Question de la revue
Notre objectif était de déterminer, entre un plan de traitement tenant compte du peptide natriurétique de type B et une prise en charge dans le cadre d'un plan de suivi cardiaque, lequel était le plus efficace pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque.
Contexte
L’insuffisance cardiaque est une maladie complexe, qui survient lorsque le cœur ne pompe pas le sang assez efficacement pour répondre aux besoins de l’organisme. Causée par différentes maladies qui affectent la structure et la fonction du cœur, elle peut entraîner une dyspnée, de la fatigue et une « rétention d’eau ». Les patients atteints d’insuffisance cardiaque consultent fréquemment les médecins généralistes et les hôpitaux et sont en particulier souvent hospitalisés. En outre, ils ont une espérance de vie réduite, bien que des médicaments et d’autres traitements puissent améliorer leur chance de survie.
Le peptide cérébral natriurétique ou peptide natriurétique de type B (BNP) est une substance produite dans le cœur, dont la mesure peut être utilisée pour évaluer l’état de celui-ci. Il est utilisé depuis quelque temps pour diagnostiquer l’insuffisance cardiaque et prédire son évolution. Nous avons cherché à savoir s'il pouvait aussi permettre de gérer et d’optimiser le traitement médicamenteux.
Sélection et caractéristiques des études
Nous avons réalisé une revue de toutes les études et les données probantes sont à jour à la date du 15 mars 2016. Nous avons trouvé 18 études de traitement tenant compte du peptide natriurétique, auxquelles 3660 patients insuffisants cardiaques avaient participé. Ces patients étaient âgés de 62 à 80 ans au début de l’étude. La durée de chaque étude variait de 1 à 54 mois.
Huit des 18 études avaient été financées, intégralement ou partiellement, par des laboratoires pharmaceutiques, une autre par un organisme national de recherche, cinq partiellement financées par des bourses nationales de recherche, des loteries, des fonds hospitaliers et/ou des laboratoires pharmaceutiques, et quatre études n’ont pas rendu compte de leur source de financement.
Principaux résultats
Les données probantes ne montrent pas clairement si le nombre de décès toutes causes confondues variait entre les patients insuffisants cardiaques traités en tenant compte du BNP et traités suivant un plan de suivi cardiaque seul. De même, il n’était pas clair qu’il y ait eu moins de décès lorsque les résultats étaient divisés en groupes d’âge de plus et moins de 75 ans (trois études seulement donnaient des résultats par âge). En outre, nous avons trouvé que les données probantes n’indiquaient pas clairement si le nombre de décès dus à une insuffisance cardiaque seule était différent entre les groupes de traitement tenant compte du BNP et de plan de suivi seul.
Nous avons constaté que les hospitalisations dues à l’insuffisance cardiaque étaient peut-être réduites chez les patients utilisant un plan de traitement tenant compte du BNP par rapport au plan de suivi seul. Sur la base de ces résultats, nous nous attendions à ce que, sur 1000 patients insuffisants cardiaques suivant seulement un plan de suivi, 377 soient hospitalisés en raison de l’insuffisance cardiaque, tandis qu’entre 230 et 301 patients seraient hospitalisés s’ils bénéficiaient d’un traitement tenant compte du BNP. Cependant, les données probantes n’indiquaient pas clairement si le nombre d’hospitalisations de toute origine était affecté.
Il n’y avait que peu d’informations sur les effets délétères pour les patients ou sur le coût du traitement. Il n’a pas été possible de combiner les résultats de ces études pour ces critères d’évaluation. Cependant, quatre des six études ont indiqué n’avoir trouvé aucune différence dans les effets indésirables ou moins de différence entre les patients utilisant un plan de traitement tenant compte du BNP et un plan de suivi cardiaque seul, et les deux autres études n’ont pas fait de commentaire à ce sujet. Quatre études rapportaient des résultats sur les coûts, dont trois indiquant que le coût pourrait être inférieur dans le groupe de traitement tenant compte du BNP par rapport aux groupes de plan de suivi. Il semble que la réduction des coûts ait été due à la diminution des frais liés aux hospitalisations. Cependant, une étude a rapporté que le traitement tenant compte du BNP avait peu de chances d’être économique.
Les données probantes n’indiquent pas clairement si un bénéfice ressort des réponses aux enquêtes de qualité de vie dans la comparaison entre les groupes de traitement tenant compte du BNP et de plan de suivi cardiaque seul.
Qualité des données probantes
Globalement, les données de mortalité toutes causes confondues, de mortalité due à l’insuffisance cardiaque seule et d’hospitalisation étaient de mauvaise qualité, de même que les données concernant les paramètres d’effets indésirables et de coût, et les données relatives aux enquêtes de qualité de vie des patients étaient de très mauvaise qualité. Dans l’ensemble, les données probantes étaient peu abondantes pour tous les critères d’évaluation en raison de la manière dont les études ont été réalisées. De plus, les types d’informations concernant le préjudice pour les patients et le coût du traitement étaient variables.
Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque, des données de mauvaise qualité ont montré une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque avec le traitement tenant compte du BNP, alors que des données de mauvaise qualité ont montré une incertitude dans l’effet de ce traitement sur la mortalité toutes causes confondues, la mortalité par insuffisance cardiaque et les hospitalisations toutes causes confondues. L’incertitude de l’effet a été confirmée par d’autres données de très mauvaise qualité concernant la qualité de vie des patients. Les données sur les événements indésirables et le coût du traitement étaient de mauvaise qualité et nous n’avons pas été en mesure de combiner les résultats.
L’insuffisance cardiaque est une maladie dans laquelle le cœur ne pompe pas assez de sang pour satisfaire tous les besoins de l’organisme. Ses symptômes incluent un essoufflement, de la fatigue et une « rétention d’eau ». Son évolution est très variable mais le pronostic est souvent mauvais. Il peut être amélioré par un diagnostic précoce et un traitement médical approprié, l’utilisation d’appareils et la transplantation. Les patients insuffisants cardiaques utilisent beaucoup de ressources de santé, en raison non seulement des médicaments et appareils utilisés pour leur traitement, mais aussi du coût élevé des soins en hospitalisation. Le taux de facteur natriurétique de type B (facteur natriurétique cérébral, BNP), déjà utilisé comme biomarqueur pour le diagnostic et le pronostic de l’insuffisance cardiaque, pourrait être un moyen d’orienter le traitement médicamenteux. Il permettrait ainsi d’optimiser le traitement des patients insuffisants cardiaques, tout en réduisant les inquiétudes liées aux possibles intolérances médicamenteuses.
Évaluer si un traitement tenant compte du suivi du peptide natriurétique cérébral PN (BNP ou NT-proBNP) améliore les résultats par rapport à un traitement basé sur l’évaluation clinique seule.
Nous avons effectué des recherches jusqu’au 15 mars 2016 dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) dans la Bibliothèque Cochrane, MEDLINE (OVID), EMBASE (OVID), la Base de données de résumés de revue des effets (DARE) et la Base de données d’évaluations économiques du NHS dans la Bibliothèque Cochrane, ainsi que dans le Science Citation Index Expanded, l’Index des citations d’actes de conférences dans le Web of Science (Thomson Reuters), le registre international des essais cliniques de l’OMS et ClinicalTrials.gov. Nous n’avons appliqué aucune restriction de date ou de langue.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés portant sur le traitement de l’insuffisance cardiaque tenant compte du BNP en comparaison avec un traitement basé sur l’évaluation clinique seule, sans aucune limite de suivi. Nous avons inclus les adultes traités pour une insuffisance cardiaque en milieu hospitalier et en dehors de l’hôpital et les essais rapportant un critère d'évaluation clinique.
Deux auteurs de la revue ont sélectionné les études à inclure, extrait les données et évalué le risque de biais indépendamment. Les risques relatifs (RR) ont été calculés pour les données dichotomiques et des différences moyennes (DM) groupées (avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %) ont été calculées pour les données continues. Nous avons contacté les auteurs des essais pour obtenir les données manquantes. Nous avons évalué les données suivant la méthode GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) et utilisé le logiciel GRADEpro pour importer les données à partir de Review Manager et créer un tableau récapitulatif des résultats.
Nous avons inclus 18 essais contrôlés randomisés portant sur 3660 participants (âge moyen : de 57 à 80 ans) et comparant le traitement tenant compte du BNP à l'évaluation clinique seule. Les données de mortalité toutes causes confondues en relation avec le traitement tenant compte du BNP ont montré une incertitude (RR 0,87, IC à 95 % de 0,76 à 1,01 ; 3169 patients, 15 études ; données de mauvaise qualité), de même que les données de mortalité par insuffisance cardiaque (RR 0,84, IC à 95 % de 0,54 à 1,30 ; 853 patients, 6 études ; données de mauvaise qualité).
Les données suggéraient que le traitement tenant compte du BNP réduisait les hospitalisations dues à l'insuffisance cardiaque (38 % contre 26 %, RR 0,70, IC à 95 % de 0,61 à 0,80 ; 1928 patients, 10 études ; données de mauvaise qualité), mais elles ont aussi montré une incertitude pour les hospitalisations toutes causes confondues (57 % contre 53 %, RR 0,93, IC à 95 % de 0,84 à 1,03 ; 1142 patients, 6 études ; données de mauvaise qualité).
Six études ont rapporté des données sur les événements indésirables ; cependant, les résultats n'ont pas pu être combinés (1144 patients ; données de mauvaise qualité). Seules quatre études ont fourni des résultats pour les coûts de traitement ; trois de celles-ci ont rapporté un plus faible coût pour le traitement tenant compte du BNP, tandis que la dernière rapportait un coût plus élevé (les résultats n’ont pas été combinés ; 931 patients, données de mauvaise qualité). Les données probantes ont montré une incertitude pour les données de qualité de vie (DM -0,03, IC à 95 % de -1,18 à 1,13 ; 1812 patients, 8 études ; données de très mauvaise qualité).
Nous avons réalisé une évaluation du risque de biais pour toutes les études. L’impact du risque de biais résultant de l’absence de mise en aveugle de l’évaluation des résultats et d’une forte attrition a été examiné en restreignant les analyses aux seules études à faible risque de biais.
Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France