Objectif de la revue
Le but de cette revue Cochrane est de synthétiser les données probantes concernant les traitements médicamenteux de l'ulcère de Buruli.
Messages clés
Les antibiotiques sont des constituants importants dans le traitement de l'ulcère de Buruli, mais rien n'indique l’efficacité d’un médicament en particulier par rapport à un autre.
Sujet de la revue
L'ulcère de Buruli est une maladie causée par une mycobactérie qui provoque des grumeaux dans la peau et des ulcères profonds, le plus souvent sur les bras ou sur le visage. Ces bactéries sont également responsables d’autres types de maladies comme la tuberculose et la lèpre. Après un diagnostic tardif, les personnes atteintes peuvent se retrouver défigurées et handicapées à vie. C’est une maladie surtout répandue en Afrique de l'Ouest, mais on la trouve aussi dans des régions non-tropicales comme l’Australie et le Japon. Elle est souvent traitée par des médicaments et des interventions chirurgicales. Cette revue compare différents traitements médicamenteux contre l'ulcère de Buruli.
Principaux résultats de la revue
Nous avons pris en compte 18 études provenant de huit pays d'Afrique de l'Ouest et d'Australie (1984 participants). Les traitements antibiotiques combinés évalués semblent efficaces, mais les données probantes sont insuffisantes pour démontrer l’efficacité d’un médicament par rapport à un autre.
Le test des traitements contre l'ulcère de Buruli représente un défi du fait des différentes tailles, lésions et stades de la maladie qui influent sur le taux de guérison. La chirurgie joue également un rôle important dans le traitement de l'ulcère de Buruli et, par conséquent, l'effet unique des médicaments est difficile à jauger. Des essais de nouveaux régimes de traitement prenant également en compte ces facteurs permettront d’identifier le meilleur d’entre eux.
Actualisation de la recherche
Nous avons recherché les études publiées jusqu'au 19 décembre 2017.
Bien que les traitements antibiotiques combinés évalués semblent efficaces, nous n'avons pas suffisamment de données probantes pour démontrer l’efficacité d’un médicament en particulier. La façon dont les différentes tailles, lésions et stades de la maladie peuvent contribuer à la guérison et le type de lésions nécessitant une chirurgie ne sont pas clairement définis par les études réalisées. Lors de l'élaboration des recommandations de bonne pratique, il faut prendre ces facteurs en compte afin de concevoir des régimes de traitement utiles. Les essais à venir utilisant la combinaison clarithromycine/rifampicine, ainsi que d'autres essais sur de nouveaux régimes de traitement qui tiennent également compte de ces facteurs, permettront de déterminer les meilleurs d’entre eux.
L'ulcère de Buruli est une infection cutanée nécrosante causée par une infection bactérienne (Mycobacterium ulcerans)qui se manifeste principalement dans les régions tropicales et subtropicales. L'infection progresse depuis des nodules apparus sous la peau jusqu’aux ulcères profonds, souvent présents sur les membres supérieurs et inférieurs ou sur le visage. Si elle n'est pas diagnostiquée et traitée, elle peut provoquer une défiguration et un handicap à vie. Elle est souvent traitée par des médicaments et des interventions chirurgicales.
Synthétiser les données probantes sur les traitements médicamenteux de l'ulcère de Buruli.
Nous avons fait des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies infectieuses ; le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), publié dans la Cochrane Library ; MEDLINE (PubMed) ; Embase (Ovid) et LILACS (Latin American and Caribbean Health Sciences Literature ; BIREME). Nous avons également effectué des recherches dans le registre des essais cliniques en cours des Instituts américains de la santé (clinicaltrials.gov) et sur la Plateforme d'enregistrement des essais cliniques internationaux (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) (www.who.int/ictrp/search/en/). Toutes les recherches ont été effectuées jusqu'au 19 décembre 2017. Nous avons également vérifié les listes de références des articles identifiés par la recherche documentaire et contacté des chercheurs de premier plan dans ce domaine afin d'identifier toute donnée non publiée.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) qui comparent l'antibiothérapie à un placebo ou à un autre traitement tel que la chirurgie, ou encore qui comparent différents régimes antibiotiques. Nous avons également inclus les études d'observation prospective qui ont évalué différents régimes antibiotiques avec ou sans chirurgie.
Deux auteurs de la revue ont appliqué les critères d'inclusion de façon indépendante, extrait les données et évalué la qualité méthodologique. Nous avons calculé le risque relatif (RR) des données dichotomiques avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Nous avons évalué le niveau de certitude des preuves en utilisant l’approche GRADE.
Nous avons inclus un total de 18 études : cinq ECR impliquant un total de 319 participants, allant de 12 à 151 participants, et 13 études observationnelles prospectives avec 1665 participants. Les études ont été menées dans huit pays d'Afrique de l'Ouest et d'Australie, dans des zones d'endémicité élevée de l'ulcère de Buruli, pour évaluer les effets de divers médicaments couplés à la chirurgie dans la plupart des cas. Un seul ECR a fait état de méthodes adéquates pour réduire au minimum les biais. En ce qui concerne la monothérapie, un ECR et une étude observationnelle ont évalué la clofazimine et un ECR a évalué le sulfaméthoxazole/triméthoprime. Les trois études portent sur des petits échantillons, et aucun effet du traitement n'a été démontré. Les autres études portent sur les traitements combinés.
De la rifampicine combinée à la streptomycine
Un ECR et six études observationnelles évaluent les effets de la rifampicine combinée à la streptomycine sur différentes durées de traitement (2, 4, 8 ou 12 semaines) (941 participants). L'ECR n'a pas démontré de différence entre les médicaments couplés à la chirurgie et la chirurgie seule au niveau de la récidive à 12 mois, mais il manquait de puissance (RR 0,12, IC à 95 % : 0,01 à 2,51 ; 21 participants ; preuves de très faible certitude).
Cinq autres études d'observation à un seul groupe, menées auprès de 828 participants ayant suivi cette posologie pendant huit semaines complétée par une chirurgie (pratiquée sur tous les participants ou sur une sélection de personnes), ont fait état d’un taux de guérison allant de 84,5 % à 100 %, reporté sur des périodes entre six semaines et un an. Quatre études d'observation ont fait état de taux de guérison chez les participants qui ont reçu le traitement seul sans chirurgie, avec des taux allant de 48 % à 95 % reportés sur des périodes entre huit semaines et un an.
De la rifampicine combinée à de la clarithromycine
Deux études d'observation portaient sur l'administration combinée de rifampicine et de clarithromycine. Une étude a évalué les effets du traitement seul (sans chirurgie) pendant huit semaines et a rapporté un taux de guérison de 50 % à 12 mois (30 participants). Une autre étude a évalué les effets du traitement administré sur diverses périodes (telles que déterminées par les cliniciens, durées non-spécifiées) avec chirurgie et a rapporté un taux de guérison de 100 % à 12 mois (21 participants).
De la rifampicine combinée à de la streptomycine en phase initiale, puis de la rifampicine avec de la clarithromycine en phase de consolidation
Un ECR a évalué l’efficacité de ce traitement (à raison de quatre semaines pour chaque phase) en l’opposant à la poursuite du traitement composé de rifampicine et de streptomycine en phase de consolidation (huit semaines au total). Tous les participants présentaient de petites lésions et leur taux de guérison est supérieur à 90 % dans les deux groupes sans chirurgie (taux de guérison à 12 mois RR 0,94, IC à 95 % 0,87 à 1,03 ; 151 participants ; données peu fiables). Une étude observationnelle à un seul groupe a montré un taux de guérison de 98 % à 12 mois (groupe de 41 participants) avec la substitution de la streptomycine par de la clarithromycine en phase de consolidation (6 semaines, 8 au total) sans chirurgie.
Nouvelle polythérapie
Deux grandes études prospectives menées en Australie ont examiné quelques nouveaux régimes de traitement. Une étude évaluant l’action de la rifampicine en association avec la ciprofloxacine, la clarithromycine ou la moxifloxacine sans chirurgie a rapporté un taux de guérison de 76,5% à 12 mois (132 participants). Une autre étude évaluant l'association de deux ou trois médicaments (rifampicine, ciprofloxacine, clarithromycine, éthambutol, moxifloxacine ou amikacine) avec chirurgie a rapporté un taux de guérison de 100% (90 participants).
Les effets indésirables étaient rapportés par seulement trois ECR (158 participants) et huit études observationnelles prospectives (878 participants) et concordent avec notre savoir actuel des effets indésirables de ces médicaments. Les réactions paradoxales (détérioration clinique après traitement causée par une réponse immunitaire accrue à laMycobacterium ulcerans) ont été évaluées lors de six études d'observation prospective (822 participants), et l'incidence des réactions paradoxales varie de 1,9 à 26 %.
Post-édition : Noëmie Van Landeghem - Révision : Amandine Franchette (M2 ILTS, Université Paris Diderot)