Bilan
Cette revue n'a trouvé que des données de très faible qualité, d’après lesquelles les personnes souffrant de 2 à 14 épisodes de céphalées de tension par mois obtiennent un soulagement de la douleur en prenant 1 000 mg d’aspirine ou des doses inférieures. Des questions se posent sur la manière dont les études sur ce type de céphalées sont menées. Ces questions concernent le type de personnes choisies pour les études et les types de critères de jugement rapportés. Cela limite l'utilité des résultats, surtout pour les personnes souffrant juste de céphalées occasionnelles.
Contexte
Les personnes souffrant de céphalées de tension épisodique fréquentes ont des maux de tête entre 2 et 14 fois par mois. Les céphalées de tension empêchent les personnes de se concentrer et de travailler correctement, et entraînent une incapacité importante. Lorsque des céphalées surviennent, elles s'atténuent avec le temps, même sans traitement. L'aspirine est un analgésique couramment utilisé et largement accessible, disponible sans ordonnance (en vente libre). La dose habituelle est de 300 mg à 650 mg par voie orale.
Caractéristiques des études
En septembre 2016, nous avons effectué des recherches dans la littérature médicale et trouvé cinq études impliquant 1 812 participants qui examinaient l’utilisation de l'aspirine pour des céphalées de tension épisodiques fréquentes. Environ 1 668 participants ont participé à des comparaisons entre l'aspirine à des doses comprises entre 500 mg et 1 000 mg et un placebo (un comprimé factice). L'International Headache Society recommande comme critère de jugement l’absence de douleur deux heures après la prise d’un médicament, mais d'autres critères de jugement sont également suggérés. Aucune étude ne rapportait l’absence de douleur au bout de deux heures, ou tout autre critère de jugement reconnu, de sorte qu'il y avait peu d'informations à analyser sur les critères de jugement concernant l’efficacité de l’aspirine.
Principaux résultats
Aucune des études ne rapportait le nombre de participants ne ressentant plus de douleur au bout de deux heures, et une seule étude a fait état d'un critère de jugement que nous avons jugé équivalent à une absence de douleur ou à une douleur légère après deux heures. Pour l'aspirine 1 000 mg, environ 10 participants sur 100 ont utilisé des analgésiques supplémentaires, contre 30 sur 100 sous placebo (données de très faible qualité). À la fin de l'étude, 55 participants sur 100 étaient « satisfaits » du traitement, contre 37 sur 100 pour le placebo (données de très faible qualité). Environ 15 personnes sur 100 prenant de l'aspirine 1 000 mg ont rapporté ressentir un effet secondaire après une dose, et la même chose s’est produite avec le placebo (données de faible qualité).
Valeur probante des données
La qualité des données était faible ou très faible pour les comparaisons entre l'aspirine et le placebo. Des données de faible et de très faible qualité signifient que les résultats sont très incertains.
Une dose unique d'aspirine entre 500 mg et 1 000 mg a apporté certains effets bénéfiques, par rapport au placebo chez les adultes souffrant de céphalée de tension épisodique fréquente et qui ont un mal de tête aigu d'intensité modérée ou sévère : une utilisation moins fréquente de médicaments de secours et plus de participants satisfaits du traitement. Il n'y avait pas de différence entre une dose unique d'aspirine et un placebo concernant le nombre de personnes ayant subi des effets indésirables. La quantité et la qualité des données étaient très limitées, et ces dernières doivent être interprétées avec prudence.
Les céphalées de tension touchent environ 1 personne sur 5 dans le monde. On distingue les céphalées de tension épisodiques peu fréquentes (moins d'une céphalée par mois), les céphalées de tension épisodiques fréquentes (deux à 14 jours de céphalée par mois) et les céphalées de tension chroniques (15 jours de céphalée par mois ou plus). L'aspirine est l'un des analgésiques suggérés pour le traitement aigu des céphalées de tension épisodiques.
Évaluer l'efficacité et l’innocuité de l'aspirine pour le traitement aigu des céphalées de tension épisodiques chez l'adulte, par rapport à un placebo ou à tout autre comparateur actif.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, Embase et la Oxford Pain Relief Database depuis leur création jusqu'en septembre 2016, et nous avons également consulté des bibliographies d'études et de revues publiées pertinentes. Nous avons recherché des études non publiées en demandant à nos contacts personnels, ainsi qu’en consultant des registres d'essais cliniques en ligne et des sites web de fabricants.
Nous avons inclus toute étude randomisée en double aveugle et contrôlée par placebo (en groupes parallèles ou croisés) utilisant l'aspirine par voie orale pour soulager les symptômes d'un épisode aigu de céphalée de tension. Les études devaient être prospectives, avec des participants âgés de 18 ans ou plus, et comprendre au moins 10 participants par groupe de traitement.
Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment les études à inclure et en ont extrait les données. Pour plusieurs critères de jugement (principalement ceux recommandés par l'International Headache Society (IHS)), nous avons calculé le risque relatif (RR) et le nombre de sujets à traiter (NST) pour un effet bénéfique supplémentaire, le nombre nécessaire pour nuire (NNN), ou le nombre de sujets à traiter pour prévenir un événement, pour l'aspirine par voie orale par rapport à un placebo ou une intervention active.
Nous avons évalué les données en utilisant l’approche GRADE et avons créé un tableau récapitulatif des résultats.
Nous avons inclus cinq études portant sur des adultes souffrant de céphalées de tensions épisodiques fréquentes. 1 812 participants ont pris des médicaments, dont 767 ont été inclus dans les comparaisons de l’aspirine 1 000 mg avec un placebo, et 405 dans les comparaisons de l’aspirine 500 mg ou 650 mg avec un placebo. Certains participants n'ont pas fourni de données sur les critères de jugement qui nous intéressent dans le cadre de cette revue. Quatre études ont spécifié qu’elles utilisaient les critères de diagnostic de l'IHS ; une était antérieure aux critères communément reconnus, mais décrivait des caractéristiques comparables et a exclu la migraine. Tous les participants ont traité des maux de tête d'une intensité au moins modérée.
Aucune des études incluses ne présentait un faible risque de biais dans tous les domaines considérés, bien que pour la plupart des études et des domaines, cela soit probablement dû à des rapports inadéquats plutôt qu'à de mauvaises méthodes. Nous avons jugé qu'une étude présentait un risque élevé de biais en raison de sa petite taille.
Il n'y avait pas de données sur l'aspirine à quelque dose que ce soit pour le critère de jugement préféré de l'IHS, à savoir une absence de douleur à deux heures ou à tout autre moment, et une seule étude a fourni des données équivalentes à une absence de douleur ou à une douleur légère à deux heures (données de très faible qualité). L'utilisation d’un médicament de secours était plus faible avec l'aspirine 1 000 mg qu'avec le placebo (2 études, 397 participants) ; 14 % des participants ont utilisé un médicament de secours avec l'aspirine 1 000 mg contre 31 % avec le placebo (nombre de sujets à traiter pour prévenir un événement 6,0, intervalle de confiance (IC) à 95 % 4,1 à 12) (données de faible qualité). Deux études (397 participants) rapportaient l’évaluation globale du patient (Patient Global Evaluation) à la fin de l'étude ; nous avons combiné les deux catégories supérieures pour les deux études afin de déterminer le nombre de participants « satisfaits » du traitement. L'aspirine 1 000 mg a produit plus de participants satisfaits (55 %) que le placebo (37 %) (NST 5,7, IC à 95 % 3,7 à 12) (données de très faible qualité).
Les effets indésirables n'étaient pas différents entre l'aspirine 1 000 mg et le placebo (RR 1,1, IC à 95 % 0,8 à 1,5), ou l'aspirine 500 mg ou 650 mg et le placebo (RR 1,3, IC à 95 % 0,8 à 2,0) (données de faible qualité). Les études n'ont pas fait état d'un effet indésirable grave.
La qualité des données évaluées à l'aide de GRADE pour la comparaison des doses d'aspirine entre 500 mg et 1 000 mg avec un placebo était faible ou très faible. Les données ont été déclassées en raison du petit nombre d'études et d'événements, et parce que les mesures d'efficacité les plus importantes n'ont pas été rapportées.
Les données étaient insuffisantes pour comparer l'aspirine avec un comparateur actif (paracétamol seul, paracétamol plus codéine, huile de menthe poivrée ou métamizole), quelles que soient les doses testées.
Post-édition : Margaux Millet - Révision : Marie Hubert (M2 ILTS, Université de Paris)