Quel est l’objectif de la revue ?
Le but de cette revue Cochrane était de déterminer si les gouttes ophtalmiques de cyclosporine A (CsA) sont utiles dans le traitement du syndrome de l'œil sec. Les chercheurs Cochrane ont réuni et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à cette question et ont trouvé 30 études.
Quel est le message clé de cette revue ?
Il n'est pas clair si les gouttes ophtalmiques CsA réduisent les symptômes et les signes du syndrome de l'œil sec. Les personnes qui utilisent des gouttes de CsA peuvent ressentir des effets indésirables, tels que des brûlures ou des picotements.
Quel est le sujet de la revue ?
La surface de l'œil est humide et recouverte d'une fine couche de larmes. Lorsqu'il y a des problèmes avec cette couche de larmes, les gens peuvent développer une condition courante appelée syndrome de l'œil sec. Les personnes souffrant de ce syndrome peuvent ressentir de l'inconfort (comme si elles avaient quelque chose dans l'œil), des sensations de brûlure ou de la sensibilité à la lumière. Elles peuvent aussi avoir une vision floue et une vision fluctuante qui peut nuire à la conduite et la lecture.
Le syndrome de l'œil sec peut survenir en raison de problèmes de santé sous-jacents, de traitement des yeux ou sans raison apparente. L'inflammation est possiblement une cause sous-jacente du syndrome. Les gouttes de CsA (commercialisées sous le nom de Restasis ou Cequa) visent à améliorer la production de larmes en traitant cette inflammation.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Les chercheurs Cochrane ont trouvé 30 études pertinentes. Ces études ont eu lieu dans de nombreux pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Corée du Sud, Espagne, États-Unis, France, Italie, République tchèque, Suède, Thaïlande, Turquie et le Royaume-Uni). Douze études ont été financées par le fabricant, une par un organisme gouvernemental et les autres études n'ont pas fait état de financement.
Dix-huit études ont comparé la CsA combinée à des larmes artificielles par rapport aux larmes artificielles seules. À 6 mois :
⇨ Il n'y avait que des données probantes de faible certitude quant à savoir si la CsA combinée aux larmes artificielles peut aider à réduire les symptômes et les signes du syndrome de l'œil sec, comparativement aux larmes artificielles seules.
⇨ Il y avait des données probantes non cohérentes de faible certitude quant à savoir si la CsA procure ou non un avantage pour la production de larmes et la stabilité.
⇨ Les personnes qui utilisent la CsA peuvent avoir plus de cellules caliciformes conjonctivales (données probantes de faible certitude). Les cellules caliciformes conjonctivales peuvent jouer un rôle dans la protection de l'œil en sécrétant du mucus (un lubrifiant).
⇨ Les personnes qui utilisent des gouttes de CsA peuvent avoir plus d'effets indésirables liés au traitement, en particulier les yeux qui "brûlent et piquent" (données probantes de faible certitude).
Les autres études ont fait plusieurs autres comparaisons de CsA à différentes concentrations avec placebo ou larmes artificielles. Le compte rendu de ces études ne nous a pas permis de comprendre l'ampleur de l'effet.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les chercheurs Cochrane ont recherché des études qui avaient été publiées jusqu'au 16 février 2018.
Malgré l'utilisation répandue de la CsA topique pour traiter le syndrome de l'œil sec, nous avons constaté que les données probantes sur l'effet de la CsA sur l'inconfort oculaire et les paramètres influençant la surface oculaire et le film lacrymal, mesurés par des examens tels que la coloration à la fluorescéine de la surface cornéenne, le test de Schirmer et le test BUT (mesure du temps de rupture du film lacrymal), ne sont pas cohérentes et parfois ne diffèrent pas de celles constatées avec traitement par véhicule ou larmes artificielles seules pendant les périodes indiquées dans les essais. Une augmentation des effets indésirables sans gravité liés au traitement (particulièrement la sensation de brûlure) est possible chez les participants ayant été traités avec CsA. Un traitement topique avec CsA peut augmenter le nombre de cellules caliciformes conjonctivales. Cependant, les données probantes actuelles ne permettent pas d'affirmer que l'amélioration de la production de mucus conjonctival (par l'augmentation du nombre de cellules caliciformes conjonctivales) se traduit par une amélioration des symptômes de l'œil sec ou des paramètres influençant la surface oculaire et le film lacrymal. Tous les essais publiés étaient de courte durée et n'ont pas évalué si la CsA a des effets modificateurs sur le syndrome de l'œil sec à long terme. Des essais cliniques de grande envergure, bien planifiés et à long terme sont nécessaires pour mieux évaluer les effets modificateurs du traitement par CsA sur le syndrome de l'œil sec à long terme. Un ensemble de critères de jugement de base, qui comprend idéalement à la fois les biomarqueurs et les critères de jugement déclarés par les patients, est nécessaire dans la recherche clinique sur l'œil sec.
La cyclosporine A topique (aussi connue sous le nom de cyclosporine A; CsA) est un anti-inflammatoire qui est largement utilisé pour traiter les maladies inflammatoires de la surface oculaire. Deux gouttes ophtalmiques CsA ont été approuvées par la Food and Drug Administration des États-Unis pour la gestion du syndrome de l'œil sec : Restasis (CsA 0,05 %, Allergan inc, Irvine, CA, É.-U.), approuvé en 2002, et Cequa (CsA 0,09 %, Sun Pharma, Cranbury, NJ, É.-U.), approuvé en 2018. De nombreux essais cliniques ont été réalisés pour évaluer l'efficacité et l'innocuité de la CsA pour le syndrome de l'œil sec ; cependant, il n'existe aucun consensus universel quant à son effet.
Évaluer l'efficacité et l'innocuité de la CsA topique dans le traitement du syndrome de l'œil sec.
Nous avons fait des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) (qui contient le registre Cochrane des essais cliniques sur la vue et les yeux) (2018, numéro 2) ; Ovid MEDLINE ; Embase.com ; PubMed ; LILACS ; ClinicalTrials.gov ; et le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS. Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue ou la date lors des recherches électroniques d'essais. Nous avons consulté les bases de données électroniques pour la dernière fois le 16 février 2018.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) sur des personnes atteintes du syndrome de l'œil sec, sans égard à l'âge, au sexe, ni à la gravité, à l'étiologie ou à la classification du syndrome. Nous avons inclus les ECR dans lesquels différentes concentrations de CsA topiques ont été comparées entre elles ou avec des larmes artificielles, un placebo ou un véhicule. Nous avons également inclus les ECR dans lesquels la CsA combinée aux larmes artificielles a été comparée aux larmes artificielles seules.
Nous avons suivi la méthodologie Cochrane standard et évalué la certitude des données probantes à l'aide du système GRADE.
Nous avons inclus 30 ECR (4009 participants) avec des périodes de suivi allant de 6 semaines à 12 mois. Nous avons étudié différentes sévérités du syndrome de l'œil sec et ses causes sous-jacentes. Les interventions étudiées variaient également d'un ECR à l'autre : CsA par rapport aux larmes artificielles ; CsA combinée aux larmes artificielles par rapport aux larmes artificielles seules ; et dans certaines études, plus d'une concentration de CsA. Les larmes artificielles ont été utilisées comme complément pour étudier les médicaments dans tous sauf cinq des essais. Presque tous les essais présentaient des lacunes dans la communication des résultats (p. ex. la communication des valeurs P ou de l'orientation seulement), ce qui empêchait le calcul d’estimations des effets ou de méta-analyses entre groupes.
Dix-huit essais ont comparé la CsA topique à 0,05 % combinée aux larmes artificielles par rapport à un véhicule combiné aux larmes artificielles ou bien aux larmes artificielles seules. Un essai a fait état de symptômes subjectifs du syndrome de l'œil sec à 6 mois et les résultats étaient en faveur de la CsA (différence moyenne [DM] -4,80, intervalle de confiance [IC] à 95 % : -6,41 à -3,19 ; données probantes de faible certitude). Deux essais ont signalé une DM dans la coloration de la surface oculaire après 6 mois, mais les résultats n'étaient pas uniformes dans ces deux essais (DM -0,35, IC à 95 % : -0,69 à -0,01 dans l'un et DM 0,58, IC à 95 % : 0,06 à 1,10 dans l'autre ; données probantes de faible certitude). Quatre essais cliniques ont fait état d'une DM dans les résultats du test de Schirmer à 6 mois et les estimations variaient de -4,05 (IC à 95 % : -6,67 à -1,73) à 3,26 (IC à 95 % : -1,52 à 5,00) (données probantes de faible certitude). Trois essais ont fait état d'un risque relatif (RR) de l’amélioration des résultats au test de Schirmer à 6 mois ; les estimations variaient de 0,98 (IC à 95 % : 0,83 à 1,17) à 3,50 (IC à 95 % : 2,09 à 5,85) (données probantes de faible certitude). Quatre essais ont fait état d'une DM dans la stabilité du film lacrymal, mesurée par le temps de rupture du film lacrymal à 6 mois, et les estimations variaient de -1,98 (IC à 95 % : -3,59 à -0,37) à 1,90 (IC à 95 % : 1,44 à 2,36) (données probantes de faible certitude). Trois essais ont fait état d'un RR de l’amélioration du temps de rupture du film lacrymal après 6 mois et les estimations variaient de 0,90 (IC à 95 % : 0,77 à 1,04) à 4,00 (IC à 95 % : 2,25 à 7,12) (données probantes de faible certitude). Trois essais ont fait état d'une fréquence d'utilisation de larmes artificielles à 6 mois sans fournir aucune estimation de l'effet ; la direction de l'effet semble être en faveur de la CsA (données probantes de faible certitude). En raison de la communication incomplète des données sur les résultats et de l'hétérogénéité statistique considérable, nous n'avons pu effectuer qu'une méta-analyse de la densité moyenne des cellules caliciformes conjonctivales. La densité moyenne des cellules caliciformes conjonctivales dans le groupe traité par CsA plus vraisemblablement supérieure à celle du groupe témoin à la fin du suivi après quatre et douze mois (DM de 22,5 cellules par unité, IC à 95 % : 16,3 à 28,8 ; données probantes de faible certitude). Tous sauf deux des essais ont signalé des effets indésirables, notamment des sensations de brûlure et de piqûre. Les participants traités par la CsA sont plus vraisemblablement susceptibles d'éprouver des effets indésirables liés au traitement que ceux traités avec un véhicule (RR 1,33, IC à 95 % : 1,00 à 1,78 ; données probantes de faible certitude).
Les autres comparaisons évaluées sont les suivantes : CsA 0,05 % combinée aux larmes artificielles par rapport à des concentrations plus élevées de CsA combinée aux larmes artificielles (4 essais) ; CsA 0,05 % par rapport au placebo ou véhicule (4 essais) ; CsA 0,1 % combinée aux larmes artificielles par rapport au placebo ou véhicule combiné aux larmes artificielles (2 essais) ;
émulsion cationique de CsA 0,1 % combinée aux larmes artificielles par rapport au véhicule combiné aux larmes artificielles (2 essais) ; CsA 1 % combinée aux larmes artificielles par rapport au placebo combiné aux larmes artificielles (3 essais) ; et CsA 2 % combinée aux larmes artificielles par rapport au placebo combiné aux larmes artificielles (3 essais). Presque tous ces essais n'ont fait état que de la valeur P ou de la direction de l'effet (surtout en faveur de la CsA), ce qui rend impossible le calcul d'estimations des effets entre groupes ou de méta-analyses.
Post-édition effectuée par Dara O’Connor et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr