Contexte
La cornée est la partie transparente à l'avant de l'œil qui, si elle est endommagée, peut être remplacée par une greffe de cornée (kératoplastie) à l'aide de tissus cornéens sains provenant d'un donneur. La kéroplastie perforante implique le remplacement de toute la cornée endommagée. Il est nécessaire de faire en sorte que le tissu transplanté (greffon) ne soit pas rejeté. Les stratégies actuelles permettant de prévenir le rejet de la greffe sont les stéroïdes topiques et oraux. La ciclosporine A (CsA), le tacrolimus, le mycophénolate mofétil (MMF), le sirolimus, et le léflunomide sont de plus en plus utilisés. Cependant, les bénéfices et les réactions indésirables de ces immunosuppresseurs n'ont pas encore fait l'objet d'une revue systématique.
Date de la recherche
Les preuves sont à jour jusqu'à mai 2015.
Résultats principaux
Nous avons inclus six essais contrôlés randomisés portant sur un total de 561 personnes. Les essais ont été réalisés en Allemagne (trois essais), en Iran, en Inde et en Chine.
Chez les personnes subissant une kératoplastie à haut risque, une étude comparait le MMF systémique par rapport à un placebo, une étude comparait le MMF systémique par rapport à la CsA systémique, et une étude comparait la CsA en collyre par rapport à un placebo.
Chez les personnes subissant une kératoplastie à risque normal, une étude comparait le tacrolimus en collyre par rapport aux stéroïdes en collyre, et deux études comparaient la CsA en collyre par rapport à un placebo chez les personnes souffrant de rejet après la kératoplastie. Toutes les études ont rendu compte de la survie du greffon et de sa transparence, de l'incidence du rejet de la greffe, et des effets indésirables.
Nous sommes incertains concernant les effets des immunosuppresseurs dans la prévention de l'échec et du rejet de la greffe après la kératoplastie à risque élevé et normal, en raison du nombre limité d'essais et du fait que les essais étaient en général de petite taille et présentaient un risque de biais. Les futurs essais devront être de taille suffisante pour détecter des effets cliniques importants, réalisés en vue de minimiser le risque de biais, et ils devront mesurer les critères de jugement importants pour les patients.
Sources de financement de l'étude
Trois de ces études ont été financées par l'industrie pharmaceutique.
Qualité des preuves
Nous avons estimé que les preuves étaient de qualité faible à moyenne. Il y avait un risque de biais dans les études incluses ; les résultats étaient parfois imprécis en raison du petit nombre d'études et du petit nombre de patients recrutés dans ces études ; et dans certaines analyses, les résultats des essais individuels étaient contradictoires.
Les preuves actuelles sur l'effet des immunosuppresseurs dans la prévention de l'échec et du rejet de la greffe après la kératoplastie à risque élevé et normal sont essentiellement de faible qualité, car le nombre d'essais était limité, et, en général, les essais étaient de petite taille et présentaient un risque de biais. Les futurs essais devront être de taille suffisante pour détecter des effets cliniques importants, réalisés en vue de minimiser le risque de biais, et ils devront mesurer les critères de jugement importants pour les patients.
La kératoplastie perforante est une procédure de transplantation de la cornée dans laquelle toute l'épaisseur de la cornée de l'hôte est remplacée par un greffon provenant d'un donneur. De plus en plus d'immunosuppresseurs sont utilisés pour empêcher le rejet de la greffe, la cause la plus fréquente de l'échec de la greffe à la fin de la période postopératoire.
Évaluer l'efficacité des immunosuppresseurs pour la prophylaxie du rejet de l'allogreffe de cornée après kératoplastie à risque élevé et normal.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL (qui contient le registre d'essais du groupe Cochrane sur l'ophtalmologie) (2015, numéro 4), Ovid MEDLINE, Ovid MEDLINE In-Process and Other Non-Indexed Citations, Ovid MEDLINE Daily, Ovid OLDMEDLINE (de janvier 1946 à mai 2015) , EMBASE (de janvier 1980 à mai 2015), le China National Knowledge Infrastructure (CNKI) (de janvier 1913 à février 2015), la VIP database (de janvier 1989 à février 2015), Wangfang Data (www.wanfangdata.com) (de janvier 1990 à février 2015), le registre ISRCTN (www.isrctn.com/editAdvancedSearch), ClinicalTrials.gov (www.clinicaltrials.gov) ainsi que le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) (www.who.int/ictrp/search/en). Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue ou la date lors des recherches électroniques d'essais. Nous avons interrogé pour la dernière fois les bases de données électroniques de langue anglaise le 18 mai 2015 et de langue chinoise le 20 février 2015.
Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant l'utilisation des immunosuppresseurs dans la prévention du rejet de greffe, indépendamment de la langue de publication.
Nous avons utilisé les procédures standard prévues par Cochrane. Le critère de jugement principal était la survie du greffon et de sa transparence à 12 mois après la kératoplastie perforante. Les critères de jugement secondaires incluaient le rejet de greffe, la meilleure acuité visuelle corrigée, et la qualité de vie. Nous avons défini comme « kératoplastie à haut risque » la kératoplastie répétée et autres indications de réduction de la survie du greffon.
Nous avons inclus six études réalisées en Allemagne (trois études), en Iran, en Inde, et en Chine. Trois études ont été menées avec des personnes subissant une kératoplastie à haut risque et ont étudié trois comparaisons différentes : le mycophénolate mofétil (MMF) systémique par rapport à l'absence de MMF ; le MMF systémique par rapport à la ciclosporine A (CsA) systémique ; et la CsA topique par rapport à un placebo. Une étude comparait le tacrolimus topique par rapport aux stéroïdes topiques chez les personnes subissant une kératoplastie à risque normal, et deux études comparaient la CsA topique à un placebo chez les personnes souffrant d'un rejet de greffe après une kératoplastie à risque normal. Dans l'ensemble, nous avons considéré les essais comme étant à risque incertain ou élevé de biais.
Le MMF pourrait ne pas améliorer la survie du greffon et de sa transparence (risque relatif (RR) 1,06, intervalle de confiance à 95 % (IC) de 0,84 à 1,33, 1 ECR, 87 participants, preuves de faible qualité), mais pourrait réduire le risque de rejet de greffe (RR 0,49, IC à 95 % de 0,22 à 1,08, 1 ECR, 87 participants, preuves de faible qualité) par rapport à l'absence de MMF. L'acuité visuelle n'était pas rapportée.
Dans une étude portant sur 52 personnes comparant la CsA systémique et le MMF systémique, il n'y a eu aucun échec de greffe au cours de la première année de suivi. Les données du suivi le plus long (trois ans) suggèrent qu'il pourrait y avoir peu de différence dans l'effet de ces deux traitements sur la survie du greffon et de sa transparence (RR 1,10, IC à 95 % de 0,90 à 1,35, preuves de faible qualité). Il y a des preuves de faible qualité concernant un risque accru de rejet de greffe avec le MMF systémique par rapport à la CsA systémique, mais avec des IC larges, compatible avec un risque accru avec la CsA systémique (RR 1,48, IC à 95 % de 0,56 à 3,93, preuves de faible qualité). L'acuité visuelle n'était pas rapportée.
Une étude de 84 personnes comparant la CsA topique à un placebo n'a pas rendu compte de la survie du greffon et de sa transparence à 1 an, ce qui suggère que tous les greffons ont survécu à 1 an. Cette étude suggère que l'utilisation de la CsA topique entraîne probablement peu ou pas de différence en termes de rejet de greffe (RR 1,00, IC à 95 % de 0,39 à 2,58, preuves de qualité moyenne). À un an, la différence moyenne (DM) entre les deux groupes en termes d'acuité visuelle était de 0,07 (IC à 95 % de -0,01 à 0,15, preuves de qualité moyenne).
La CsA topique n'a probablement pas d'effet sur la survie du greffon et de sa transparence chez les personnes rejetant la greffe après une kératoplastie à risque normal par rapport à un placebo (RR 1,03, IC à 95 % de 0,96 à 1,10, 2 ECR, 283 participants, preuves de qualité moyenne). Les résultats sur le rejet de greffe étaient inconsistants, avec une étude rapportant une incidence réduite du rejet de le greffe dans le groupe de la CsA (RR 0,35, IC à 95 % de 0,14 à 0,87, 230 participants), mais l'autre étude rapportant un plus grand nombre moyen d'épisodes de rejet de la greffe chez les personnes traitées avec la CsA (DM 1,30, IC à 95 % de 0,39 à 2,21, 43 participants). Dans l'ensemble, nous avons estimé que ces preuves étaient de faible qualité en raison du risque de biais et de l'incohérence des résultats. Il n'y avait aucune preuve d'une différence d'acuité visuelle entre les 2 groupes lors du suivi final (en moyenne 18 mois, allant de 2 à 33 mois) (DM 0,04, IC à 95 % de -0,10 à 0,18, 1 ECR, 43 participants, preuves de faible qualité).
Dans 1 étude comparant le tacrolimus topique aux stéroïdes topiques, le greffon a survécu chez les 12 participants traités et les 20 participants témoins à 6 mois. Les rejets de greffe étaient rares (0 sur 12 et 2 sur 20) (RR 0,32, IC à 95 % de 0,02 à 6,21, preuves de faible qualité). L'acuité visuelle n'était pas rapportée.
Aucune des études n'a rendu compte de la qualité de vie. Nous avons identifié un essai non publié portant sur l'utilisation du basiliximab (Simulect) (NCT00409656), probablement achevé en 2005.
Post-édition : Alice Baert (M2 ILTS, Université Paris Diderot)