Quelle est la question ?
L'insuffisance rénale aiguë (IRA) est un problème majeur chez les personnes atteintes de maladies graves. En cas d'insuffisance rénale aiguë sévère, il est nécessaire de recourir à une thérapie continue de remplacement rénal/dialyse (TCRR) utilisant des circuits. La thérapie continue de remplacement rénal est effectuée de manière continue sur 24 heures. La coagulation du circuit de la TCRR peut interférer avec ce traitement. Pour prévenir ce phénomène, diverses interventions non pharmacologiques (n'utilisant pas de médicaments) ont été étudiées. Notre objectif était de résumer les données probantes actuelles concernant l'efficacité des interventions non pharmacologiques qui visent à prévenir la coagulation des circuits extracorporels pendant la TCRR.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché les données probantes disponibles dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le rein et la greffe jusqu'au 25 janvier 2021. Notre revue a résumé les résultats de 20 études randomisées impliquant un total de 1143 participants.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons constaté que la qualité des 20 études incluses était faible, et que les études incluses n’avaient qu’un petit nombre de participants. La majorité des études incluses n'ont pas rapporté la mortalité en tant que critère de jugement. Nous avons constaté que l'hémodiafiltration veino-veineuse continue (HDFVVC), comparée à l'hémofiltration veino-veineuse continue (HVVC), pourrait prolonger la durée de vie des circuits. De plus, une hémofiltration pré-dilution, par rapport à une hémofiltration post-dilution, un cathéter plus long plaçant l'extrémité au niveau de l'oreillette droite par rapport à un cathéter plus court plaçant l'extrémité dans la veine cave supérieure, et un cathéter double lumière à surface modifiée par rapport à un cathéter double lumière standard, pourraient également prolonger la durée de vie du circuit. Cependant, un débit sanguin plus élevé par rapport au débit sanguin standard pourrait ne pas affecter la durée de vie du circuit. Dans l'ensemble, les données étaient limitées et d'un niveau de confiance très faible.
Conclusions
Nous avons constaté que les effets des interventions non pharmacologiques chez les personnes souffrant d'insuffisance rénale aiguë (IRA) et recevant une thérapie continue de remplacement rénal (TCRR) ne sont pas clairs. Il est nécessaire de réaliser des études évaluant la durée de vie du circuit de la TCRR ainsi que d'autres critères de jugement cliniquement importants.
L'utilisation de l’hémodiafiltration veino-veineuse continue par rapport à l’hémofiltration veino-veineuse continue, l'hémofiltration pré-dilution, un cathéter plus long et un cathéter double lumière à surface modifiée pourraient prolonger la durée de vie du circuit, tandis qu'un débit sanguin plus élevé et un filtre à fibres creuses plus nombreuses et plus courtes pourraient réduire la durée de vie du circuit. Dans l'ensemble, le niveau de confiance des données probantes a été évalué comme étant faible à très faible en raison de la petite taille des échantillons des études incluses.
Des données issues de futures recherches rigoureuses et transparentes sont indispensables pour comprendre pleinement les effets des interventions non pharmacologiques dans la prévention de la coagulation du circuit chez les personnes atteintes d'insuffisance rénale aiguë et recevant une thérapie continue de remplacement rénal.
L'insuffisance rénale aiguë (IRA) est une complication courante chez les personnes gravement malades, et elle est associée à un risque accru de décès. Chez les personnes souffrant d'insuffisance rénale aiguë sévère, une thérapie continue de remplacement rénal (TCRR), administrée sur 24 heures, est nécessaire lorsqu'elles deviennent instables sur le plan hémodynamique. Lorsque la TCRR est interrompue en raison de la coagulation dans le circuit extracorporel, la dose délivrée est diminuée, ce qui entraîne un sous-traitement.
Cette revue a évalué l'efficacité des mesures non-pharmacologiques pour maintenir la perméabilité du circuit de la TCRR.
Nous avons effectué des recherches dans le registre d’études du groupe Cochrane sur le rein et la greffe jusqu'au 25 janvier 2021, qui comprend les articles identifiés par des recherches dans CENTRAL, Medline, et EMBASE, les actes de conférence, le portail de recherche du système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) et ClinicalTrials.gov.
Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés (ECR) (études en groupes parallèles et études croisées), les ECR en grappes et les quasi-ECR qui examinaient les interventions non pharmacologiques visant à prévenir la coagulation des circuits extracorporels pendant la TCRR.
Trois paires d'auteurs de la revue ont extrait de manière indépendante les informations concernant les participants, les interventions/comparateurs, les critères de jugement, les méthodes des études et les risques de biais. Les critères de jugement principaux étaient la durée de vie du circuit et les décès toutes causes confondues au 28e jour. Nous avons utilisé un modèle à effets aléatoires pour effectuer une synthèse quantitative (méta-analyse). Nous avons évalué le risque de biais des études incluses à l'aide de l'outil d'évaluation du risque de biais de la Cochrane. Les estimations globales de l'effet ont été obtenues à l'aide d'un modèle à effets aléatoires, et les résultats ont été exprimés sous forme de risque relatif (RR) avec leurs intervalles de confiance (IC) à 95 % pour les critères de jugement dichotomiques, et de différence moyenne (DM) avec leurs IC à 95 % pour les critères de jugement continus. Le niveau de confiance des données probantes a été évalué en utilisant l'approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation).
Au total, 20 études impliquant 1143 participants randomisés ont été incluses dans la revue. La qualité méthodologique des études incluses était faible, principalement en raison du manque de clarté concernant le processus de randomisation et la mise en aveugle de l'intervention. Nous avons trouvé des données probantes sur les 11 comparaisons suivantes : (i) l’hémodialyse veino-veineuse continue (HDVVC) par rapport à l’hémofiltration veino-veineuse continue (HVVC) ou à l’hémodiafiltration veino-veineuse continue (HDFVVC) ; (ii) l’HDFVVC par rapport à l’HVVC ; (iii) un débit sanguin plus élevé (≥ 250 mL/minute) par rapport à un débit sanguin standard (< 250 mL/minute) ; (iv) la membrane AN69 (AN69ST) par rapport aux autres membranes ; (v) la pré-dilution par rapport à la post-dilution ; (vi) un cathéter plus long (> 20 cm) plaçant l'extrémité de sorte à viser l'oreillette droite par rapport à un cathéter plus court (≤ 20 cm) plaçant l'extrémité dans la veine cave supérieure ; (vii) un cathéter double lumière à surface modifiée par rapport à un cathéter double lumière standard avec une géométrie et un type d'écoulement identiques ; (viii) une anticoagulation avec un seul site de perfusion par rapport à une anticoagulation avec deux sites de perfusion ; (ix) un filtre plat par rapport à un filtre du même type de membrane à fibres creuses ; (x) un filtre avec une surface membranaire plus grande par rapport à un filtre avec une plus petite surface ; et (xi) un filtre avec des fibres creuses plus nombreuses et plus courtes par rapport à un filtre standard du même type de membrane.
La durée de vie du circuit a été rapportée pour 9 comparaisons. Des données probantes d’un niveau de confiance faible ont indiqué que l’HDFVVC (par rapport à l’HVVC : DM de 10,15 heures, IC à 95 % de 5,15 à 15,15 ; 1 étude, 62 circuits), l'hémofiltration pré-dilution (par rapport à l'hémofiltration post-dilution : DM de 9,34 heures, IC à 95 % de -2,60 à 21,29 ; 2 études, 47 circuits ; I² = 13 %), le placement de l'extrémité d'un cathéter plus long de sorte à viser l'oreillette droite (par rapport au placement de l’extrémité d'un cathéter plus court dans la veine cave supérieure : DM de 6,50 heures, IC à 95 % de 1,48 à 11,52 ; 1 étude, 420 circuits), et le cathéter double lumière à surface modifiée (par rapport au cathéter double lumière standard : DM de 16,00 heures, IC à 95 % de 13,49 à 18,51 ; 1 étude, 262 circuits) pourraient prolonger la durée de vie des circuits. Cependant, un débit sanguin plus élevé pourrait ne pas augmenter la durée de vie des circuits (par rapport à un débit sanguin standard) : DM de 0,64, IC à 95 % de -3,37 à 4,64 ; 2 études, 499 circuits ; I² = 70 %). Des filtres avec des fibres creuses plus nombreuses et plus courtes (par rapport aux filtres standard) : DM de -5,87 heures, IC à 95 % de -10,18 à -1,56 ; 1 étude, 6 circuits) pourraient réduire la durée de vie des circuits.
Le décès toutes causes confondues a été rapporté dans quatre comparaisons. Nous ne sommes pas certains que l’HDFVVC par rapport à l’HVVC, l’HDVVC par rapport à l’HVVC ou à l’HDFVVC, un cathéter plus long par rapport à un cathéter plus court, ou des cathéters double lumière à surface modifiée par rapport à des cathéters double lumière standard réduisent les décès, toutes causes confondues. A partir des données probantes d’un niveau de confiance très faible.
La récupération de la fonction rénale a été rapportée dans trois comparaisons. Nous ne sommes pas certains que l’HDFVVC par rapport à l’HVVC, l’HDVVC par rapport à l’HVVC ou à l’HDFVVC, ou les cathéters double lumière à surface modifiée par rapport aux cathéters double lumière standard aient augmenté la récupération de la fonction rénale.
Les complications liées à l'accès vasculaire ont été rapportées dans deux comparaisons. Des données probantes d’un niveau de confiance faible ont indiqué que l'utilisation d'un cathéter plus long (par rapport à un cathéter plus court : RR de 0,40, IC à 95 % de 0,22 à 0,74) pourrait réduire les complications liées à l'accès vasculaire, mais l'utilisation de cathéters double lumière à surface modifiée par rapport aux cathéters double lumière standard pourrait ne faire que peu ou pas de différence au niveau des complications liées à l'accès vasculaire.
Post-édition effectuée par Mélaine Lim et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr