Problématique de la revue
Quelle est l'efficacité et l'innocuité de l'isotrétinoïne, prise sous forme de comprimés pour les personnes atteintes d'acné ? Nous avons examiné les données probantes sur les effets de l'isotrétinoïne administrée à doses variables, ou par rapport à un placebo (traitement identique mais inactif) ou à d'autres traitements systémiques (médicaments oraux ou injectables agissant sur tout le corps) ou locaux (appliqués sur l'extérieur du corps). Pour être éligibles, il fallait que les participants aient reçu du médecin un diagnostic d'acné.
Contexte
L'acné est une maladie inflammatoire persistante qui peut toucher plus de 80 % des adolescents. L'acné (y compris les points noirs, les points blancs et les boutons) apparaît principalement sur le visage, mais peut aussi apparaître sur le dos et la poitrine. Les problèmes de santé mentale, la dépression et les pensées suicidaires ont été associés à l'acné. L'isotrétinoïne, un traitement dérivé de la vitamine A et qui est actuellement largement utilisé, a transformé le traitement de l'acné. Cependant, elle peut causer des effets indésirables et a été associée à des événements psychiatriques encore incertains et à des maladies inflammatoires de l'intestin.
Caractéristiques des études
Nous avons consulté la littérature médicale jusqu'en juillet 2017 et avons inclus 31 études, impliquant 3836 patients externes en dermatologie dans le monde entier. Il y avait deux fois plus d'hommes que de femmes ; leur âge variait de 12 à 55 ans. Le niveau de gravité de l'acné variait de légère à sévère, cependant la plupart des participants souffraient d’acné sévère.
L'industrie pharmaceutique a financé 12 études parmi celles incluses.
Nous avons trouvé des études qui ont comparé l'isotrétinoïne orale à un placebo ou à d'autres traitements comme les antibiotiques. De plus, différentes doses, posologies (traitement médical) ou formules d'isotrétinoïne par voie orale ont été évaluées, ainsi que l'isotrétinoïne par voie orale combinée avec des agents topiques.
Résultats principaux
Trois études ont comparé l'isotrétinoïne à tout antibiotique oral et à tout agent topique administré aux participants atteints d'acné modérée ou grave pendant 20 à 24 semaines. Leurs critères de jugement ont été mesurés immédiatement après l'arrêt du traitement.
Aucune différence n’a été constatée entre les traitements concernant la diminution du nombre de lésions inflammatoires (une région d'un organe ou d'un tissu endommagée par une maladie ou un traumatisme). Chez l'un des participants, l'isotrétinoïne a entraîné l'apparition du syndrome de Stevens-Johnson (une maladie grave où la peau réagit de façon sévère, souvent suite à la prise de médicaments) ; dans l'autre groupe, aucun effet secondaire grave n'a été observé. Toutefois, nous avons des doutes sur ces résultats parce qu'ils étaient fondés sur des données probantes de très faible qualité.
Lorsqu'elle est évaluée par un médecin, la gravité de l'acné peut être légèrement améliorée par l'isotrétinoïne, mais elle peut causer plus d’effets secondaires moins graves (notamment une inflammation des lèvres, une peau sèche ou des nausées) (données probantes de faible qualité).
Quatorze études ont comparé l'isotrétinoïne orale à différentes doses/posologies sur une période variant entre 12 et 32 semaines. Les participants présentaient principalement une acné sévère ou modérée.
Deux études, comparant chacune trois doses différentes d'isotrétinoïne à 20 semaines, ont révélé une amélioration plus importante (mesurée par le nombre de lésions inflammatoires) avec la dose plus élevée (données probantes de faible qualité). Une troisième étude a montré qu'une faible dose continue (quotidienne) et une dose conventionnelle continue (quotidienne) peuvent améliorer l'acné davantage que le traitement intermittent, mesuré à 24 semaines (preuves de faible qualité). La dose conventionnelle d'isotrétinoïne a permis de réduire le nombre de lésions inflammatoires davantage que la faible dose, mais cette réduction était fondée sur des données probantes de très faible qualité, donc incertaines.
Dans 14 études ayant analysé les effets de l’isotrétinoïne à différentes doses, il n'est survenu aucun effet secondaire grave que ce soit au cours du traitement (de 12 à 32 semaines) ou du suivi après la fin du traitement (jusqu'à 48 semaines) (données probantes de faible qualité). La gravité de l'acné mesurée par le médecin n'a pas été évaluée dans cette comparaison. Des effets secondaires moins graves, notamment la sécheresse cutanée, la perte de cheveux et les démangeaisons, ont été évalués dans 13 études, mais nous ne savons pas s'il y avait des différences entre les groupes (données probantes de qualité faible à très faible, selon l'évaluation).
Aucune étude n'a signalé de malformations congénitales.
Qualité des données probantes
La qualité globale des données probantes pour tous nos principaux critères de jugement était faible, en raison des limites importantes dans la conception des études et de la quantité limitée de données. Par conséquent, nous ne sommes pas certains des effets de l'isotrétinoïne orale sur les personnes atteintes d'acné.
Les données probantes étaient de faible qualité pour la plupart des critères de jugement évalués.
La diminution du nombre total de lésions inflammatoires ne nous permet pas de savoir de façon certaine si l’isotrétinoïne améliore la gravité de l’acné par rapport aux antibiotiques oraux et aux traitements locaux standards, mais elle pourrait légèrement améliorer la gravité de l'acné telle qu’évaluée par un médecin. Un seul évènement indésirable grave a été signalé dans le groupe ayant reçu un traitement par isotrétinoïne, ce qui signifie que nous ne connaissons pas vraiment le risque d'effets indésirables graves ; cependant, l'isotrétinoïne peut provoquer des effets indésirables plus mineurs.
L'hétérogénéité des études comparant différentes posologies, doses ou formules d'isotrétinoïne orale ne nous a pas permis d’effectuer une méta-analyse. Un traitement quotidien peut être plus efficace qu'un traitement d'une semaine par mois. Aucune des études utilisées pour cette comparaison n'a fait état d'effets indésirables graves ou de mesures d’une amélioration de la gravité de l'acné, déterminée par l'évaluation globale du médecin. Nous ne savons pas s'il y a une différence entre les doses/posologies quant aux nombre d'effets indésirables mineurs, comme le dessèchement de la peau.
La qualité des données probantes s'est amoindrie en raison de la présence d’imprécisions et de biais d'attrition. Des études complémentaires devraient garantir des comptes rendus clairs d’évaluations standardisées à court et à long terme de l'amélioration du nombre total de lésions inflammatoires, des critères de jugement déclarés par les participants ainsi que des comptes rendus clairs et complets concernant l’innocuité. L'isotrétinoïne orale pour l'acné résistante aux antibiotiques oraux et aux agents topiques doit faire l'objet d'une évaluation plus approfondie, il en va de même pour les différentes doses/posologies d'isotrétinoïne orale pour traiter l’acné, tous degrés de gravité confondus.
L'acné vulgaire, une maladie inflammatoire chronique de l'unité pilo-sébacée associée à des problèmes de socialisation et de santé mentale, peut toucher plus de 80% des adolescents. L'isotrétinoïne est le seul médicament qui cible tous les principaux facteurs de causalité de l'acné ; toutefois, elle peut entraîner des effets indésirables.
Évaluer l'efficacité et l'innocuité de l'isotrétinoïne par voie orale pour le traitement de l'acné vulgaire.
Jusqu'en juillet 2017, nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes : le registre spécialisé du Groupe Cochrane sur la peau, CENTRAL, MEDLINE, Embase, PsycINFO et LILACS. Nous avons mis à jour cette recherche en mars 2018, mais ces résultats n'ont pas encore été incorporés dans la présente revue. Nous avons également effectué des recherches dans cinq registres d'essais cliniques, vérifié les listes de références d'études extraites pour trouver d'autres références à des essais cliniques pertinents et effectué des recherches manuelles dans les actes de conférences en dermatologie. Une recherche distincte sur les effets indésirables de l'isotrétinoïne par voie orale a été entreprise dans MEDLINE et Embase jusqu'en septembre 2013.
Essais cliniques contrôlés randomisés (ECR) examinant les effets de l’isotrétinoïne par voie orale administrée à des participants ayant reçu un diagnostic clinique d’acné, par rapport à ceux d’un placebo, de tout autre traitement actif systémique ou local, ou en faisant varier la formule, les doses, les posologies, ou la durée du traitement.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standards prévues par Cochrane.
Nous avons inclus 31 ECR, totalisant 3 836 participants (de 12 à 55 ans) atteints d'acné légère à sévère. Il y avait deux fois plus d'hommes que de femmes.
La plupart des études ont été menées en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. Les résultats ont généralement été mesurés sur une période de traitement allant de huit à 32 semaines (19,7 semaines en moyenne).
Les comparaisons évaluées comprenaient l'isotrétinoïne par voie orale par rapport à un placebo ou à d'autres traitements comme les antibiotiques. De plus, différentes doses, posologies ou formules d'isotrétinoïne par voie orale ont été évaluées, de même que l'isotrétinoïne par voie orale en complément d'agents topiques.
Les compagnies pharmaceutiques ont financé 12 essais cliniques parmi ceux inclus. Toutes les études, sauf trois d’entre elles, présentaient un risque élevé de biais dans au moins un domaine.
Isotrétinoïne orale comparée aux antibiotiques oraux en combinaison avec des agents topiques
Ces études comprenaient des participants atteints d'acné modérée ou sévère et ont évalué les critères de jugement immédiatement après 20 à 24 semaines de traitement (à court terme). Trois études (400 participants) ont démontré que l'isotrétinoïne ne fait aucune différence pour ce qui est de la diminution du nombre de lésions inflammatoires évaluées par les investigateurs de l'étude (RR 1,01 95 % IC 0,96 à 1,06), un seul effet indésirable grave ayant été observé, soit le syndrome de Stevens-Johnson dans le groupe isotrétinoïne (RR 3,00, IC 95 % 0,12 à 72,98). Toutefois, nous avons des doutes quant à ces résultats, car ils sont fondés sur des données probantes de très faible qualité.
L'isotrétinoïne pourrait légèrement améliorer (de 15 %) la gravité de l'acné, selon l'évaluation globale du médecin (RR 1,15, IC 95 %, 1,00 à 1,32 ; 351 participants ; 2 études), mais a entraîné davantage d’effets indésirables moins graves (67 % de risque plus élevé) (RR 1,67, IC 95 %, 1,42 à 1,98 ; 351 participants ; 2 études), comme des lèvres ou une peau sèche, une chéilite, des vomissements ou des nausées (données probantes de faible qualité pour ces deux critères de jugement).
Différentes doses/posologies d'isotrétinoïne par voie orale
En ce qui concerne notre principal critère d’évaluation de l'efficacité, nous avons trouvé trois ECR, mais l'hétérogénéité nous a empêchés de procéder à une méta-analyse. Une étude (154 participants) a fait état d’une diminution de 79 %, 80 % et 84 % du nombre total de lésions inflammatoires après 20 semaines de 0,05, 0,1 ou 0,2 mg/kg/jour d'isotrétinoïne orale pour l'acné sévère (données probantes de faible qualité). Les effets de 0,1, 0,5 et 1 mg/kg/jour d'isotrétinoïne par voie orale ont été comparés dans une autre étude (150 participants, acné sévère) pendant 20 semaines et a permis de réduire de 95 % le nombre total des lésions inflammatoires chez, respectivement, 58 %, 80 % et 90 % des participants. Les effets de : (a) une faible dose continue (0,25 à 0,4 mg/kg/jour), (b) une dose conventionnelle continue (0,5 à 0,7 mg/kg/jour) et (c) une posologie intermittente (0,5 à 0,7 mg/kg/jour, pendant une semaine par mois) d’isotrétinoïne ont été comparés pendant 24 semaines dans un ECR portant sur des participants atteints d'acné modérée. La faible dose continue (DM 3,72 lésions ; IC à 95 % : 2,13 à 5,31 ; 40 participants ; une étude) et la dose conventionnelle (DM 3,87 lésions ; IC à 95 % : 2,31 à 5,43 ; 40 participants ; une étude) ont fait diminuer davantage le nombre de lésions inflammatoires que le traitement intermittent (tous les critères de jugement, données probantes de faible qualité).
D’après quatorze ECR (906 participants, acné sévère et modérée), aucun évènement indésirable grave n'a été observé lors de la comparaison de différentes doses/posologies thérapeutiques d'isotrétinoïne orale pendant le traitement (de 12 à 32 semaines) ou lors du suivi après la fin du traitement (jusqu'à 48 semaines). Treize ECR (858 participants) ont analysé la fréquence des effets indésirables moins graves, notamment la sécheresse cutanée, la perte de cheveux et les démangeaisons, mais l'hétérogénéité de l'évaluation des critères de jugement n’a pas permis la mise en commun des données ; il existe donc une incertitude quant aux résultats (données probantes de qualité faible à très faible, selon l'évaluation).
Les améliorations au niveau de la gravité de l'acné, déterminées par l'évaluation globale du médecin, n'ont pas été mesurées lors de cette comparaison.
Aucun des ECR inclus n'a signalé de malformations congénitales.
Traduction réalisée par Cochrane France.