Problématique
La moxibustion est utilisée en médecine traditionnelle chinoise pour améliorer la qualité de vie et soulager les effets secondaires des traitements conventionnels pour une variété de maladies. Comme son application implique la combustion d'une préparation à base de plantes médicinales, elle peut également provoquer certains effets secondaires indésirables, tels que des réactions allergiques, des brûlures et des infections.
Objectif de la revue
Nous avons mené cette revue systématique pour comprendre si la moxibustion peut réduire les effets secondaires courants de la chimiothérapie et de la radiothérapie et améliorer le bien-être des personnes atteintes de cancer.
Critères de sélection
Nous avons examiné 29 études portant sur 2 569 personnes atteintes de différents types de cancer, recevant de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou les deux.
Quels sont les principaux résultats ?
Nous avons trouvé quelques petites études isolées montrant divers effets bénéfiques de la moxibustion sur l'augmentation des cellules sanguines et la promotion de la fonction immunologique, la diminution des symptômes gastro-intestinaux causés par la toxicité de la chimiothérapie ou de la radiothérapie (comme les nausées et vomissements) et l'amélioration de la qualité de vie. Toutefois, la faible qualité des rapports et le risque élevé de biais dans les méthodes d'étude ont réduit la certitude des données probantes.
Quelle est le degré de certitude des données probantes ?
Les données probantes étaient d'une certitude faible ou très faible.
Quelles sont les conclusions ?
À l'heure actuelle, il n'existe pas de données probantes suffisantes pour appuyer ou s'opposer à l'utilisation de la moxibustion chez les personnes recevant un traitement contre le cancer. Des études de grande qualité sont nécessaires, qui devraient inclure la déclaration des effets nocifs.
Des données probantes limitées et de faible certitude suggèrent que le traitement par moxibustion peut aider à réduire les toxicités hématologiques et gastro-intestinales de la chimiothérapie ou de la radiothérapie, améliorant ainsi la qualité de vie chez les personnes atteintes de cancer ; toutefois, les données probantes ne sont pas concluantes et nous ne pouvons exclure des avantages ou des risques liés à ce traitement. Des études de grande qualité qui font état d'effets indésirables sont nécessaires.
La moxibustion, un traitement courant en médecine traditionnelle chinoise, consiste à brûler des préparations à base de plantes contenant de l’Artemisia vulgaris sur ou au-dessus de la peau au niveau des points d'acupuncture. Les effets souhaités de ce traitement sont la réduction des effets secondaires de la chimiothérapie ou de la radiothérapie et l’amélioration de la qualité de vie (QdV) des personnes atteintes de cancer.
Évaluer les effets de la moxibustion pour soulager les effets secondaires associés à la chimiothérapie, à la radiothérapie ou aux deux chez les personnes atteintes de cancer.
Nous avons fait des recherches dans le Registre central des essais contrôlés de Cochrane (CENTRAL) dans la Bibliothèque Cochrane, dans MEDLINE via Ovid, dans Embase via Ovid et dans AMED (Allied and Complementary Medicine Database) de leur création à février 2018. Nous avons également effectué des recherches dans des bases de données en Chine, notamment la Chinese BioMedical Literature Database (CBM), Chinese Medical Current Contents (CMCC), TCMonline, Chinese Dissertation Database (CDDB), China Medical Academic Conference (CMAC) et Index to Chinese Periodical Literature, du début à août 2017. Les registres des essais cliniques et d'autres ressources ont également été consultés.
Nous avons inclus des essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) qui comparaient le traitement par moxibustion, incluant le cône et le bâtonnet de moxa, au traitement simulé, à l'absence de traitement ou au traitement traditionnel.
Deux auteurs de la revue (HWZ et FC) ont extrait indépendamment des données sur le design de l'étude, les participants, le traitement et l'intervention de contrôle, les mesures des critères de jugement. Ils ont également évalué le risque de biais dans les études incluses. Nous avons effectué des méta-analyses, et exprimé les critères d’évaluation dichotomiques en risques relatifs (RR) et les critères d’évaluation continus en différences moyennes (DM), avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %.
Nous avons inclus 29 ECR auxquels ont participé 2569 participants. Cinq ECR ont comparé la moxibustion par rapport à l'absence de traitement, 15 ont comparé la moxibustion plus le traitement conventionnel par rapport au traitement conventionnel, un a comparé la moxibustion par rapport à un traitement simulé de moxibustion et huit ont comparé la moxibustion par rapport à la médecine traditionnelle. Le risque global de biais était élevé dans 18 études et incertain dans 11 études. Les études mesuraient les critères d’évaluation de diverses façons, et nous pouvions rarement mettre en commun les données.
La moxibustion par rapport à l'absence de traitement : des données probantes de faible certitude provenant d'études isolées de faible envergure ont suggéré que la moxibustion était associée à des niveaux plus élevés de globules blancs (DM 1,77 × 109/L ; IC à 95 % : 0,76 à 2,78 ; 80 participants, données probantes de faible certitude) et à des concentrations sériques d’hémoglobine plus élevées (DM 1,33 g/L ; IC à 95 % : 0,59 à 2,07 ; 66 participants, données probantes de faible certitude) chez les personnes atteintes de cancer, durant ou après une chimiothérapie/radiothérapie, comparativement à aucun traitement. Aucun effet sur la leucopénie (RR 0,50, IC à 95 % : 0,10 à 2,56 ; 72 participants, données probantes de faible certitude) n'a été observé entre les groupes d'étude. Les effets sur la fonction immunitaire (numération des CD3, CD4 et CD8) n'étaient pas uniformes.
La moxibustion par rapport à la moxibustion simulée : des données probantes de faible certitude provenant d'une étude (50 participants) ont suggéré que la moxibustion améliorait la QdV (mesurée par le score au Questionnaire de Qualité de Vie C30 de l'Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EORTC QLQ-C30)) comparativement au traitement simulé (DM 14,88 points ; IC à 95% : 4,83 à 24,93). Des données probantes de faible certitude issues de cette étude ont également montré une réduction des scores de symptômes pour les nausées et les vomissements (DM -38,57 points, IC à 95 % -48,67 à -28,47) et la diarrhée (DM -13,81, IC à 95 % -27,52 à -0,10), et une augmentation du nombre moyen de globules blancs (DM 1,72 × 109/L, IC à 95 % 0,97 à 2,47), de l’hémoglobine sérique (DM 2,06 g/L, IC à 95 % 1,26 à 2,86) et des plaquettes (DM 210,79 × 109/L, IC à 95 % 167,02 à 254,56) par rapport à la moxibustion simulée.
La moxibustion par rapport aux médicaments conventionnels : des données probantes de faible certitude provenant d'une étude (90 participants) ont suggéré que la moxibustion améliorait la numération leucocytaire huit jours après la fin du traitement comparativement aux médicaments conventionnels (DM 0,40 × 109/L ; IC à 95 % : 0,15 à 0,65). Des données probantes de faible certitude provenant de deux études (235 participants) ont suggéré que la moxibustion améliorait les concentrations sériques d'hémoglobine par rapport aux médicaments classiques (DM 10,28 g/L ; IC à 95 % : 4,51 à 16,05).
La moxibustion plus traitement conventionnel par rapport au traitement conventionnel seul : des données probantes de faible certitude ont montré que la moxibustion plus le traitement conventionnel étaient associés à une incidence et à une gravité moindres de la leucopénie (grade 3 ou 4 de l'OMS) (RR 0,14, IC à 95 % 0,01 à 2,64 ; 1 étude, 56 participants), des scores QdV supérieurs pour le QLQ-C30 (DM 8,85 points, IC à 95 % 4,25 à 13,46 ; 3 études, 134 participants, I² = 26 %), des scores de symptômes inférieurs pour les nausées et vomissements (RR 0,43, IC à 95% 0,25 à 0,74; 7 études, 801 participants; I² = 19 %), une numération de leucocytes plus élevée (données non regroupées étant donné leur hétérogénéité), un niveau d’hématocrite sérique plus élevé (DM 3,97 g/L, IC à 95% 1,40 à 6,53 ; 2 études, 142 participants, I² = 0%). Il n'y avait aucune différence dans la numération plaquettaire entre les deux groupes (DM 13,48 × 109/L ; IC à 95 % -16,00 à 42,95 ; 2 études, 142 participants ; I² = 34 %).
La plupart des études incluses n'ont pas signalé d’évènements indésirables connexes, comme des brûlures ou des réactions allergiques.
Traduction réalisée par Jean-Charles VINET et par Cochrane France.