Question de la revue
Estimer la différence entre les taux de guérison des deux traitements, et identifier les facteurs qui peuvent améliorer ou réduire le taux de guérison pour les deux traitements.
Contexte
L'ulcère et le cancer gastrique sont principalement causés par une infection par la bactérie Helicobacter pylori, un micro-organisme nuisible capable de coloniser l'estomac humain. Les données publiées semblent indiquer que cette bactérie est présente chez près de la moitié de la population mondiale. La colonisation bactérienne conduit à une infection chronique qui, au fil du temps, pourrait modifier le fonctionnement de l'estomac, la structure des tissus, voire le cycle cellulaire, produisant ainsi une grande variété de symptômes et de maladies.
Bien que ce micro-organisme puisse parfois être traité aux antibiotiques traditionnels, il est fortement résistant au traitement, et dans un pourcentage élevé de cas, il peut survivre la plupart des thérapies simples et doubles. Différentes combinaisons d'antibiotiques ont donc été utilisées, et le meilleur traitement n'est toujours pas clair. Le traitement le plus couramment recommandé est la trithérapie standard, contenant deux antibiotiques (la clarithromycine et un nitroimidazole ou l'amoxicilline) et un protecteur de l'estomac (l'oméprazole). Cependant, plusieurs études ont démontré que la trithérapie échoue dans plus d'un cas sur cinq, de sorte que les investigateurs ont proposé de la remplacer par un traitement quadruple séquentiel sans bismuth (SEQ), comprenant une première phase avec une double thérapie (amoxicilline et oméprazole), suivie d'une phase de trithérapie (nitroimidazole, clarithromycine et oméprazole).
Caractéristiques de l'étude
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données électroniques et les résumés de conférences pour identifier des études pertinentes. Nous avons inclus 44 études qui testaient et comparaient les taux de guérison de la thérapie SEQ par rapport à la trithérapie. Notre revue couvre les recherches jusqu'en avril 2015.
Principaux résultats
La revue indique qu'avant 2008 le taux de guérison du traitement SEQ était plus élevé que celui de la trithérapie. Cependant, le taux de guérison des deux traitements est plus faible que nous l'aurions souhaité. La revue a trouvé que l'efficacité dépendait de plusieurs facteurs, notamment la région géographique de l'étude, la résistance bactérienne, et la date de l'étude. Par exemple, nous avons constaté une réduction du taux de guérison au fil du temps dans les deux traitements, avec une réduction plus forte pour le traitement SEQ. Dans les études publiées après 2008, le traitement SEQ n'était pas plus efficace que la trithérapie lorsqu'ils étaient tous les deux administrés pendant 10 jours.
Les données probantes recueillies et combinées dans cette revue ne permettent pas de recommander l'utilisation de la thérapie SEQ, comme son efficacité peut être égalée et même améliorée par de meilleures trithérapies (administrées pendant 10 ou 14 jours, ou avec une forte inhibition de l'acide). Les résultats pour le traitement SEQ n'étaient que partiellement positifs. Nous avons besoin de trouver une autre forme de thérapie pour fournir le meilleur traitement aux patients.
Qualité des données probantes
Les études incluses dans cette revue étaient de qualités inégales, mais nos analyses ne suggèrent pas que la qualité de l'étude ait une influence sur les taux de guérison.
Notre méta-analyse indique qu'antérieurement à 2008 le traitement SEQ était plus efficace que la trithérapie, en particulier lorsque celle-ci était administrée pour seulement sept jours. Néanmoins, l'avantage apparent du traitement séquentiel a diminué au fil du temps, et des études plus récentes ne montrent pas une plus grande efficacité du traitement SEQ par rapport à la trithérapie lorsqu'elle est administrée pendant 10 jours.
Sur la base des résultats de cette méta-analyse, bien que le traitement SEQ offre un avantage par rapport à la trithérapie, il ne peut être présenté comme une alternative valable, étant donné que ni le traitement SEQ ni la trithérapie n'ont atteint une efficacité optimale (≥ 90 % de taux d'éradication).
La quadrithérapie séquentielle sans bismuth (SEQ), qui comprend une première phase d'induction avec un double schéma posologique d'amoxicilline et d'un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) pendant cinq jours, suivie d'une phase avec un schéma posologique triple d'IPP, de clarithromycine et de métronidazole pendant cinq jours, a été proposée comme une nouvelle option de traitement de première ligne pour remplacer la trithérapie standard comprenant un inhibiteur de la pompe à protons (IPP), de la clarithromycine et de l'amoxicilline, pour laquelle les taux d'éradication ont baissé à des niveaux insatisfaisants.
Effectuer une méta-analyse des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant l'efficacité d'un schéma posologique SEQ avec la trithérapie standard pour l'éradication d'H. pylori, et comparer l'incidence des effets indésirables associés aux deux thérapies d'éradication d'H. pylori, trithérapie et traitement SEQ.
Nous avons effectué des recherches bibliographiques dans des bases de données électroniques, ainsi que des recherches manuelles dans les résumés de conférences jusqu'en avril 2015.
Nous avons recherché des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant des traitements SEQ de 10 jours et des trithérapies (d'au moins sept jours) pour l'éradication d'H. pylori. Les participants étaient des adultes et des enfants diagnostiqués positifs pour une infection parH. pyloriet naïfs de traitement contre l'infection parH. pylori.
Nous avons utilisé un tableau récapitulatif préétabli pour recueillir des informations démographiques et médicales des participants à l'étude, ainsi que des données thérapeutiques et les informations relatives au diagnostic et aux tests de confirmation.
Nous avons évalué la différence d'éradication en intention de traiter entre les schémas thérapeutiques SEQ et trithérapie dans les différentes études, et évalué les sources d'hétérogénéité de la différence de risques (DR) en utilisant des analyses en sous-groupes.
Nous avons évalué la qualité des données probantes selon les normes de Cochrane, et résumé selon la méthodologie GRADE.
Nous avons inclus 44 ECR avec un total de 12 284 participants (6042 en SEQ et 6242 en trithérapie). Dans l'ensemble, l'analyse a montré que SEQ était significativement plus efficace que la trithérapie (82 % contre 75 % dans l'analyse en intention de traiter ; DR 0,09, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,06 à 0,11 ; P < 0,001, preuves de qualité modérée). Les résultats étaient très hétérogènes (I ² = 75 %), et 20 études ne mettaient pas en évidence de différences entre les traitements.
L'analyse des données par région géographique (DR 0,09, IC à 95 % de 0,06 à 0,12 ; les études = 44 ; I ² = 75 %, basés sur des preuves de faible qualité) a montré que les différences entre SEQ et trithérapie étaient plus importantes en Europe (DR 0,16, IC à 95 % de 0,14 à 0,19) par rapport à en Asie, en Afrique, ou en Amérique du Sud. Les études européennes ont également montré une efficacité légèrement supérieure pour SEQ ; cependant, cette tendance était inversée dans 33 % des études asiatiques. C'est en Afrique qu'est rapportée la différence de risque (DR 0,14, IC à 95 % de 0,07 à 0,22) la plus proche de celle de l'Europe parmi les régions étudiées, mais aves des intervalles de confiance plus grands et par conséquent la qualité des preuves montrant une supériorité de SEQ par rapport à la trithérapie a été réduite pour cette région.
Sur la base de preuves de qualité élevée, des analyses en sous-groupes ont montré que la trithérapie était équivalente au traitement SEQ lorsqu'elle durait 14 jours. Bien que, dans l'ensemble, la proportion d'éradication moyenne avec SEQ était supérieure à 80 %, nous avons observé une tendance à un effet moyen plus faible avec ce schéma thérapeutique dans les études les plus récentes (après 2008) ; une régression pondérée linéaire a montré que l'efficacité de ces deux schémas évoluait différemment au fil des années, avec une plus forte diminution de l'efficacité du traitement SEQ chaque année (-1,72 %) par rapport à la trithérapie (-0,9 %). Dans les études plus récentes (après 2008), nous avons également été incapables de détecter une supériorité de SEQ par rapport à la trithérapie lorsque cette dernière était administrée pendant 10 jours.
Sur la base de preuves de très faible qualité, des analyses en sous-groupes sur la résistance aux antibiotiques ont montré que la plus grande différence en termes d'efficacité entre SEQ et trithérapie était dans l'analyse en sous-groupe basée sur les patients porteurs de souches résistantes à la clarithromycine, pour lesquels le traitement SEQ atteint une efficacité moyenne de 75 % contre 43 % avec la trithérapie.
Le compte-rendu des événements indésirables (EI) (DR 0,00, IC à 95 % de -0,02 à 0,02 ; les participants = 8103 ; les études = 27 ; I ² = 26 %, basés sur des preuves de qualité élevée) n'a montré aucune différence significative entre le traitement SEQ et la trithérapie (20,4 % contre 19,5 %, respectivement), et les résultats étaient homogènes.
La qualité des études était limitée en raison d'un manque de déclaration systématique des facteurs affectant les risques de biais. Bien que la randomisation ait été signalée, sa méthodologie (par exemple, les algorithmes, le nombre de blocs) n'était pas spécifiée dans plusieurs études. En outre, les autres domaines de risque de biais (tels que l'assignation secrète de la séquence de randomisation, ou la mise en aveugle pendant l'exécution ou l'évaluation des résultats) n'ont eux aussi pas été rapportés.
Cependant, des analyses en sous-groupe ainsi que des analyses de sensibilité ou des graphiques en entonnoir ont indiqué que les résultats des traitements n'étaient pas influencés par la qualité des études incluses. En revanche, nous avons évalué que la durée de la trithérapie et les événements indésirables pour le principal critère de jugement présentaient des preuves de bonne qualité selon la classification GRADE ; mais nous avons rabaissé la qualité des preuves de la date de publication à modérée, et la qualité des preuves de la région géographique et de la résistance aux antibiotiques à faible et très faible, respectivement.
Traduction réalisée par Sophie Fleurdépine et révisée par Cochrane France