L'électrocoagulation (courant électrique à haute fréquence) appliquée localement peut-elle détruire le cancer s’étant propagé au foie ?
Contexte
Lorsque le cancer se propage à d'autres endroits du corps, l'un des sites les plus courants est le foie. Outre le cancer du foie (cancer primaire ou cancer primitif du foie), les métastases hépatiques (nouveaux cancers se développant dans des parties du corps autres que le cancer primitif) du cancer colorectal sont les cancers les plus courants affectant le foie. Plus de la moitié des personnes dont le cancer s'est propagé au foie meurent de complications. Les métastases dans le foie peuvent être détruites par plusieurs méthodes différentes, parmi lesquelles l'électrocoagulation par thermopénétration. Cette méthode exige qu'une électrode spéciale soit placée sur le site du cancer ou à proximité. L'électrode est utilisée pour transmettre des courants électriques à haute fréquence, qui génèrent des températures élevées. Cela provoque la coagulation des protéines dans les tissus, ce qui les détruit. L'électrode est positionnée en incisant dans l'abdomen par laparotomie (chirurgie ouverte) ou laparoscopie (chirurgie mini-invasive ).
Méthodes
Nous avons recherché des essais cliniques randomisés évaluant l'effet de l'électrocoagulation par thermopénétration, administrée seule ou avec une autre intervention, par rapport à l'absence d'intervention ou à tout autre traitement, chez les personnes atteintes d'un cancer, quelle que soit sa localisation, s’étant étendu au foie. Nous avons examiné l'effet de l'électrocoagulation sur le risque de décès, la qualité de vie, les événements indésirables (effets non désirés causés par l'intervention), le temps de survie avant le décès, l'échec d’élimination des métastases hépatiques ou la récidive des métastases hépatiques, le délai avant progression des métastases hépatiques et la réponse tumorale.
Caractéristiques des études
Notre dernière recherche date du 6 octobre 2020. Nous n'avons identifié qu'un seul essai clinique randomisé. L'essai a réparti les participants au hasard entre quatre groupes d'intervention : électrocoagulation (par thermopénétration) seule ; électrocoagulation associée avec le diméthylesulfoxyde ; électrocoagulation associée avec l’allopurinol ; par rapport à un groupe témoin, qui n'a reçu qu'une solution d'allopurinol par voie orale. Le traitement a commencé le cinquième jour après l'ablation chirurgicale du côlon sigmoïde (dernière section de l'intestin), et les participants ont été suivis pendant cinq ans. L'essai comprenait 306 participants, mais des données n'ont été collectées que sur 223 participants.
Principaux résultats
Sur la base d'un essai clinique randomisé, à haut risque de biais et avec peu de participants, nous n’avons pas trouvé suffisamment des données probantes permettant de détecter si l'électrocoagulation par thermopénétration seule, par rapport à une solution d'allopurinol (groupe témoin), faisait une différence dans le risque de décès et de mort postopératoire chez les personnes ayant des métastases hépatiques dues au cancer du côlon ; l'électrocoagulation associée avec l'allopurinol ou au diméthylsulfoxyde pourrait légèrement diminuer le risque de décès par rapport à l'intervention témoin, mais les données probantes sont également insuffisantes et incertaines. Nous ne savons pas s'il existe une différence de mortalité postopératoire entre l'électrocoagulation associée avec l’allopurinol ou au diméthylsulfoxyde par rapport à l'intervention témoin. Les données sur les autres événements indésirables et complications, la récidive des métastases hépatiques, le délai avant progression des métastases hépatiques, la réponse tumorale et la qualité de vie liée à la santé étaient soit manquantes soit insuffisantes pour l'analyse.
Niveau de confiance des données probantes
Nous avons jugé que les données probantes étaient d’un niveau de confiance faible à très faible car l’essai n'était pas correctement mené, l’exposant à un risque élevé de biais concernant la fiabilité des données obtenues. L'essai comprenait un nombre relativement restreint de participants et a décrit globalement peu d'événements. Les résultats rapportés étaient insuffisants car seuls quelques critères de jugement d'intérêt pour les personnes atteintes de métastases hépatiques et leurs médecins ont été rapportés.
L'électrocoagulation par thermopénétration n'est plus utilisée de la manière décrite dans l'essai car elle a été remplacée par d'autres techniques. Cela pourrait expliquer l'absence de nouveaux essais.
Les données probantes des bénéfices et risques de l'électrocoagulation seule ou en association avec l'allopurinol ou au diméthylsulfoxyde chez les personnes présentant des métastases hépatiques sont insuffisantes, car elles sont basées sur un essai contrôlé randomisé dont le niveau de confiance est faible à très faible.
Il est très incertain s'il existe une différence de mortalité toutes causes confondues et de mortalité postopératoire entre l'électrocoagulation seule et le groupe témoin. Il n'est pas non plus certain que l'électrocoagulation en association avec l'allopurinol ou au diméthylsulfoxyde puisse entraîner une légère réduction de la mortalité toutes causes confondues par rapport à une solution d'allopurinol (groupe témoin). Il est très incertain qu'il y ait une différence dans la mortalité postopératoire entre l'électrocoagulation associée avec l’allopurinol ou au diméthylsulfoxyde et le groupe témoin. Les données sur les autres événements indésirables et complications, l'échec d’élimination des métastases hépatiques ou la récidive des métastases hépatiques, le délai avant la progression des métastases hépatiques, les mesures de la réponse tumorale et la qualité de vie liée à la santé étaient manquantes ou insuffisamment rapportées pour être analysées.
L'électrocoagulation par diathermie n'est plus utilisée de la manière décrite, ce qui pourrait expliquer l'absence d'autres essais.
Les tumeurs primitives du foie et les métastases hépatiques provenant d'un carcinome colorectal sont deux des tumeurs malignes les plus courantes affectant le foie. Le foie est, après les ganglions lymphatiques, le site le plus fréquent pour la maladie métastatique. Plus de la moitié des personnes atteintes de maladies hépatiques métastatiques décèderont de complications métastatiques. L'électrocoagulation par diathermie est une méthode utilisée pour détruire les tissus tumoraux, en utilisant un courant électrique à haute fréquence générant des températures élevées, appliqué localement avec une électrode (aiguille, lame ou bille). L'objectif de cette méthode est de détruire complètement la tumeur, si possible, en une seule séance. Avec le temps, l'électrocoagulation par diathermie a été remplacée par d'autres techniques, mais les données probantes ne sont pas claires.
Évaluer les effets bénéfiques et nocifs de l'électrocoagulation par diathermie, administrée seule ou avec une autre intervention, par rapport à l'absence d'intervention, à d'autres méthodes d'ablation ou à des traitements systémiques chez les personnes présentant des métastases hépatiques.
Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais contrôlés du groupe Cochrane sur les affections hépato-biliaires, CENTRAL, MEDLINE Ovid, Embase Ovid, LILACS, Science Citation Index Expanded, Conference Proceedings Citation Index - Science, CINAHL, ClinicalTrials.gov, ICTRP et FDA jusqu'en octobre 2020.
Nous avons examiné tous les essais randomisés ayant évalué les bénéfices et les risques de l'électrocoagulation par diathermie, administrée seule ou avec une autre intervention, par rapport à des comparateurs, chez des personnes présentant des métastases hépatiques, indépendamment de la localisation de la tumeur primitive.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Nous avons évalué le risque de biais de l'essai inclus en utilisant des domaines prédéfinis de risque de biais, et nous avons présenté les résultats de la revue en intégrant le niveau de confiance des données probantes à l'aide de GRADE.
Nous avons inclus un essai contrôlé randomisé avec 306 participants (175 hommes ; 131 femmes) qui avaient subi une résection du côlon sigmoïde, et présentant au moins cinq métastases hépatiques visibles et palpables. Le diagnostic a été confirmé par une évaluation histologique (biopsie) et par le niveau d'antigène carcinoembryonnaire (ACE). L’essai s'est déroulé en Irak. L'âge des participants variait entre 38 et 79 ans. Les participants ont été répartis au hasard dans quatre groupes d'étude différents. Les métastases hépatiques ont été biopsiées et traitées (une seule fois) dans trois des groupes : 75 ont reçu une électrocoagulation par diathermie seule, 76 ont reçu une électrocoagulation associée avec l’allopurinol, 78 ont reçu une électrocoagulation associée avec le diméthylsulfoxyde. Dans le quatrième groupe interventionnel, 77 participants servant de témoins ont reçu une solution d'allopurinol de 5 ml 4 fois par jour par voie orale ; les métastases n'ont pas été touchées. L'état du foie et des poumons a été suivi par échographie, sans utilisation de produit de contraste. Les participants ont été suivis pendant cinq ans.
Les analyses sont basées sur des données per protocole analysant seulement 223 participants. Nous avons jugé l’essai que l’essai présentait un risque élevé de biais. Après avoir exclu les « patients non évaluables », les groupes semblaient comparables pour les caractéristiques à l’inclusion.
La mortalité due à la propagation de la maladie lors du suivi à cinq ans était de 98 % dans le groupe électrocoagulation (57/58 personnes évaluables) ; 87 % dans le groupe électrocoagulation associée avec l’allopurinol (46/53 personnes évaluables) ; 86 % dans le groupe électrocoagulation associée avec le diméthylsulfoxyde (49/57 personnes évaluables) ; et 100 % dans le groupe témoin (55/55 personnes évaluables). Nous n'avons pas observé de différence dans la mortalité entre le groupe ayant bénéficié de l'électrocoagulation seule et le groupe témoin (risque relatif (RR) 0,98, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,94 à 1,03 ; 113 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous avons observé un taux de mortalité plus faible dans le groupe électrocoagulation associée avec l'allopurinol ou au diméthylsulfoxyde par rapport au groupe témoin (RR 0,87, IC à 95 % 0,80 à 0,95 ; 165 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Nous sommes très incertains en ce qui concerne les décès postopératoires entre le groupe traité par électrocoagulation seule et le groupe témoin (RR 1,03, IC à 95 % 0,07 à 16,12 ; 152 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et entre les groupes traités par électrocoagulation associée avec l'allopurinol ou au diméthylsulfoxyde et le groupe témoin (RR 1,00, IC à 95 % 0,09 à 10,86 ; 231 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Les auteurs de l'essai n'ont pas communiqué de données sur le nombre de participants présentant d'autres événements indésirables et complications, la récidive des métastases hépatiques, le délai avant la progression des métastases hépatiques, les mesures de la réponse tumorale et la qualité de vie liée à la santé. Les données sur l'échec d’élimination des métastases hépatiques n'ont pas été rapportés pour le groupe témoin.
Il n'y avait aucune information sur le financement ou le conflit d'intérêts.
Nous n'avons pas identifié d’essais en cours.
Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr