Problématique de la revue
Nous avons examiné les données probantes disponibles concernant l'utilisation des probiotiques chez les personnes atteintes de mucoviscidose.
Contexte
La mucoviscidose entraîne la formation d'un mucus épais qui affecte les poumons, l'intestin et d'autres organes. Les personnes atteintes de mucoviscidose ont souvent une flore bactérienne intestinale altérée et une inflammation associée. L'inflammation intestinale pourrait être liée à la croissance, une inflammation plus importante étant reliée à de moins bonnes mesures de croissance. Cela semble pertinent car une nutrition et une croissance optimales sont importantes pour la fonction pulmonaire et la survie dans la mucoviscidose.
Les probiotiques sont des bactéries vivantes qui apportent un bénéfice pour la santé de l'individu. Les probiotiques sont disponibles en vente libre, ils sont couramment utilisés par les personnes atteintes de mucoviscidose et pourraient améliorer l'inflammation intestinale et la santé en général.
Date de la recherche
Les données probantes sont à jour au : 20 janvier 2020.
Caractéristiques de l'étude
La revue a inclut 12 essais contrôlés randomisés (11 achevés et un protocole d'essai (plan) - ce dernier a été interrompu prématurément mais a rapporté quelques résultats sur les effets secondaires) avec 464 personnes atteintes de mucoviscidose. Huit essais ne concernaient que des enfants, tandis que quatre essais concernaient à la fois des enfants et des adultes. Les essais cliniques ont duré entre un et douze mois. Huit essais ont utilisé un probiotique avec un seul type de bactéries et quatre essais ont utilisé un probiotique avec deux types de bactéries ou plus. Une seule étude a comparé différentes bactéries alors que les autres ont comparé des probiotiques à un placebo (traitement factice sans médicament actif).
Principaux résultats
Les probiotiques pourraient réduire le taux d'exacerbations pulmonaires, mais cela reste à confirmer. Les exacerbations pulmonaires sont des événements durant lesquels les symptômes respiratoires sont aggravés (par exemple, augmentation de la toux, des expectorations ou de l'essoufflement) et où la fonction pulmonaire diminue. Les probiotiques pourraient réduire un marqueur de l'inflammation intestinale appelé calprotectine, mais son bénéfice à l’échelle individuelle est inconnue. Il n'y a pas eu de différences entre les probiotiques et le placebo concernant la taille, le poids ou l'indice de masse corporelle (IMC). Les résultats n'ont pas montré que les probiotiques affectent la fonction pulmonaire, la nécessité d'une hospitalisation ou les symptômes abdominaux. Un essai clinique de petite taille a mesuré la qualité de vie : le questionnaire donné aux parents favorisait les probiotiques, mais l'auto-évaluation réalisée par les enfants n'a pas montré de différence entre les probiotiques et le placebo. Les probiotiques pourraient provoquer des vomissements, des diarrhées et des réactions allergiques. Nous estimons que 52 personnes ont besoin de prendre des probiotiques pour qu'une personne ait un effet indésirable.
Nous n'avons pas pu analyser les résultats de l'essai comparant différents probiotiques en raison de sa conception.
Les futurs essais devraient porter sur l'utilisation des probiotiques pendant au moins 12 mois et évaluer des mesures de la santé pulmonaire et intestinale, de la croissance, des symptômes abdominaux, de la qualité de vie et des effets indésirables. Compte tenu de la large gamme de probiotiques (combinaisons de souches simples et multiples), des doses utilisées et du degré d'efficacité, il sera difficile de déterminer le ou les meilleurs régimes à étudier de manière plus poussée.
Qualité des données probantes
Plusieurs problèmes impactant la qualité des données probantes ont affecté la confiance que nous avons dans les résultats de ces essais. Nous pensons que le fait que certains participants n'aient pas terminé leur traitement ou n'aient pas été inclus dans les rapports pourrait affecter les résultats portant sur le poids. Nous estimons que le fait que tous les critères de jugement prévus n'aient pas été rapportés dans quatre essais pourrait affecter les résultats de l'inflammation intestinale, de la croissance et des symptômes abdominaux. Nous pensons que le fait que l'industrie pharmaceutique ait financé au moins quatre des essais devrait être pris en compte dans l'examen des résultats de cette revue. Comme la plupart des essais ne concernaient que des enfants, nous ne sommes pas sûrs que les résultats s'appliquent également aux adultes. Il y avait également quelques problèmes liés à la connaissance ou non, par les personnes participant à l'essai, du traitement qu’elles recevaient.
Nous avons jugé la qualité des données probantes concernant les changements dans les exacerbations pulmonaires, l'inflammation intestinale, la fonction pulmonaire, les admissions à l'hôpital, le poids et la qualité de vie liée à la santé comme étant faible. Les événements indésirables n'ont été enregistrés que par quatre essais et par le protocole de l'essai clinique terminé prématurément : la qualité des données probantes a également été jugée comme faible.
Les probiotiques réduisent considérablement la calprotectine fécale (un marqueur de l'inflammation intestinale) chez les enfants et les adultes atteints de FK, mais les implications cliniques de cette réduction doivent faire l’objet d’études plus poussées. Les probiotiques semblent faire peu ou pas de différence dans les taux d'exacerbation pulmonaire, cependant, des données probantes supplémentaires sont nécessaires avant de pouvoir tirer des conclusions définitives. Les probiotiques sont associés à un faible nombre d'événements indésirables, incluant notamment des vomissements, des diarrhées et des réactions allergiques. Chez les enfants et les adultes atteints de FK, les probiotiques pourraient être envisagés par les patients et leurs professionnels de santé. Compte tenu de la variabilité de la composition et du dosage des probiotiques, des ECR multicentriques supplémentaires d'une durée d'au moins 12 mois et dotés d'une puissance suffisante sont nécessaires pour évaluer au mieux l'efficacité et l’innocuité des probiotiques chez les enfants et les adultes atteints de FK.
La mucoviscidose ou fibrose kystique (FK) est une maladie multi-systémique dans laquelle l'importance de la croissance et de la nutrition a été bien établie, étant donné leurs implications sur la fonction pulmonaire et la survie globale. Il a été établi que la dysbiose intestinale (c'est-à-dire le déséquilibre microbien) et l'inflammation sont présentes chez les personnes atteintes de FK. Les probiotiques sont disponibles dans le commerce (en vente libre) et peuvent améliorer à la fois la santé intestinale et la santé générale.
Évaluer l'efficacité et l’innocuité des probiotiques pour améliorer la santé chez les enfants et les adultes atteints de FK.
Nous avons effectué les recherches dans le registre des essais sur la mucoviscidose de Cochrane, compilé à partir de recherches dans des bases de données électroniques et de recherches manuelles dans des journaux et livrets de résumés de conférences. Date de la dernière recherche dans le registre : 20 janvier 2020.
Nous avons également effectué des recherches dans les registres des essais en cours et dans les listes de référence des articles et revues pertinents. Date de la dernière recherche : 29 janvier 2019.
Essais contrôlés randomisés ou quasi-randomisés (ECR) évaluant l'efficacité et l’innocuité des probiotiques chez les enfants et les adultes atteints de FK. Les ECR croisés avec une phase de lavage (washout) ont été inclus et pour ceux qui n'avaient pas de période de lavage, seule la première phase de chaque essai a été analysée.
De manière indépendante, nous avons extrait les données et évalué le risque de biais des essais inclus; nous avons utilisé l’outil GRADE pour évaluer la qualité des données probantes. Nous avons communiqué avec les auteurs des essais pour obtenir des données supplémentaires. Des méta-analyses ont été réalisées sur les critères de jugement à plusieurs moments.
Nous avons identifié 17 essais et inclus 12 ECR (11 terminés et un protocole d'essai clinique - cet essai a été interrompu prématurément) (464 participants). Huit essais ne concernaient que des enfants, tandis que quatre essais concernaient à la fois des enfants et des adultes. La durée des essais cliniques varie de un à douze mois. Neuf essais ont comparé un probiotique (sept préparations monosouches et trois préparations multisouches) à une préparation placebo, deux essais ont comparé un symbiotique (multisouche) à une préparation placebo et un essai a comparé deux préparations probiotiques.
Dans l'ensemble, nous avons estimé que le risque de biais dans les 12 essais cliniques était faible. Trois essais présentaient un risque élevé de biais de performance, deux essais un risque élevé de biais d'attrition et six essais un risque élevé de biais de notification. Seuls deux essais ont été jugées comme présentant un risque de biais faible ou incertain pour tous les domaines. Quatre essais ont été financées par des subventions uniquement, deux essais par l'industrie uniquement, deux essais à la fois par des subventions et par l'industrie et trois essais avaient une source de financement inconnue.
Les données combinées de quatre essais (225 participants) suggèrent que les probiotiques pourraient réduire le nombre d'exacerbations pulmonaires sur une période de quatre à douze mois, avec une différence moyenne (DM) de -0,32 épisodes par participant (intervalle de confiance (IC) à 95 % : -0,68 à 0,03 ; P = 0,07) (données probantes de faible qualité) ; cependant, l'IC à 95 % inclut la possibilité à la fois d'un nombre accru et d'un nombre réduit d'exacerbations. En outre, deux essais (127 participants) n'ont pas trouvé de preuves d'un effet sur la durée de l'antibiothérapie pendant la même période. Les données combinées de quatre essais (177 participants) ont démontré que les probiotiques pourraient réduire la calprotectine fécale, DM : -47,4 µg/g (IC 95 % : -93,28 à -1,54 ; P = 0,04) (données probantes de faible qualité), mais les résultats pour les autres biomarqueurs n'ont principalement pas montré de différence entre les probiotiques et le placebo. Deux essais (91 participants) n'ont pas trouvé de preuves d'un effet sur la taille, le poids ou l'indice de masse corporelle (données probantes de faible qualité). Les données combinées de cinq essais (284 participants) ont suggéré qu'il n'y avait pas de différence sur la fonction pulmonaire (volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) en % prévu) pendant une période de trois à 12 mois, DM : 1,36 % (IC 95 % : -1,20 à 3,91 ; P = 0,30) (données probantes de faible qualité). Les données combinées de deux essais (115 participants) ont suggéré qu'il n'y avait pas de différence dans les taux d'hospitalisation sur une période de trois à douze mois, DM : -0,44 admissions par participant (IC 95 % : -1,41 à 0,54 ; P = 0,38) (données probantes de faible qualité). Un essai (37 participants) a rapporté la qualité de vie liée à la santé. Bien que les données rapportées par les parents privilégient les probiotiques, DMS (différence moyenne standardisée) : 0,87 (IC 95% : 0,19 à 1,55), l'autoévaluation faite par l'enfant n'a pas révélé un effet, DMS : 0,59 (IC 95 % : -0,07 à 1,26) (données probantes de faible qualité). Il y a eu des résultats limités concernant les symptômes gastro-intestinaux et le profil microbien intestinal qui n'étaient pas analysables.
Seuls quatre essais et un protocole d'essai clinique (298 participants) ont rapporté des événements indésirables comme hypothèses a priori. Aucune étude n'a rapporté de décès. Une étude terminée (12 participants et disponible sous forme de protocole uniquement) a signalé une réaction allergique grave (urticaire grave) pour un participant du groupe des probiotiques. Deux essais ont rapporté chacune un événement indésirable (vomissements chez un enfant et diarrhée chez un autre). On estime à 52 le nombre de personnes à traiter nécessaire pour induire un effet indésirable chez un patient (grave ou non) (données probantes de faible qualité).
Post-édition effectuée par Philippe Patricio et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr