Problématique de la revue
Nous avons comparé différentes techniques utilisées pour les trachéotomies électives chez des sujets adultes hospitalisés dans une unité de soins intensifs (USI).
Contexte
Le terme « trachéotomie » fait référence à l'ouverture chirurgicale de la trachée par l'avant du cou. L'ouverture qui en résulte entre la trachée et l'espace aérien extérieur (appelée stomie ou trachéostome) permet à la personne de respirer si ses voies respiratoires sont obstruées ou endommagées. La trachéotomie est également nécessaire pour les personnes qui se trouvent dans une USI et qui sont sous assistance respiratoire pendant une longue période (plusieurs semaines). C'est l'une des procédures chirurgicales les plus couramment pratiquées en médecine de soins intensifs. Les techniques chirurgicales (ouverture chirurgicale de la trachée) et les techniques percutanées (ouverture de la trachée avec des dilatateurs en plastique) sont largement utilisées dans la pratique actuelle. Les trachéotomies percutanées semblent présenter plusieurs avantages potentiels par rapport aux trachéotomies chirurgicales.
Caractéristiques des études
Les données probantes sont à jour en mai 2015. Nous avons inclus 20 études en date de 1990 à 2011, incluant 1 652 sujets adultes hospitalisés à l’USI qui devaient subir une trachéotomie élective. Aucune des études n'a été financée.
Principaux résultats
L'application de techniques percutanées ne réduit pas le taux de décès, de complications graves et potentiellement mortelles (p. ex. blessures à la trachée ou à l'œsophage), de saignements importants ou de problèmes avec la canule de trachéotomie (obstruction, perte accidentelle, changement de canule difficile). Certaines données probantes ont montré que l'utilisation de techniques percutanées entraînait une diminution des cas d'infection des plaies (-76 %) et de cicatrisation défavorable (-75 %).
Valeur probante des données
Selon le critère de jugement, la qualité des données probantes variait : modérée (infection de la plaie), faible (décès, complications graves, mauvaise cicatrisation, problèmes avec la canule de trachéotomie) ou encore très faible (saignement important). Ces faibles classements s’expliquent par les grandes différences entre les études, la diversité de leurs résultats et l’insuffisance de données.
Conclusions
En nous appuyant sur les données disponibles, nous concluons que les trachéotomies percutanées offrent des avantages par rapport aux trachéotomies chirurgicales sur certains critères de jugement. Cependant, comme plusieurs groupes de sujets ont été exclus des études prises en compte (ceux ayant une structure de cou défavorable, souffrant de troubles hémorragiques ou se trouvant en situation d'urgence), le nombre de sujets s’en est trouvé limité, les critères à long terme n'ont pas été évalués et les données sur les critères de jugement importants pour les patients étaient soit incomplètes soient absentes. Pour toutes ces raisons, les résultats de cette méta-analyse sont limités et ne peuvent pas être appliqués à tous les adultes gravement malades.
Par rapport aux techniques chirurgicales, les techniques percutanées réduisent de façon significative le taux d'infection de la plaie/stomatite (données probantes de qualité modérée) et le taux de mauvaise cicatrisation (données probantes de faible qualité en raison de l'imprécision et de l'hétérogénéité). Certaines données probantes de faible qualité indiquent que les techniques percutanées peuvent avoir un effet positif, bien que non significatif, sur la mortalité et le taux d’événements indésirables graves. Certaines données probantes de très faible qualité indiquent un effet similaire des techniques percutanées sur le taux d’hémorragie majeure.
Cependant, comme plusieurs groupes de sujets ont été exclus des études prises en compte, le nombre de sujets s’en est trouvé limité, les critères à long terme n'ont pas été évalués et les données sur les critères de jugement importants pour les patients étaient soit incomplètes soient absentes. Pour toutes ces raisons, les résultats de cette méta-analyse sont limités et ne peuvent pas être appliqués à tous les adultes gravement malades.
La trachéotomie est l'une des interventions chirurgicales les plus couramment pratiquées chez les sujets gravement malades en soins intensifs pour lesquels une ventilation mécanique à long terme est nécessaire. Les trachéotomies chirurgicales (TC) et les trachéotomies percutanées (TP) comptent toutes deux parmi les pratiques chirurgicales actuelles. Cependant, la méthode optimale pour effectuer des trachéotomies chez des sujets gravement malades demeure incertaine.
Nous avons évalué l'efficacité et l'innocuité des techniques percutanées par rapport aux techniques chirurgicales couramment utilisées pour la trachéotomie élective chez des sujets gravement malades (adultes et enfants) afin de déterminer s'il y avait une différence dans les taux de complications entre les interventions. Nous avons également déterminé si l'effet variait selon les groupes de sujets, les milieux (unité de soins intensifs (USI), salle d'opération), l’expérience des opérateurs, les techniques percutanées, ou si les techniques percutanées étaient effectuées avec ou sans guidage bronchoscopique.
Nous avons effectué nos recherches dans les bases de données électroniques suivantes : CENTRAL, MEDLINE, EMBASE et CINAHL jusqu'au 28 mai 2015. Nous avons également parcouru des listes de référence d'articles, de la « littérature grise » et des thèses. Nous avons effectué une recherche manuelle dans les revues de soins intensifs et d'anesthésie, les résumés et les comptes rendus de réunions scientifiques. Nous avons tenté d'identifier les études non publiées ou en cours en contactant les fabricants et les experts dans le domaine, et en effectuant des recherches dans les registres d'essais.
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) et quasi-randomisés comparant les techniques percutanées (intervention expérimentale) aux techniques chirurgicales (intervention témoin) utilisées pour la trachéotomie élective chez les sujets gravement malades (adultes et enfants).
Trois auteurs ont vérifié de façon indépendante l'admissibilité et ont extrait des données sur la qualité méthodologique, les caractéristiques des sujets, les détails de l'intervention, les milieux et les critères de jugement pertinents au moyen d'un formulaire normalisé. Nous avons ensuite saisi les données dans le logiciel Review Manager 5, avec une procédure de saisie en double.
Sur les 785 citations identifiées, 20 essais de 1990 à 2011 regroupant 1 652 sujets ont satisfait aux critères d'inclusion. Nous avons jugé que la plupart des essais présentaient un risque faible ou incertain de biais dans l’un des six domaines, et que quatre études présentaient des éléments de risque élevé de biais ; nous n'avons classé aucune étude comme présentant un risque de biais globalement faible. Les données probantes étaient de faible qualité pour cinq des sept critères de jugement (très faible N = 1, modéré N = 1) et les études étaient hétérogènes. Les sujets représentaient une population variée d’adultes et les procédures ont été exécutées par un large éventail d'opérateurs attestant d’expériences différentes et dans diverses situations.
Il n'y avait pas de preuve d'une différence dans le taux des critères de jugement primaires : mortalité directement liée à l'intervention (rapport des cotes de Peto (RCP) 0,52 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,10 à 2,60 ; I² = 44 %, P = 0,42 ; 4 études ; 257 sujets, données probantes de faible qualité), et les événements indésirables graves et mettant la vie en danger - en per-opératoire : rapport de risque (RR) de 0,93 ; IC à 95 % de 0,57 à 1,53 ; I² = 27 % ; P = 0,78 ; 12 études ; 1 211 sujets ; données probantes de faible qualité, et directement postopératoire : RR 0,72 ; IC à 95 % 0,41 à 1,25 ; I² = 24 % ; P = 0,24 ; 10 études ; 984 sujets ; données probantes de faible qualité.
Les TP réduisent de façon significative le taux du critère de jugement secondaire, à savoir l'infection de la plaie/stomatite, de 76 % (RR 0,24 ; IC à 95 % 0,15 à 0,37 ; I² = 0 %, P < 0,00001 ; 12 études ; 936 sujets ; données probantes de qualité moyenne) et le taux de mauvaises cicatrisations de 75 % (RR 0,25 ; IC à 95 % 0,07 à 0,91 ; I² = 86 % ; P = 0,04 ; 6 études ; 789 sujets ; données probantes de faible qualité). On n’a pas observé de preuve d'une différence dans le taux des critères de jugement secondaires qu’étaient les hémorragies majeures (RR 0,70 ; IC à 95 % 0,45 à 1,09 ; I² = 47 % ; P = 0,12 ; 10 études ; 984 sujets ; données probantes de très faible qualité) et l'occlusion/obstruction de la canule de trachéotomie, la décanulation accidentelle et le changement difficile de la canule (RR 1,36 ; IC à 95 % 0,65 à 2,82 ; I² = 22 % ; P = 0,42 ; 6 études ; 538 sujets ; preuves de faible qualité).
Post-édition : Guillaume Pellet--Flandin - Révision : Marion Douay (M2 ILTS, Université de Paris)