Il est important de diagnostiquer correctement les patients atteints de psychose dès que possible. Plus la schizophrénie est diagnostiquée tôt, et meilleurs sont les résultats du traitement. Cependant, d'autres maladies ont parfois des symptômes psychotiques similaires à la schizophrénie, par exemple le trouble bipolaire. Cette revue examine la précision des symptômes de premier rang (SPR) dans le diagnostic de la schizophrénie. Les SPR sont des symptômes que peuvent manifester les personnes atteintes de psychose, comme des hallucinations, entendre des voix, ou penser que les autres peuvent entendre leurs pensées. Nous avons trouvé 21 études avec 6 253 participants examinant l'efficacité des SPR dans le diagnostic de la schizophrénie par rapport à un diagnostic posé par un psychiatre. Ces études montrent que, pour les personnes effectivement atteintes de schizophrénie, les SPR permettraient de diagnostiquer correctement seulement un peu plus de la moitié d'entre elles comme schizophrènes. Pour les personnes qui ne sont pas schizophrènes, près de 20 % recevraient à tort un diagnostic de schizophrénie. Par conséquent, la manifestation d'un SPR chez une personne peut orienter vers un diagnostic de schizophrénie, mais il y a aussi une chance qu'il s'agisse d'un autre trouble mental. Nous ne recommandons pas l'utilisation des SPR seuls pour diagnostiquer la schizophrénie. Cependant, les SPR pourraient être utiles pour trier les patients qui ont besoin d'être évalués par un psychiatre.
La synthèse faite dans cette revue d'études anciennes de qualité limitée indique que les SPR permettent d'identifier correctement les personnes atteintes de schizophrénie entre 75 % et 95 % du temps. L'utilisation des SPR au triage pour diagnostiquer la schizophrénie conduira à un diagnostic incorrect de schizophrénie chez environ cinq à 19 personnes sur 100 personnes présentant des SPR, diagnostic avec lequel les spécialistes ne seront pas d'accord. Ces personnes méritent cependant toujours d'être évaluées et aidées par un spécialiste en raison de la gravité de la perturbation dans leur comportement et leur état mental. À nouveau, la sensibilité des SPR étant de 60 %, si le diagnostic de schizophrénie repose au triage sur les SPR, environ 40 % des personnes schizophrènes selon les spécialistes ne seront pas correctement diagnostiquées. Certaines de ces personnes peuvent souffrir de retards dans l'obtention d'un traitement approprié. D'autres personnes considérées schizophrènes par les spécialistes pourraient être prématurément déchargées des soins, si le triage s'appuie sur la présence de SPR pour diagnostiquer la schizophrénie. Un usage empathique et modéré des SPR à titre d'aide au diagnostic - dont les limites sont connues - devrait permettre d'éviter une bonne partie de ces erreurs.
Nous espérons que de nouveaux tests - à inclure dans de futures revues Cochrane - afficheront de meilleurs résultats. Cependant, les symptômes de premier rang peuvent encore être utiles lorsque des tests plus récents ne sont pas disponibles - ce qui est le cas lors du dépistage initial de la plupart des gens suspectés de schizophrénie. Les symptômes de premier rang restent un indicateur clinique simple, rapide et utile pour cette maladie dont la variabilité clinique est énorme.
Poser le bon diagnostic et débuter un traitement adapté de la schizophrénie le plus tôt possible peut avoir des avantages à long terme pour le patient ; plus la psychose a le temps de se développer longtemps sans traitement, et plus sévères en sont les répercussions en termes de rechute et de récupération. Si le diagnostic correct n'est pas la schizophrénie, mais un autre trouble psychotique avec des symptômes similaires à la schizophrénie, la mise en route d'un traitement approprié pourrait être retardée, ce qui peut avoir de graves répercussions pour la personne concernée et sa famille. Une incertitude généralisée règne concernant la précision diagnostique des symptômes de premier rang (SPR) ; nous avons examiné leur utilité potentielle en tant qu'outil diagnostique pour différencier la schizophrénie d'autres troubles psychotiques.
Déterminer la précision diagnostique d'un ou plusieurs SPR dans le diagnostic de la schizophrénie, vérifié par l'histoire clinique et un examen par un professionnel qualifié (ex. psychiatres, infirmiers, travailleurs sociaux), avec ou sans l'utilisation de critères et des listes de contrôle opérationnels, chez des personnes soupçonnées de présenter des symptômes psychotiques non organiques.
Nous avons effectué des recherches dans MEDLINE, EMBASE et PsycInfo via OvidSP en avril, juin et juillet 2011 ainsi qu'en décembre 2012. Nous avons également consulté MEDION en décembre 2013.
Nous avons choisi des études qui avaient consécutivement inscrit ou sélectionné de manière aléatoire des adultes et des adolescents présentant des symptômes de psychose, et évalué la précision diagnostique des SPR pour la schizophrénie comparativement à l'histoire du patient et à l'examen clinique effectué par un professionnel qualifié, qui pouvait impliquer ou non l'utilisation de listes de contrôle des symptômes ou de critères opérationnels comme la CIM et le DSM.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment évalué toutes les références candidates à l'inclusion. Les risques de biais dans les études incluses ont été évalués à l'aide de l'instrument QUADAS-2. Nous avons noté le nombre de vrais positifs (VP), de vrais négatifs (VN), de faux positifs (FP) et de faux négatifs (FN) pour construire un tableau 2 x 2 pour chaque étude, ou nous avons dérivé des données 2 x 2 à partir des statistiques sommaires présentées telles que la sensibilité, la spécificité et/ou les rapports de vraisemblance.
Nous avons inclus dans cette revue 21 études avec un total de 6 253 participants (dont 5 515 ont été inclus dans l'analyse). Les études ont été réalisées entre 1974 et 2011, et 80 % d'entre elles dans les années 1970, 1980 ou 1990. La plupart des études ne rendaient pas suffisamment compte des méthodes d'étude et pour beaucoup d'entre elles, l'applicabilité était sujette à préoccupation. Dans 20 études, les SPR ont permis de différencier la schizophrénie de tous les autres diagnostics avec une sensibilité de 57 % (IC de 50,4 % à 63,3 %) et une spécificité de 81,4 % (IC de 74 % à 87,1 %) Dans sept études, les SPR ont permis de différencier la schizophrénie de troubles mentaux non psychotiques avec une sensibilité de 61,8 % (IC de 51,7 % à 71 %) et une spécificité de 94,1 % (IC de 88 % à 97,2 %). Dans seize études, les SPR ont permis de différencier la schizophrénie des autres types de psychose avec une sensibilité de 58 % (IC de 50,3 % à 65,3 %) et une spécificité de 74,7 % (IC de 65,2 % à 82,3 %).
Traduction réalisée par Cochrane France