (au moins 50 % de réduction du cancer) que l'interféron alpha standard administré par injection sous-cutanée trois fois par semaine (rémissions majeures chez 39 % des patients non traités contre 8 % respectivement). Ce bénéfice était associé à une amélioration de la sensation générale de bien-être et des autres mesures de la qualité de vie, bien que les réponses des patients aient pu être influencées puisqu'ils savaient s'ils recevaient le nouveau traitement ou non. L'interféron provoquait davantage de fatigue, tandis que le sunitinib provoquait davantage de diarrhées, d'hypertension artérielle et de problèmes cutanés. En moyenne, le sunitinib était associé à un délai supplémentaire de 6 mois avant que la croissance du cancer soit visible aux rayons X, et à une prolongation de la survie de 4,6 mois. Le sunitinib a reçu une autorisation de mise sur le marché en Amérique du Nord, dans l'Union Européenne et ailleurs.
2. . Deux études portant également sur des patients non traités, l'une en Europe et l'autre en Amérique du Nord, ont observé un effet anti-cancer supérieur en ajoutant du bévacizumab par voie intraveineuse à l'interféron alpha une semaine sur deux. Les bénéfices étaient d'ampleur similaire à ceux observés avec le sunitinib, et la combinaison est utilisée en Europe. Cependant, ce protocole est moins pratique que le sunitinib oral et présente des effets indésirables associés aussi bien à l'interféron qu'au bévacizumab. .
3. . Chez les patients non traités présentant une survie prédite faible, l'administration intraveineuse hebdomadaire de temsirolimus était associée à une survie plus longue (10,9 contre 7,3 mois) et à une meilleure qualité de vie que l'interféron alpha. Cependant, les rémissions étaient rares.
B. . Patients ayant reçu un traitement médicamenteux préalable
1. Après un traitement initial par l'interféron, le sorafénib a amélioré la qualité de vie et a retardé la progression de la maladie par rapport au placebo.
2. Après une thérapie ciblée initiale avec du sunitinib ou du sorafénib, l'administration orale quotidienne d'évérolimus a retardé le développement du cancer par rapport au placebo, mais n'a pas entraîné de rémissions ni d'amélioration de la qualité de vie. La survie était similaire mais la plupart des patients affectés au groupe recevant le placebo ont reçu de l'évérolimus ultérieurement, rendant l'interprétation de la survie difficile..
C. Patients atteints d'un cancer du rein avancé des sous-type non à cellules claires
Ces cancers n'incluent pas le sunitinib et le sorafénib en tant que cible principale, par conséquent les patients atteints d'un cancer du rein non à cellules claires ont été exclus des études comparatives portant sur ces médicaments et sur les médicaments similaires. Selon une analyse, le temsirolimus pourrait aider certains patients de ce groupe.
Implications pour le traitement
Environ trois quarts des patients atteints d'un cancer du rein avancé présentent le sous-type à cellules claires et les nouveaux médicaments ciblés peuvent modestement améliorer la durée et la qualité de vie dans ces conditions. La plupart des oncologues nord-américains considèrent que le sunitinib oral est la norme actuelle en termes de traitement initial chez les patients correctement sélectionnés. Les études supplémentaires réalisées après la mise sur le marché ont étendu ces résultats aux patients qui sont plus âgés ou qui ne sont que partiellement ambulatoires. Le coût de ces médicaments limite leur disponibilité dans certaines régions, un aspect qui se situe au-delà de la portée de cette revue. La disparition complète du cancer du rein avancé reste très rare et constituera l'objectif principal de recherches supplémentaires.
Plusieurs agents présentant des cibles moléculaires spécifiées ont montré des bénéfices utiles sur le plan clinique par rapport à l'interféron alpha, et également après un traitement antérieur aux cytokines ou un traitement anti-angiogénique initial. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour définir entièrement le rôle des agents ciblés dans cet état.
Le cancer rénal à un stade avancé s'avère résistant aux différents types de traitements, et de nouveaux types de traitements sont nécessaires. Les agents ciblés inhibent les mécanismes moléculaires connus et cela fait à peine plus de dix ans qu'ils sont testés dans le cancer du rein..
1) Réaliser une revue systématique régulièrement mise à jour des études randomisées testant les agents ciblés dans le cancer rénal avancé
2) Identifier le type et le degré de bénéfice clinique des agents ciblés par rapport au traitement standard actuel.
Période de recherche : de janvier 2000 à juin 2010
1) Recherche électronique des bases de données CENTRAL, MEDLINE et EMBASE.
2) Recherche manuelle dans les résumés de conférences internationales sur le cancer.
Études contrôlées randomisées, comprenant un agent ciblé chez les patients atteints d'un cancer rénal avancé faisant état d'un critère de cancer pré-spécifié par assignation.
La majeure partie des recherches normalisées et de l'extraction des données a été réalisée de façon indépendante par deux investigateurs, avec résolution ultérieure des différences. La recherche manuelle, l'extraction des données sur la qualité de vie et la toxicité, la majeure partie de l'analyse initiale et l'évaluation du risque de biais ont été réalisées par un seul investigateur et vérifiées par des auteurs supplémentaires selon les besoins. Vingt-cinq études parfaitement éligibles ont testé treize agents ciblés différents chez un total de 7 484 patients principalement au Stade IV de la maladie ; 61 % d'entre eux n'avaient reçu aucun traitement systémique antérieur. La majorité des patients présentaient un bon indice de performance (ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) de 0 à 1). La plupart des comparaisons n'ont été examinées que dans une seule étude. Le risque de biais était considéré comme étant faible pour les études qui étaient contrôlées par placebo, qui avaient un critère de jugement principal de survie globale, ou qui évaluaient la progression par des évaluateurs radiologiques indépendants ignorant l'assignation des interventions.
Les principaux progrès ont été observés chez les patients atteints d'un cancer du rein avancé de sous-type à cellules claires, un état associé à une pathologie moléculaire clairement définie favorisant l'angiogenèse. Chez les patients non traités sur le plan systémique, deux approches de l'inhibition de l'angiogenèse se sont avérées bénéfiques. Par rapport à la monothérapie par l'interféron alpha, le sunitinib oral a amélioré les résultats multiples, notamment la survie globale (18 % de réduction de risque de décès ; survie médiane améliorée de 21,8 à 26,4 mois, P = 0,049) sans correction de la contamination) chez les patients présentant principalement un pronostic bon ou modéré. Dans les mêmes conditions, deux études ont montré que l'addition de bévacizumab intraveineux toutes les deux semaines à l'interféron alpha augmentait également les chances de rémission majeure et de survie prolongée sans progression. Ces deux études portant sur le bévacizumab plus interféron ont chacune observé une survie globale améliorée approchant la signification statistique (chaque étude a observé une réduction du risque de décès de 14 %). Les agents anti-angiogéniques supplémentaires, tels que le pazopanib et le tivozanib, sont à un stade antérieur d'évaluation
Après la progression d'une maladie à cellules claires suite à un traitement antérieur aux cytokines, le sorafénib oral offre une meilleure qualité de vie que le placebo. Chez les patients atteints d'une maladie à cellules claires avec progression dans un délai inférieur ou égal à 6 mois après le traitement ciblé de première intention par le sunitinib ou le sorafénib, l'inhibiteur oral ciblé de la voie mTOR (mammalian target of rapamycin) évérolimus a permis d'obtenir une survie prolongée sans maladie, sans effet néfaste sur la qualité de vie. Les rémissions étaient très rares et aucune amélioration de la survie globale n'a été observée dans cette étude où la majorité des patients affectés au groupe recevant le placebo ont reçu de l'évérolimus en cas de progression de la maladie.
Chez les patients non traités présentant une histologie du cancer du rein non définie et de mauvais éléments de pronostic, l'administration hebdomadaire de temsirolimus intraveineux, un inhibiteur de la voie mTOR, a permis d'améliorer les résultats par rapport à l'interféron alpha (la survie globale médiane a progressé de 7,3 à 10,9 mois, P = 0,008). Une analyse exploratoire particulièrement intéressante a observé une réduction marquée du risque de décès dans le sous-groupe non à cellules claires
Les combinaisons des agents ciblés sont en cours d'évaluation, mais la toxicité est problématique.