Contexte
La plupart des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 18 ans. Commencer à fumer plus tôt dans la vie signifie que le consommateur fumera pendant plus d'années par rapport à une personne ayant commencé à fumer plus tard, ce qui augmente les risques relatifs à la santé. Compte tenu de la grande consommation de tabac chez les jeunes et des mauvais résultats en santé que cela peut entraîner, trouver des moyens de prévenir le tabagisme chez les jeunes est une priorité de santé publique. Une nouvelle approche possible pour prévenir le tabagisme chez les jeunes consiste à utiliser des mesures incitatives, mesures impliquant des récompenses pour les jeunes ou les groupes de jeunes restant non-fumeurs. L'objectif de cette revue était d'évaluer l'effet des mesures incitatives ayant pour objectif de prévenir le tabagisme chez les enfants et les adolescents (âgés de 5 à 18 ans).
Caractéristiques de l'étude
Cet article est une mise à jour d'une revue précédente. La première version a été publiée en 2012 et incluait sept études. Pour cette mise à jour, nous avons recherché de nouvelles études en décembre 2016 et nous en avons trouvé une nouvelle. Cette revue inclut désormais huit essais. Sept de ces essais portaient sur la « Smokefree Class Competition » (SFC), qui a été largement utilisée en Europe. Dans cette compétition, des classes (généralement de jeunes ayant entre 11 et 14 ans) s'engagent à ne pas fumer pendant une période de six mois. Celles-ci rendent régulièrement compte de leur statut tabagique, et si 90 % ou plus des élèves de la classe sont non-fumeurs à la fin des six mois la classe participe à un concours permettant de gagner des prix. Dans le seul essai n'ayant pas testé la SFC, les classes ayant le plus faible pourcentage d'élèves fumeurs à la fin de l'année scolaire recevaient des récompenses.
Principaux résultats
Nous avons évalué les résultats des sept essais portant sur la SFC et nous avons constaté que la compétition n'avait pas eu d'impact significatif sur le choix des jeunes de commencer ou non à fumer. Étant donné qu'il n'y avait qu'un seul essai portant sur une intervention différente de la SFC, nous avons conclu que nous ne disposons pas de suffisamment d'informations pour évaluer si ce programme était efficace pour prévenir le tabagisme chez les jeunes. Les effets négatifs potentiels de la SFC n'ont que peu été étudiés, mais les données disponibles suggèrent que le programme SFC n'a pas d'effets négatifs importants.
Qualité des preuves
Nous avons estimé que la qualité globale des preuves était faible ou très faible, car celle-ci est basée sur un petit nombre d'études, avec des effets imprécis et un risque de biais élevé ou incertain.
Les preuves actuellement disponibles et très limitées suggèrent que les programmes incitatifs ne permettent pas de prévenir l'initiation au tabagisme chez les jeunes. Cependant, il existe relativement peu d'études publiées et celles-ci sont de qualité variable. En outre, les essais inclus dans les méta-analyses portaient tous sur la SFC, une compétition ayant offert de petits et moyens prix à des classes entières, généralement par le biais d'un système de loterie. Il est donc possible que d'autres programmes incitatifs pourraient être plus efficaces pour prévenir l'adoption du tabagisme chez les jeunes.
Les futures études devraient étudier l'efficacité d'un large éventail de mesures incitatives, y compris celles dispensées à des participants individuels afin de prévenir l'adoption du tabagisme, tout en considérant à la fois l'effet des mesures incitatives sur l'initiation au tabagisme et sur la progression jusqu'au tabagisme établi. Il serait utile d'évaluer les incitatifs dans diverses populations d'origines socio-économiques et ethniques différentes, et de décrire en détail les composantes des interventions.
Le tabagisme chez les adultes s'établit généralement durant l'adolescence. Si les individus ne commencent pas à fumer régulièrement pendant cette période il est rare que ceux-ci commencent plus tard. En outre, une fois que le tabagisme s'est établi, le sevrage est difficile ; la probabilité d'arrêter de fumer est inversement proportionnelle à l'âge d'initiation. Une nouvelle approche possible pour réduire la prévalence du tabagisme chez les jeunes consiste à utiliser des mesures incitatives.
Évaluer l'effet des mesures incitatives sur la prévention du tabagisme chez les enfants et les adolescents (âgés de 5 à 18 ans). Nous souhaitions également évaluer, lorsque cela était possible, la relation dose-réponse des mesures incitatives, les coûts des programmes d'incitation, si les mesures incitatives sont plus ou moins efficaces en combinaison avec d'autres interventions visant à prévenir l'initiation au tabagisme, et les éventuelles conséquences imprévues des mesures incitatives.
Dans la revue originale (publiée en 2012), nous avions effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le tabagisme, ainsi que des recherches supplémentaires dans MEDLINE, Embase, CINAHL, dans les bases de données CSA et sur PsycINFO au moyen de termes relatifs aux mesures incitatives, en combinaison avec des termes relatifs au tabagisme et à la consommation de tabac, aux enfants et aux adolescents. Les recherches les plus récentes ont été réalisées dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le tabagisme, et ont été effectuées en décembre 2016.
Nous avons pris en compte les essais contrôlés randomisés (ECR) répartissant des enfants et des adolescents (âgés de 5 à 18 ans), en tant qu'individus, groupes ou collectivités à une intervention ou à des conditions de contrôle, dans lesquels l'intervention incluait une mesure incitative visant à prévenir l'adoption du tabagisme. Nous avons également pris en compte les essais contrôlés (EC) présentant des mesures pré-et post-intervention.
Deux auteurs de la revue ont extrait et évalué les données de manière indépendante. Le critère de jugement principal était le statut tabagique des enfants ou des adolescents n'ayant pas rapporté fumer au début des études lors du suivi. Nous avons exigé un suivi d'au moins six mois par rapport à l'inclusion et évalué chaque étude incluse pour identifier les éventuels risques de biais. Nous avons utilisé la définition la plus rigoureuse de l'abstinence dans chaque essai ; nous n'avons pas exigé de validation biochimique du tabagisme auto-déclaré pour l'inclusion dans la revue. Lorsque cela était possible, nous avons combiné les études éligibles pour calculer les estimations regroupées avec le suivi le plus long, en utilisant la méthode à effets fixes de Mantel-Haenszel, en regroupant les études en fonction de leur plan de conception.
Nous avons identifié trois ECR éligibles et cinq EC, comprenant des participants âgés de 11 à 14 ans et étant non-fumeurs au début des études. Sur les huit essais identifiés, six présentaient des données analysables et pertinentes pour cette revue et ont contribué aux méta-analyses (7275 participants au total : 4003 dans les groupes intervention ; 3272 dans les groupes témoins ; 2484 participants après ajustement pour la conception en grappes). Toutes les études sauf une portaient sur la « Smokefree Class Competition » (SFC) ayant été appliquée à travers l'Europe. Dans cette compétition, des classes de jeunes ayant généralement entre 11 et 14 ans s'engagent à ne pas fumer pendant une période de six mois, et à rendre compte de leur statut tabagique régulièrement. Si 90 % ou plus des élèves de la classe sont non-fumeurs à la fin des six mois, la classe participe à un concours permettant de gagner des prix. La seule étude ne portant pas sur la SFC était un essai contrôlé dans lequel les écoles de deux communautés avaient été assignées à l'intervention, et les écoles d'une troisième communauté avaient fait office de contrôle. Les élèves dans les communautés ayant reçu l'intervention ayant les plus faibles taux de tabagisme à la fin du projet (une année scolaire) avaient ensuite reçu des récompenses.
La plupart des études ont mené à des résultats n'étant pas statistiquement significatifs. Une seule étude portant sur la SFC a rapporté un effet significatif de la compétition sur la prévention du tabagisme lors du suivi le plus long. Toutefois, cette étude présentait de multiples risques de biais, et lorsque nous avons calculé le risque relatif (RR) ajusté nous n'avons plus détecté de différence statistiquement significative. Le RR combiné pour les ECR les plus robustes (3 études, n = 3056 participants / 1107 après ajustement pour la conception en grappes) suggère qu'il n'existe aucun effet statistiquement significatif des mesures incitatives, sous la forme de la SFC, pour prévenir l'initiation au tabagisme chez les enfants et les adolescents sur le long terme (RR 1,00, intervalle de confiance à 95 % (IC) 0,84 à 1,19). Les résultats combinés de ces essais non randomisés n'ont pas détecté un effet significatif de la SFC, et nous n'avons pas été en mesure d'extraire des données sur notre critère de jugement d'intérêt dans le seul essai ne portant pas sur la SFC. Il existe peu de preuves robustes indiquant des conséquences imprévues (telles que des fausses déclarations à propos du statut tabagique ou le harcèlement des élèves fumeurs) systématiquement associées à de telles interventions, bien que rares soient les recherches s'étant intéressées à cette question. Il n'y avait pas suffisamment d'informations pour évaluer la relation dose-réponse ou pour rendre compte des coûts des mesures incitatives pour prévenir l'adoption du tabagisme.
Nous avons jugé les ECR inclus comme étant à risque de biais incertain, et les non-ECR comme étant à risque élevé de biais. En utilisant le système GRADE, nous avons évalué la qualité globale des preuves pour notre principal critère de jugement comme étant « faible » (pour les ECR) et « très faible » (pour les non-ECR), en raison des imprécisions (toutes les études avaient de larges intervalles de confiance), et pour les risques de biais identifiés. Nous avons rabaissé la qualité des preuves ne provenant pas d'ECR en raison de problèmes liés à la conception des études hors-ECR susceptibles d'introduire d'autres biais.
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France