Problématique de la revue
1. Quelles options peut-on proposer aux personnes souffrant ou non de problèmes respiratoires à long terme afin de réduire leur exposition à la pollution atmosphérique extérieure ?
2. Ces options ont-elles un impact sur la santé des personnes souffrant de problèmes respiratoires à long terme ?
Contexte
La pollution de l'air extérieur est un problème majeur. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus de 90 % de la population vit dans des endroits où la pollution atmosphérique atteint des niveaux nocifs. On estime qu'une personne lambda vivant en Europe perd en moyenne une année de vie à cause de la mauvaise qualité de l'air.
La pollution atmosphérique a tendance à avoir un effet plus important sur les personnes qui souffrent déjà de pathologies respiratoires, telles que l'asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Parmi les moyens de réduire les effets de la pollution atmosphérique, citons le port d'un masque qui filtre la pollution à l'extérieur, l'évitement de certaines routes à forte circulation ou l'utilisation d'alertes à la pollution atmosphérique. L'efficacité de ces options n'est pas clairement établie, et il est également possible que ces options aient des effets indésirables ou soient désagréables.
Nous avons décidé de mener cette recherche après avoir rencontré un groupe de personnes atteintes de BPCO à Londres. Nous leur avons demandé de nous faire part de leurs questions les plus importantes concernant leur santé. Plusieurs membres du groupe voulaient savoir s'il existait des données probantes concernant ce qu'ils pouvaient faire eux-mêmes pour inhaler moins de pollution atmosphérique.
Identification et sélection des études
Nous avons recherché dans plusieurs bases de données en ligne les études ayant testé différentes options, telles que les masques et les alertes à la pollution atmosphérique. Nous avons recherché les études dans n'importe quelle langue, publiées partout dans le monde et à n'importe quel moment, ainsi que les informations non publiées. Deux chercheurs ont examiné les listes d'études séparément, puis se sont mis d'accord sur celles que nous devions inclure. Nous avons effectué notre recherche la plus récente le 16 octobre 2020.
Caractéristiques des études
Nous avons inclus toute étude qui a essayé une intervention au niveau individuel dans le but de réduire la quantité de pollution de l'air à laquelle les personnes étaient exposées. Nous entendons par là quelque chose qu’une personne peut faire elle-même, par exemple porter un masque ou s'inscrire pour recevoir des alertes sur les niveaux de pollution atmosphérique. Nous avons inclus des études portant sur des adultes et des enfants en bonne santé, ainsi que sur des personnes souffrant d'affections respiratoires de longue durée. Les principales mesures qui nous intéressaient étaient les suivantes : mesures de l'exposition à la pollution atmosphérique ; poussées des troubles respiratoires ; admissions à l'hôpital ; qualité de vie ; et effets secondaires indésirables graves. La plupart des études étaient financées par une subvention gouvernementale ou caritative.
Principaux résultats
Nous avons trouvé onze études à inclure dans cette revue. Les études ont essayé plusieurs moyens différents pour réduire l'exposition à la pollution de l'air : cinq études ont utilisé des masques qui filtrent la pollution, cinq études ont utilisé des alertes à la pollution de l'air et de l'éducation, et une étude a testé un itinéraire à vélo avec un plus faible niveau de pollution. La taille des études variait de 15 à plus de 1000 personnes.
Les études étant toutes très différentes, nous n'avons pas pu combiner les résultats statistiquement. Nous avons également constaté que la plupart des études ne pouvaient pas mettre en aveugle les participants ou le personnel de l’étude, ce qui signifie que les personnes impliquées dans les études savaient si elles recevaient l'option censée réduire l'exposition à la pollution. Ceci est important car le fait de le savoir pourrait influencer le comportement des personnes.
Études sur le masque filtrant la pollution et l’itinéraire à vélo
Nous avons constaté que les masques et un itinéraire à vélo avec un plus faible niveau de pollution pourraient avoir un léger effet sur les mesures indiquant une exposition à la pollution atmosphérique (par exemple, la pression artérielle), mais les résultats des différentes études étaient variés et nous n'étions pas du tout sûrs. Une étude a indiqué que les personnes avaient un peu plus de mal à respirer lorsqu'elles portaient un masque, mais aucune des autres études n'a fait de trace écrite sur les effets secondaires indésirables. Les personnes empruntant un itinéraire à vélo avec un plus faible niveau de pollution présentaient moins d'irritation au niveau du nez et de la gorge, mais cela n'avait pas d’incidence sur les autres symptômes respiratoires.
Études portant sur l’alerte sur la qualité de l'air
Une étude a montré que l'envoi d'alertes lorsque la qualité de l'air est mauvaise pourrait augmenter le nombre de consultations aux urgences ou le nombre d'hospitalisations. Mais deux autres études qui se sont penchées sur la question n'ont pas constaté de différence nette entre les personnes qui recevaient les alertes et celles qui ne les recevaient pas.
Nous avons constaté que, dans certaines études, les personnes ayant reçu des alertes à la pollution de l'air et des informations sur la manière d'éviter la pollution de l'air ont adopté des comportements plus « préventifs », par exemple en évitant de faire de l'exercice en plein air lorsque la qualité de l'air était mauvaise. Mais dans d'autres études, les alertes n'ont pas semblé faire une grande différence.
Une autre étude a indiqué qu'il n'y avait pas de différence nette entre les symptômes respiratoires des personnes qui recevaient des alertes à la pollution atmosphérique et les symptômes des personnes qui n'en recevaient pas.
Nous avons fourni les définitions des mots clés dans un glossaire (Tableau 1).
En résumé
Nous n'avons pas trouvé beaucoup d'études nous aidant à répondre à cette question. Les études que nous avons trouvées étant très différentes les unes des autres, nous n'avons pas pu les combiner pour obtenir une image plus claire. Cela signifie que nous ne pouvons toujours pas être sûrs des meilleurs conseils à donner aux personnes qui souhaitent réduire dans leur vie quotidienne l'impact de la pollution atmosphérique.
Le manque de données probantes et de diversité des études ont limité les conclusions de cette revue. L'utilisation d'un masque ou d'un itinéraire à vélo moins polluant pourrait atténuer certains des impacts physiologiques de la pollution atmosphérique, mais les données probantes sont très incertaines. Nous avons trouvé des résultats contradictoires pour les autres critères de jugement, notamment l'utilisation des services de santé, les symptômes et l'observance/le changement de comportement. Nous n'avons pas trouvé de données probantes concernant les effets indésirables.
Les financeurs devraient envisager de commissionner des études plus longues et de plus grande envergure, utilisant des méthodes de haute qualité et bien décrites, et recrutant des participants souffrant d'affections respiratoires préexistantes. Les études devraient rapporter des critères de jugement importants pour les personnes souffrant d'affections respiratoires, tels que les exacerbations, les admissions à l'hôpital, la qualité de vie et les effets indésirables.
Plus de 90 % de la population mondiale vit dans des zones où la qualité de l'air dépasse les limites fixées par l'Organisation mondiale de la santé. On estime que plus de quatre millions de personnes meurent prématurément chaque année à cause de la pollution atmosphérique et que la mauvaise qualité de l'air réduit d'un an l'espérance de vie d'un Européen lambda. Les individus pourraient être en mesure de réduire les risques pour la santé par des interventions telles que le port de masques, des changements de comportement et l'utilisation d'alertes sur la qualité de l'air. À ce jour, on manque de données probantes sur l'efficacité et la sécurité de ces interventions pour la population générale et pour les personnes souffrant d'affections respiratoires de longue durée. Ce sujet, ainsi que la problématique de la revue qui concerne les données probantes disponibles portant sur comment éviter ou atténuer les effets de la pollution atmosphérique, a immédiatement émergé d'un groupe de personnes atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) dans le sud de Londres, au Royaume-Uni.
1. Évaluer l'efficacité, la sécurité et l'acceptabilité des interventions au niveau individuel ayant pour but d’aider les personnes souffrant ou non d'affections respiratoires chroniques à réduire leur exposition à la pollution atmosphérique extérieure.
2. Évaluer l'efficacité, la sécurité et l'acceptabilité des interventions au niveau individuel ayant pour but d’aider les personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques à réduire l'impact de la pollution de l'air extérieur sur leur personne et d’améliorer les critères de jugement concernant leur état de santé.
Nous avons identifié les études à partir du registre d’essais cliniques du groupe Cochrane sur les voies aériennes, du registre Cochrane des essais contrôlés et d'autres bases de données importantes. Nous n'avons pas restreint nos recherches par date, langue ou type de publication et avons inclus une recherche dans la littérature grise (par exemple, les informations non publiées). Nous avons effectué la recherche la plus récente le 16 octobre 2020.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) et des études non randomisées (ENR) comprenant un bras témoin, qui ont étudié l'efficacité d'une intervention au niveau individuel sur la réduction des risques de la pollution de l'air extérieur chez les adultes et les enfants. Nous avons inclus les études portant sur des personnes en bonne santé et celles portant sur des personnes souffrant d'une affection respiratoire de longue durée. Nous avons exclu les études qui portaient sur des affections de longue durée non respiratoires, telles que les maladies cardiovasculaires. Nous n'avons pas restreint l'éligibilité des études en fonction des critères de jugement.
Nous avons utilisé les méthodes standard de Cochrane. Deux auteurs de la revue ont indépendamment sélectionné les essais à inclure, extrait les caractéristiques des études et les données des critères de jugement, et évalué le risque de biais à l'aide de l'outil Cochrane Risk of Bias pour les ECR et de l’outil Risque De Biais Dans les Etudes d’Interventions Non-Randomisées (Risk Of Bias In Non-randomised Studies - of Interventions, ROBINS-I) lorsque cela était approprié. Un auteur a saisi les données dans la revue, ce qui a été vérifié par un deuxième auteur. Nous avions prévu d’effectuer une méta-analyse avec les résultats des ECR et des ENR séparément, en utilisant un modèle à effets aléatoires. Cela n'a pas été possible, nous avons donc présenté les données probantes de manière narrative. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes en utilisant l'approche GRADE. Les critères de jugement principaux étaient les suivants : mesures de l'exposition à la pollution atmosphérique ; exacerbation des affections respiratoires ; admissions à l'hôpital ; qualité de vie ; et effets indésirables graves.
Nous avons identifié 11 études (3372 participants) répondant à nos critères d'inclusion (10 ECR et une ENR). L'âge des participants allait de 18 à 74 ans, et la durée des études variait de 24 heures à 104 semaines. Six études croisées ont recruté des adultes en bonne santé et cinq études avec des bras parallèles ont inclus soit des personnes souffrant d’affections préexistantes (trois études), soit uniquement des femmes enceintes (deux études). Les interventions comprenaient des masques (par exemple, un masque N95 conçu pour filtrer les particules en suspension dans l'air) (cinq études), un itinéraire à vélo alternatif (une étude), des alertes sur la qualité de l'air et de l'éducation (cinq études). Les études ont été réalisées en Australie, en Chine, en Iran, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
En raison de la diversité des plans d’étude, des populations, des interventions et des critères de jugement, nous n'avons pas effectué de méta-analyses et avons plutôt résumé les résultats de manière narrative. Nous avons jugé que les ECR et l’ENR présentaient un risque de biais dû à l'absence de mise en aveugle et au manque de clarté des méthodes de sélection. De nombreuses études n'ont pas fourni de protocole prépublié ou l'enregistrement de l'essai.
À partir de cinq études (184 participants), nous avons constaté que les masques ou les itinéraires à vélo modifiés pourraient n’avoir que peu ou pas d'impact sur les marqueurs physiologiques de l'exposition à la pollution atmosphérique (par exemple, la variabilité du rythme cardiaque et de la pression artérielle), cependant avec l’utilisation de l’approche GRADE, nous sommes très incertains quant à cette estimation. Nous avons trouvé des données probantes contradictoires concernant l'utilisation des services de santé dans trois études sur les alertes à la pollution de l'air. Un essai croisé non randomisé (35 participants) a rapporté une augmentation des consultations et des admissions aux urgences dans les hôpitaux, mais les deux autres essais randomisés en groupes parallèles (1553 participants) ont rapporté peu ou pas de différence. Nous avons également attribué une évaluation GRADE très incertaine aux données probantes pour ce critère de jugement. Aucun des essais que nous avons inclus n'a rapporté les exacerbations respiratoires, la qualité de vie ou les effets indésirables graves.
Les critères de jugement secondaires n'étaient pas bien rapportés, mais ils indiquaient des impacts incohérents des alertes sur la qualité de l'air et des interventions éducatives sur l'observance, certains essais rapportant une amélioration de l’observance dans les groupes d'intervention et d'autres ne rapportant que peu ou pas de différence. Trois essais ont rapporté des symptômes : un essai croisé randomisé (15 participants) a rapporté une légère augmentation des difficultés respiratoires liées à l'utilisation du masque, un essai croisé non randomisé (35 participants) a rapporté une diminution de l'irritation de la gorge et du nez dans le groupe ayant emprunté l'itinéraire à vélo moins pollué (mais pas de différence nette dans les autres symptômes respiratoires), et un autre essai randomisé en groupe parallèle (519 participants) n'a pas rapporté de différence nette entre les symptômes des personnes ayant reçu un avertissement pour le smog et ceux des personnes n'en ayant pas reçu.
Post-édition effectuée par Mélaine Lim et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr