Quelle est la question ?
De nombreuses femmes accouchent aujourd’hui par césarienne : entre 15 % et plus de 50 % selon les pays. Après une césarienne, il est fréquent que l’intestin cesse de fonctionner pendant plusieurs heures ou quelques jours. Bien que la fonction intestinale reprenne en général spontanément en quelques jours, cette interruption peut être très inconfortable. La rétention des gaz et des selles peut entraîner des ballonnements et des crampes abdominales, des nausées et des vomissements qui peuvent empêcher de manger. Les femmes peuvent avoir besoin de médicaments supplémentaires pour soulager ces symptômes et leur sortie de l’hôpital peut être retardée. L’utilisation de médicaments pour soulager la douleur pendant le travail et d’analgésiques après la chirurgie peut également retarder la reprise de la fonction intestinale.
Manger peu de temps après une césarienne peut stimuler l’intestin, mais aussi provoquer des vomissements. C’est pourquoi les accouchées sont souvent laissées à jeun jusqu’à ce que les bruits intestinaux et les flatulences reprennent. On a observé, après d’autres types d’opérations chirurgicales, que la gomme à mâcher pouvait aider l’intestin à se remettre en fonctionnement plus tôt. Nous avons voulu déterminer si c’était également le cas après une césarienne. L’utilisation de chewing-gum dans les 24 heures suivant l’opération est une intervention simple et peu onéreuse.
Les preuves observées :
Nous avons inclus les études contrôlées randomisées publiées jusqu'à juin 2016.
Nous avons trouvé 17 études, portant sur un total de 3149 femmes qui venaient d’accoucher par césarienne. Dans ces études, un groupe de femmes a mâché du chewing-gum et un second groupe a seulement reçu les soins habituels. Les études ont été menées dans neuf pays (principalement des pays à bas et moyens revenus) et différaient les une des autres par de nombreux aspects. Par exemple, certaines études incluaient uniquement des primipares et d’autres des femmes qui avaient déjà eu une césarienne ; certaines études incluaient uniquement des césariennes électives programmées et d’autres également les césariennes d’urgence. L’utilisation des chewing-gums différait également selon les études : dans certaines, les femmes ont commencé à mâcher du chewing-gum juste après leur césarienne et dans d’autres, on a attendu jusqu’à 12 heures. De plus, la remise de chewing-gums aux femmes n’a pas pu être mise en aveugle. La combinaison (dans une méta-analyse) des résultats de ces études a montré que les femmes qui mâchaient de la gomme après une césarienne présentaient une reprise plus rapide de la fonction intestinale. En moyenne, les flatulences ont repris sept heures plus tôt (13 études, 2399 femmes). Cet effet était constant qu’il s’agisse d’une première césarienne ou d’une nouvelle opération, quel que soit le temps passé à mâcher de la gomme par jour, que les femmes aient mangé rapidement ou soient restées à jeun jusqu’à la reprise de la fonction, après une césarienne élective ou d’urgence, et quel que soit le temps écoulé entre la césarienne et la prise de chewing-gum. La qualité des données probantes pour ce critère d’évaluation était très mauvaise. Les femmes qui avaient mâché de la gomme étaient deux fois moins susceptibles d’avoir un iléus (combinaison de symptômes comprenant ballonnements, crampes, nausées, vomissements et incapacité de déféquer) que les femmes qui n’en avaient pas mâché (quatre études, 1139 femmes, données de mauvaise qualité). La consommation de chewing-gum a réduit le délai avant la première défécation d’environ neuf heures (11 études, 2016 femmes, données de très mauvaise qualité) et le temps jusqu’à la sortie de l’hôpital d’environ huit heures (sept études, 1489 femmes). Trois femmes sur 925 seulement se sont plaintes d’avoir à mâcher de la gomme et il n’y a eu aucune notification d’effets indésirables associés au chewing-gum (huit études, 925 femmes, données de mauvaise qualité). Aucune des études n’a évalué la satisfaction des femmes vis-à-vis du chewing-gum.
La qualité globale des données était mauvaise à très mauvaise, principalement en raison de l'absence de mise en aveugle des participantes (les femmes savaient qu’elles prenaient du chewing-gum) et de l’hétérogénéité entre les études.
Qu'est-ce que cela signifie ?
Les données probantes disponibles suggèrent que la prise de chewing-gum dans les 24 heures suivant une césarienne est une intervention bien tolérée, simple, peu onéreuse, sûre et facile pour encourager précocement la reprise de la fonction intestinale, améliorer le confort de l’accouchée et potentiellement réduire les coûts d’hospitalisation. Des recherches supplémentaires sont nécessaires afin d’établir la meilleure posologie du chewing-gum (quand démarrer, nombre de gommes, durée des séances par jour) pour améliorer la reprise de la fonction intestinale et afin d’évaluer les effets indésirables potentiels et la satisfaction des femmes vis-à-vis de cette intervention.
Cette revue a identifié 17 essais contrôlés randomisés (portant sur 3149 femmes). Nous avons rabaissé la qualité des données probantes pour le délai avant les premières flatulences et la défécation ainsi que pour les effets indésirables ou l’intolérance à la gomme à mâcher en raison du risque élevé de biais des études (manque de mise en aveugle et auto-évaluation). Pour le délai avant les premières flatulences et la reprise de la défécation, nous avons rabaissé encore la qualité des données probantes en raison de la forte hétérogénéité dans ces méta-analyses et de la possibilité d’un biais de publication, sur la base de l’inspection visuelle des graphiques en entonnoir. La qualité des données probantes concernant les effets indésirables et la tolérance à la gomme à mâcher ainsi que l’iléus a été rabaissée en raison du petit nombre d’événements. La qualité des données probantes concernant l’iléus a été encore rabaissée en raison du risque incertain de biais pour les évaluateurs examinant ce critère d’évaluation.
Les données probantes disponibles suggèrent que la prise de gomme à mâcher dans la période postopératoire immédiate suivant une césarienne est une intervention précoce bien tolérée qui favorise la reprise de la fonction intestinale. Toutefois, la qualité globale des données probantes est mauvaise à très mauvaise.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires afin d’établir la meilleure posologie d’administration des chewing-gums (début, nombre et durée des séances par jour) pour améliorer la reprise de la fonction intestinale et afin d’évaluer les effets indésirables potentiels de ces interventions et la satisfaction des femmes qui en bénéficient. De nouvelles études devront également évaluer l’observance des participantes. Des études futures à grande échelle, bien conçues et bien conduites, d’une meilleure qualité méthodologique et de notification, aideront à orienter les futures mises à jour de cette revue et à améliorer le corpus de données probantes concernant cette intervention.
Les césariennes sont les opérations chirurgicales majeures les plus fréquentes dans le monde. Elles entraînent couramment une suspension transitoire de la motilité intestinale. Bien qu’elle se résolve en général spontanément en quelques jours, celle-ci peut causer une gêne considérable, nécessiter un traitement symptomatique et retarder la sortie de l’hôpital, donc augmenter les coûts. L’administration de chewing-gum immédiatement après l’opération est une intervention simple et qui peut être efficace pour améliorer la reprise de la fonction intestinale dans d’autres types de chirurgie abdominale.
Évaluer les effets du chewing-gum pour la réduction de la durée de l’iléus postopératoire et l’amélioration de la récupération postopératoire après une césarienne.
Nous avons effectué des recherches dans le registre d’essais cliniques du groupe Cochrane sur la grossesse et l’accouchement (20 juin 2016) et LILACs (20 juin 2016), ClinicalTrials.gov (20 juin 2016), le Système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) (20 juin 2016) et les références bibliographiques des études trouvées.
Tous les essais contrôlés randomisés comparant l’utilisation de chewing-gum aux soins habituels donnés aux femmes dans les 24 heures suivant une césarienne. Nous avons inclus les études publiées seulement sous forme de résumé.
Les essais quasi-randomisés, croisés ou randomisés en grappes n’étaient pas éligibles à l’inclusion dans cette revue.
Deux auteurs de la revue ont sélectionné indépendamment les études à inclure, extrait les données et évalué le risque de biais selon les méthodes Cochrane standard. Nous présentons les résultats des critères d’évaluation dichotomiques sous forme de risque relatif (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 % et les résultats des critères d’évaluation continus sous forme de différences moyennes (DM) et d’IC à 95 %. Nous avons regroupé les résultats d'études similaires à l’aide d’un modèle à effets aléatoires en cas d’hétérogénéité importante. Nous avons utilisé la méthode GRADE pour évaluer la qualité globale des données probantes.
Nous avons inclus 17 essais randomisés (3149 participantes) réalisés dans neuf pays différents. Sept études (1325 femmes) ont recruté exclusivement des femmes subissant une césarienne de convenance et cinq études (833 femmes) uniquement des femmes subissant une césarienne primaire. Dix études (1731 femmes) ont utilisé un protocole de nutrition classique (rien per os jusqu’à la reprise du transit intestinal). Le schéma posologique des chewing-gums variait selon les études, qu’il s’agisse du début de l’intervention (immédiatement après une césarienne, jusqu’à 12 heures plus tard), de la durée de chaque séance (de 15 à 60 minutes) et le nombre de séances par jour (de trois à plus de six). Nous avons considéré que toutes les études présentaient un risque élevé de biais en raison de la nature de l’intervention et du fait que les femmes ne pouvaient pas être mises en insu et que la plupart des critères d’évaluation étaient rapportés par les intéressées.
Critères d’évaluation principaux de cette revue : pour les femmes qui ont mâchés des chewing-gums, le délai avant les premières flatulences était plus court de sept heures que pour les femmes du groupe témoin recevant les soins habituels (DM -7,09 heures, IC à 95 % de -9,27 à -4,91 heures ; 2399 femmes ; 13 études ; Tau² = 14,63 pour les effets aléatoires, I² = 95 %, données de très mauvaise qualité). Cet effet était constant dans toutes les analyses de sous-groupes (césariennes primaires et répétées, temps passé à mâcher de la gomme par jour, protocoles de nutrition précoce ou classique, césarienne élective ou non élective, moment du début de l’intervention après la césarienne). Le taux d'iléus était inférieur de plus de 60 % en moyenne dans le groupe chewing-gum par rapport au groupe témoin (RR 0,39, IC à 95 % de 0,19 à 0,80 ; 1139 participantes ; quatre études ; I² = 39 %, données de mauvaise qualité). La tolérance au chewing-gum semblait bonne ; trois femmes dans une étude se sont plaintes à ce propos (sans autres précisions). Aucune étude ne rapportait d’effets indésirables (huit études, 925 femmes, données de mauvaise qualité).
Critères d’évaluation secondaires de cette revue : le délai avant la reprise de la défécation était en moyenne plus court de neuf heures dans le groupe d’intervention (DM -9,22 heures, IC à 95 % de -11,49 à -6,95 heures ; 2016 participantes ; 11 études ; Tau² = 12,53 pour les effets aléatoires, I² = 93 %, données de très mauvaise qualité). La durée moyenne de l'hospitalisation était plus courte dans l'intervention que dans le groupe témoin (DM -0,36 jours, IC à 95 % de -0,53 à -0,18 jours ; 1489 participantes ; sept études ; Tau² = 0,04 pour les effets aléatoires, I² = 92 %). La réapparition des bruits intestinaux survenait plus tôt dans le groupe d’intervention que dans le groupe témoin (DM -4,56 heures, IC à 95 % de -6,18 à -2,93 heures ; 1729 participantes ; neuf études ; Tau² = 5,41 pour les effets aléatoires, I² = 96 %). Aucune des études n’a évalué la satisfaction des femmes quant à la prescription de mâcher de la gomme. La nécessité d’analgésiques ou d’antiémétiques ne différait pas entre les groupes d'intervention et témoins (RR moyen 0,50, IC à 95 % 0,12 à 2,13 ; 726 participantes ; trois études ; Tau² = 0,79 pour les, I² = 69 %).
Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France