Quelle est la problématique ?
La dialyse péritonéale est une forme de thérapie de remplacement du rein dans laquelle la paroi de l'abdomen sert de filtre pour la dialyse. Le liquide de dialyse est introduit par un tube placé dans l'abdomen, appelé cathéter de dialyse péritonéale. Traditionnellement, la dialyse est retardée de deux semaines après la pose du cathéter, afin de permettre une bonne cicatrisation des plaies. Cependant, certaines études ont montré que les patients atteints d'une maladie rénale chronique nécessitant une dialyse urgente dans les deux semaines suivant l'insertion du cathéter (dialyse péritonéale en urgence) ont obtenu des résultats comparables à ceux des patients ayant commencé leur dialyse plus de deux semaines après l'insertion du cathéter (dialyse péritonéale classique).
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons mené une revue systématique pour examiner les complications et les critères de jugement des patients atteints d'une maladie rénale chronique ayant commencé une dialyse péritonéale en urgence dans les deux semaines suivant l'insertion du cathéter de dialyse péritonéale.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons identifié 16 études (2953 participants) examinant les critères de jugement de la dialyse péritonéale en urgence par rapport à la dialyse péritonéale classique. Lorsque nous avons comparé les résultats des patients ayant commencé la dialyse deux semaines après l'insertion du cathéter, les patients ayant commencé la dialyse en urgence étaient plus susceptibles d'avoir une fuite de liquide de dialyse en dehors de la cavité abdominale vers la peau près du site de sortie du cathéter de dialyse péritonéale. Les différences concernant l'infection de la paroi abdominale (péritonite), l'infection au point de sortie du cathéter de dialyse péritonéale (infection du site de sortie), les complications mécaniques de la dialyse péritonéale (incluant le blocage du cathéter, le mauvais positionnement du cathéter et le réajustement du cathéter), les patients restant sous dialyse péritonéale (survie de la technique) et les décès entre les patients ayant commencé la dialyse en urgence et ceux ayant attendu deux semaines après insertion du cathéter restent incertaines.
Conclusions
Chez les patients atteints d'une maladie rénale chronique nécessitant une dialyse en urgence sans accès de dialyse prêt à l'emploi en place, la dialyse péritonéale pourrait augmenter la fuite de dialysat. Toutefois, les risques globaux de complications infectieuses et non infectieuses entre la dialyse péritonéale en urgence et la dialyse péritonéale classique restent incertains.
Chez les patients atteints d'insuffisance rénale chronique nécessitant une dialyse en urgence sans accès de dialyse prêt à l'emploi en place, la dialyse péritonéale (DP) à démarrage urgent pourrait augmenter le risque de fuite de dialysat et a des effets incertains sur le blocage, le malpositionnement ou le réajustement du cathéter, les problèmes de débit de dialysat de la DP, les complications infectieuses, les saignements au site de sortie, la survie de la technique et la survie du patient par rapport à la DP classique.
La dialyse péritonéale (DP) à démarrage urgent, définie comme l'initiation de la DP dans les deux semaines suivant l'insertion du cathéter, est apparue comme un mode alternatif d'initiation de la dialyse pour les patients atteints d’insuffisance rénale chronique (IRC) nécessitant une dialyse en urgence sans accès de dialyse permanent. Récemment, plusieurs petites études ont rapporté de résultats comparables pour les patients entre la DP en urgence et la DP conventionnelle.
Examiner les bénéfices et les risques de la DP en urgence par rapport à la DP classique chez les adultes et les enfants atteints d'IRC nécessitant un traitement de substitution rénale à long terme.
Nous avons effectué une recherche dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les reins et les greffes jusqu'au 25 mai 2020 en contactant le spécialiste de l'information et en utilisant des termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le Registre sont identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, EMBASE, les actes de conférences, le système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) et ClinicalTrials.gov.
Pour les essais contrôlés non randomisés, les recherches ont été effectuées dans MEDLINE (OVID) (1946 au 27 juin 2019), EMBASE (OVID) (1980 au 27 juin 2019), le du système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) et ClinicalTrials.gov (jusqu'au 27 juin 2019).
Tous les essais contrôlés randomisés (ECR) et non randomisés comparant les critères de jugement de la DP en urgence (dans les 2 semaines suivant l'insertion du cathéter) et de la DP conventionnelle ( ≥ 2 semaines après insertion du cathéter) chez les enfants et les adultes atteints d’IRC nécessitant une dialyse à long terme ont été inclus. Les études sans groupe témoin ont été exclues.
Les données ont été extraites et la qualité des études a été examinée par deux auteurs indépendants. Les auteurs ont contacté les investigateurs pour obtenir des informations supplémentaires. Des estimations globales de l'effet ont été examinées à l'aide d'un modèle à effets aléatoires et les résultats ont été présentés sous forme de risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %, lorsque cela était approprié considérant les données. Le niveau de confiance des données probantes du critère de jugement individuel a été évaluée à l'aide de l'approche GRADE.
Au total, 16 études (2953 participants) ont été incluses dans cette revue, dont un ECR multicentrique (122 participants) et 15 essais contrôlés non randomisés (2831 participants) : 13 études de cohorte (2671 participants) et 2 études cas-témoins (160 participants). La revue comprenait des données non ajustées pour les analyses en raison du manque d'études faisant état de données ajustées.
Selon des données probantes d’un niveau de confiance faible, la DP à démarrage urgent pourrait augmenter la fuite de dialysat (1 ECR, 122 participants : RR 3,90, IC à 95 % 1,56 à 9,78) par rapport à la DP conventionnelle, ce qui se traduit par un nombre absolu de 210 fuites supplémentaires pour 1000 (IC à 95 % 40 à 635).
Selon des données probantes d’un niveau de confiance très faible, il n'est pas certain que la DP à démarrage urgent augmente le blocage des cathéters (4 études de cohorte, 1214 participants : RR 1,33, IC à 95 % 0,40 à 4,43 ; 2 études cas-témoins, 160 participants : RR 1,89, IC à 95 % 0,58 à 6,13), la malposition du cathéter (6 études de cohorte, 1353 participants : RR 1,63, IC à 95 % 0,80 à 3,32 ; 1 étude cas-témoin, 104 participants : RR 3,00, IC à 95 % 0,64 à 13,96), et les problèmes de flux de dialysat de DP (3 études de cohorte, 937 participants : RR 1,44, IC à 95 % 0,34 à 6,14) par rapport à la DP classique.
Selon des données probantes d’un niveau de confiance très faible, il n'est pas certain que la DP à démarrage urgent augmente l'infection au site de sortie (2 études de cohorte, 337 participants : RR 1,43, IC à 95 % 0,24 à 8,61 ; 1 étude cas-témoin, 104 participants RR 1,20, IC à 95 % 0,41 à 3,50), l’hémorragie au site de sortie (1 ECR, 122 participants : RR 0,70, IC à 95 % 0,03 à 16,81 ; 1 étude de cohorte, 27 participants : RR 1,58, IC à 95 % 0,07 à 35,32), la péritonite (7 études de cohorte, 1497 participants : RR 1,00, IC à 95 % 0,68 à 1,46 ; 2 études cas-témoins, 160 participants : RR 1,09, IC à 95 % 0,12 à 9,51), le réajustement du cathéter (2 études de cohorte, 739 participants : RR 1,27, IC à 95 % 0,40 à 4,02), ou réduit la survie de la technique de DP (1 ECR, 122 participants : RR 1,09, IC à 95 % 1,00 à 1,20 ; 8 études de cohorte, 1668 participants : RR 0,90, IC à 95 % 0,76 à 1,07 ; 2 études cas-témoins, 160 participants : RR 0,92, IC à 95 % 0,79 à 1,06).
Selon des données probantes d’un niveau de confiance très faible, il n'est pas certain que la DP à démarrage urgent par rapport à la DP classique augmente le nombre de décès (toutes causes confondues) (1 ECR, 122 participants) : RR 1,49, IC à 95 % 0,87 à 2,53 ; 7 études de cohorte, 1509 participants : RR 1,89, IC à 95 % 1,07 à 3,3 ; 1 étude cas-témoin, 104 participants : RR 0,90, IC à 95 % 0,27 à 3,02 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous n’avons pas trouvé d’études ayant rapporté des infections du trajet du cathéter.
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr