Principaux messages
- La thrombolyse (administration d'un médicament qui dissout les caillots sanguins) pourrait améliorer partiellement le pronostic suite à une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale (un type d'hémorragie cérébrale). Par exemple, il réduit probablement le risque de pronostic fonctionnel défavorable (invalidité grave) et le risque de vasospasme des artères cérébrales (pathologie qui se caractérise par le rétrécissement des artères cérébrales, souvent à l’origine de lésions cérébrales consécutives à la réduction du flux sanguin), et pourrait réduire le risque d'ischémie cérébrale retardée (pathologie caractérisée par une perfusion insuffisante du tissu cérébral, consécutive à un vasospasme des artères cérébrales). La thrombolyse ne semble pas augmenter le risque de complications hémorragiques (par exemple, la récidive anévrismale). Cependant, la thrombolyse ne diminue probablement pas le risque de décès ou d'hydrocéphalie (accumulation de liquide au niveau du cerveau qui peut causer des lésions cérébrales dues à l’augmentation de la pression), et pourrait faire peu ou pas de différence sur le risque d'infarctus cérébral (type d’accident vasculaire cérébral consécutif à une réduction du débit sanguin).
- Dans l'ensemble, les données probantes actuelles concernant la thrombolyse dans le traitement de l'hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale sont encore incertaines.
- Des données supplémentaires issues d'études ciblant l'effet de la thrombolyse sur le pronostic de patients victimes d’une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale sont nécessaires.
Qu'est-ce que l'hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale ?
L'hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale est une anomalie de la perfusion sanguine cérébrale consécutive à la rupture d'un anévrisme cérébral (renflement d’une portion d’une artère cérébrale qui est affaiblie et sujette aux saignements). L'hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale est potentiellement mortelle et peut entraîner des handicaps significatifs. En outre, une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale peut être à l’origine d’un vasospasme des artères cérébrales : il s'agit d'une complication dangereuse impliquant le rétrécissement d’un ou plusieurs vaisseaux sanguins cérébraux qui entraîne une réduction du flux sanguin. La gravité de cette affection peut être mesurée sur une échelle connue sous le nom d'échelle de Fisher, les grades 3 et 4 étant considérés comme des grades élevés et associés à un risque majeur de vasospasme.
Comment traiter l'hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale ?
Suite à la rupture d'un anévrisme, la mise en place d’un traitement en urgence est nécessaire dans l’optique d’interrompre le saignement ou sa récidive. Cela peut se faire par une procédure mini-invasive (enroulement endovasculaire, c’est-à-dire l’introduction d’un cathéter par un vaisseau sanguin qui est enroulé à l'intérieur de l'anévrisme) ou en ayant recours à une intervention chirurgicale à ciel ouvert (intervention appelée clipping qui consiste à placer une pince métallique en travers du col de l'anévrisme).
La thrombolyse sous-arachnoïdienne consiste à administrer un médicament dissolvant les caillots pour fluidifier le sang suite à une hémorragie sous-arachnoïdienne. Cette intervention pourrait améliorer le pronostic puisque le sang stagnant dans l'espace sous-arachnoïdien est à l’origine de vasospasmes des artères cérébrales.
Objets de nos recherches
Nous voulions déterminer si le pronostic des patients qui recevaient une thrombolyse après une hémorragie sous-arachnoïdienne était meilleur que celui des patients qui n'en recevaient pas.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons effectué une recherche systématique dans les bases de données médicales pour trouver des études évaluant le traitement par thrombolyse en vue d’améliorer le pronostic de personnes victimes d’une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale. Nous avons recherché un type d'étude fiable connu sous le nom d'« essai contrôlé randomisé ». Nous avons combiné les résultats des études que nous avons identifiées à partir de nos recherches pour évaluer les effets de la thrombolyse.
Qu'avons-nous trouvé ?
Nous avons identifié huit études provenant de six pays différents qui répondaient à nos critères d'inclusion, avec un total de 410 personnes ayant présenté des hémorragies sous-arachnoïdiennes. Parmi ces personnes, 205 ont reçu une thrombolyse. Presque tous les participants inclus présentaient une hémorragie sous-arachnoïdienne associée à un grade élevé. Les études utilisaient différentes approches pour l'utilisation de la thrombolyse, y compris différentes doses et voies d'administration (par exemple, via un drain externe ou pendant une chirurgie à ciel ouvert).
Résultats principaux
Les personnes qui ont reçu une thrombolyse après une hémorragie anévrismale sous-arachnoïdienne avec un score de Fisher élevé étaient moins susceptibles de souffrir d’une invalidité sévère, d’un vasospasme des artères cérébrales ou d’une ischémie cérébrale retardée que celles qui n'ont pas reçu de thrombolyse. Cependant, elles n'étaient ni plus ni moins susceptibles de décéder ou d'avoir une complication hémorragique que les personnes n’ayant pas reçu de thrombolyse. Elles n'étaient par ailleurs ni plus ni moins susceptibles d'avoir un accident vasculaire cérébral ou une accumulation de liquide dans l’encéphale.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous avons un niveau de confiance faible à modéré relatif aux données probantes que nous avons trouvées. La principale limite des données probantes est le petit nombre de participants aux études et le petit nombre de cas pour chaque critère de jugement. De plus, les études incluses dans cette analyse ciblaient différentes approches de la thrombolyse ; en raison du petit nombre d'études, nous n'avons pas pu étudier l'effet de ces différentes approches sur les critères de jugement. On ignore également comment la thrombolyse affecte les cas moins graves d'hémorragie sous-arachnoïdienne.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Ces données probantes sont à jour jusqu'au 9 mars 2023.
Certaines données probantes indiquent que la thrombolyse peut probablement améliorer la récupération des personnes victimes d’une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale, sans augmenter le risque de complications hémorragiques. La thrombolyse réduit probablement le risque de pronostic fonctionnel défavorable et de vasospasme des artères cérébrales, et pourrait réduire le risque d'ischémie cérébrale retardée, mais elle ne fait probablement que peu ou pas de différence en ce qui concerne la létalité ou l'hydrocéphalie, et pourrait faire peu ou pas de différence en ce qui concerne le risque d'infarctus cérébral. Cependant, les données probantes actuelles sont encore incertaines. Cette incertitude est principalement due au petit nombre total de participants et d’événements concernant le pronostic. Des données issues d'autres études sont nécessaires pour confirmer l'efficacité de la thrombolyse dans l’amélioration du pronostic après une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale.
Les hémorragies sous-arachnoïdiennes anévrismales entraînent toujours une morbidité et une mortalité significatives malgré les progrès réalisés dans leur prise en charge. Des essais évaluant les effets de l'administration locale de thrombolytiques ont fait état de résultats prometteurs.
- Évaluer l'effet de la thrombolyse sur l'amélioration du pronostic fonctionnel et la diminution de la létalité suite à une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale.
- Déterminer l'effet de la thrombolyse sur les risques de vasospasme des artères cérébrales, d'ischémie cérébrale retardée et d'hydrocéphalie suite à une hémorragie sous-arachnoïdienne.
- Déterminer le risque de survenue de complications de la thrombolyse administrée par voie locale dans le traitement de l’hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (consulté le 9 mars 2023), dans MEDLINE Ovid (de 1946 au 9 mars 2023) et Embase Ovid (de 1974 au 9 mars 2023). Nous avons également effectué des recherches dans ClinicalTrials.gov et dans le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS. Nous avons recherché les références précédentes et postérieures des études incluses à l'aide de Google Scholar.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés comparant le traitement par thrombolyse sous-arachnoïdienne, quelle que soit la voie d’administration, pour tous les lieux anatomiques reliés avec l'espace sous-arachnoïdien, par rapport à un placebo, une thrombolyse placebo ou au traitement standard.
Deux auteurs ont sélectionné indépendamment les études à inclure dans la revue. Nous avons extrait les données et utilisé la version 2 de l'outil Cochrane sur le risque de biais pour les essais randomisés afin d'évaluer le risque de biais dans les études. Les désaccords ont été résolus par l'intervention d'un troisième auteur.
Notre critère de jugement principal était un pronostic fonctionnel défavorable. Les critères de jugement secondaires étaient : létalité, complications hémorragiques, vasospasme des artères cérébrales, ischémie cérébrale retardée, infarctus cérébral et hydrocéphalie.
Nous avons effectué des méta-analyses pour chaque critère de jugement et une analyse de sensibilité excluant les études à risque de biais élevé. Nous avons présenté les résultats sous forme de risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Nous avons effectué une analyse de sensibilité plus poussée en incluant tous les groupes d'intervention des études rapportant plus d'un groupe d'intervention.
Pour chaque critère de jugement, nous avons utilisé la méthode GRADE pour déterminer le niveau de confiance des données probantes.
Nous avons inclus dans cette revue huit études provenant de six pays. Les études incluaient un total de 410 participants, dont 205 ont reçu une thrombolyse. Nous avons identifié trois essais en cours. Nous avons évalué un essai comme présentant un risque de biais élevé pour tous les critères de jugement ; nous avons évalué les autres essais comme présentant un faible risque de biais ou autres préoccupations.
La thrombolyse entraîne probablement une réduction des pronostics fonctionnels défavorables par rapport au placebo ou aux soins standard (29,4 % par rapport à 39,7 %, RR 0,73, IC à 95 % 0,56 à 0,94 ; 8 études, 408 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). La thrombolyse entraîne probablement peu ou pas de différence en termes de létalité (12,8 % par rapport à 17,7 %, RR 0,71, IC à 95 % 0,46 à 1,10 ; 8 études, 408 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). La thrombolyse pourrait entraîner peu ou pas de différence dans la survenue de complications hémorragiques (10,3 % par rapport à 7,2 %, RR 1,40, IC à 95 % 0,73 à 2,68 ; 6 études, 341 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La thrombolyse entraîne probablement une réduction du vasospasme des artères cérébrales (32,9 % par rapport à 47,6 %, RR 0,70, IC à 95 % 0,54 à 0,91; données probantes d’un niveau de confiance modéré), et pourrait entraîner une réduction de l'ischémie cérébrale retardée (23,8 % par rapport à 38,2 %, RR 0,62, IC à 95 % 0,45 à 0,88 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La thrombolyse pourrait entraîner peu ou pas de différence dans la survenue d’un infarctus cérébral (28,6 % par rapport à 37,5 %, RR 0,76, IC à 95 % 0,44 à 1,31; données probantes d’un niveau de confiance faible), et entraîne probablement peu ou pas de différence dans le risque d'hydrocéphalie (18,3 % par rapport à 24,1 %, RR 0,77, IC à 95 % 0,54 à 1,10; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Claire Bories (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr