Les preuves actuelles démontrent que la prise orale au long cours d'agents antiviraux peut prévenir les récidives d'herpès labial, mais que le bénéfice clinique est modeste. Nous n'avons pas trouvé de preuve d'un risque accru d'événements indésirables. En revanche, les preuves concernant les agents antiviraux topiques et les autres interventions, soit n'ont montré aucune efficacité de ceux-ci, soit n'ont pas pu en confirmer l'efficacité dans la prévention de l'herpès labial.
L'herpès labial (ou « bouton de fièvre ») est une maladie fréquente des lèvres causée par le virus de l'herpès (VHS), qui se retrouve partout dans le monde. Il se présente comme une éruption vésiculeuse douloureuse, formant des croûtes disgracieuses qui causent un préjudice esthétique et une détresse psychosociale. Il n'existe aucun remède et l'éruption ressurgit périodiquement.
Évaluer les effets des interventions pour la prévention de l'herpès labial chez des patients de tous âges.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes jusqu'au 19 mai 2015 : registre spécialisé du groupe Cochrane sur la dermatologie, registre spécialisé du groupe Cochrane sur la santé bucco-dentaire, CENTRAL dans la Bibliothèque Cochrane (numéro 4, 2015), MEDLINE (à partir de 1946), EMBASE (à partir de 1974), LILACS (à partir de 1982), la base de données China National Knowledge Infrastructure (CNKI), Airiti Library, et 5 registres d'essais. Afin d'identifier d'autres références à des essais contrôlés randomisés pertinents, nous avons passé au crible les bibliographies des études incluses et des revues publiées, et nous avons également contacté les chercheurs d'origine des études que nous avons incluses.
Essais contrôlés randomisés (ECR) d'interventions pour la prévention de l'herpès labial chez des sujets immunocompétents.
Deux auteurs ont sélectionné les essais de manière indépendante, extrait les données et évalué le risque de biais. Un troisième auteur était disponible pour résoudre les divergences d'opinion.
Cette revue a inclus 32 ECR totalisant 2640 participants immunocompétents et portant sur 19 traitements. La qualité du corpus de preuves était faible à modérée pour la plupart des critères d'évaluation, mais très faible pour quelques critères. Nos critères d'évaluation principaux étaient l'incidence de l'herpès labial et les effets indésirables pendant l'utilisation de l'intervention préventive.
Les preuves concernant la prise de courte durée (≤ 1 mois) d'aciclovir par voie orale pour la prévention des récidives d'herpès labial n'étaient pas cohérentes entre les doses utilisées dans les études : 2 ECR ont donné des preuves de faible qualité d'une réduction des récidives sous aciclovir à 400 mg deux fois par jour (risque relatif (RR) 0,26, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,13 à 0,51 ; n = 177), mais un ECR évaluant l'aciclovir à 800 mg deux fois par jour et 2 ECR examinant des doses de 200 mg 5 fois par jour n'ont trouvé aucun effet préventif similaire (RR 1,08, IC à 95 % de 0,62 à 1,87 ; n = 237 ; preuves de qualité modérée et RR 0,46, IC à 95 % de 0,20 à 1,07 ; n = 66 ; preuves de faible qualité, respectivement). Le sens de l'effet de l'intervention n'était pas lié au risque de biais. Les preuves issues d'un ECR portant sur l'effet de la prise de courte durée de valaciclovir sur la réduction des récidives d'herpès labial à l'évaluation clinique étaient incertaines (RR 0,55, IC à 95 % de 0,23 à 1,28 ; n = 125 ; preuves de qualité modérée), de même que les preuves issues d'un ECR évaluant l'utilisation de courte durée du famciclovir.
À long terme (> 1 mois), l'utilisation d'agents antiviraux par voie orale a réduit la récidive de l'herpès labial. Un ECR a donné des preuves de faible qualité que la prise prolongée d'aciclovir par voie orale réduisait les récidives cliniques (1,80 contre 0,85 épisode par participant et par une période de 4 mois, P = 0,009) et virologiques (1,40 contre 0,40 épisode par participant et par période de 4 mois, P = 0,003). Un ECR a déterminé que la prise au long cours de valaciclovir était efficace pour réduire l'incidence de l'herpès labial (avec une diminution de 0,09 épisode par participant et par mois ; n = 95). Un ECR a trouvé qu'un schéma posologique suppressif au long cours avec le valaciclovir donnait une incidence plus faible de l'herpès labial qu'un schéma posologique épisodique avec ce même médicament (différence moyenne (DM) -0,10 épisode par participant et par mois, IC à 95 % de -0,16 à -0,05 ; n = 120).
Ces essais n'ont fait apparaître aucune augmentation des événements indésirables associés à l'utilisation d'agents antiviraux par voie orale (preuves de qualité modérée).
Il n'y avait aucune preuve permettant de démontrer que l'utilisation à court terme d'agents antiviraux topiques prévenait la récidive de l'herpès labial. Des preuves de qualité moyenne issues de 2 ECR montrent que l'aciclovir topique en crème à 5 % n'a probablement que peu d'effet sur la prévention de la récidive de l'herpès labial (RR combiné de 0,91, IC à 95 % de 0,48 à 1,72 ; n = 271). Des preuves de qualité moyenne, issues d'un seul ECR, montrent que le foscarnet topique en crème à 3 % a très peu d'effet sur la prévention de l'herpès labial (RR 1,08, IC à 95 % de 0,82 à 1,40 ; n = 295).
L'efficacité de l'utilisation à long terme de l'aciclovir topique en crème était incertaine. Un ECR a fait apparaître significativement moins de récidives d'herpès labial diagnostiquées par la recherche avec un traitement par une crème à l'aciclovir qu'avec un placebo (P < 0,05), mais n'a trouvé aucune différence significative dans le nombre moyen de récidives rapporté entre les deux groupes (P ≥ 0,05). Un ECR n'a trouvé aucun effet préventif de l'application topique de gel au 1,5-pentanediol pendant 26 semaines (P > 0,05). Un autre ECR a découvert que le groupe ayant utilisé un gel de 2-hydroxypropyl-β-cyclodextrine à 20 % pendant 6 mois avait significativement plus de récidives que le groupe placebo (P = 0,003).
Ces études n'ont révélé aucune augmentation des événements indésirables liés à l'utilisation d'agents antiviraux topiques.
Deux ECR ont montré que l'application d'une protection solaire prévenait significativement les récidives d'herpès labial induites par la lumière ultraviolette dans des conditions expérimentales (RR combiné de 0,07, IC à 95 % de 0,01 à 0,33 ; n = 111), mais dans un autre ECR, la protection solaire ne permettait pas de prévenir les éruptions d'herpès induites par la lumière du soleil (RR 1,13, IC à 95 % de 0,25 à 5,06 ; n = 51). Ces ECR ne rendaient pas compte des événements indésirables.
Nous avons trouvé des données très peu abondantes suggérant que la thymopentine, le traitement par laser à basse intensité et l'hypnothérapie étaient efficaces pour prévenir les récidives d'herpès labial (un ou deux ECR pour chaque intervention). Nous n'avons pas trouvé de preuves de l'efficacité de la lysine, de la supplémentation avec du LongoVital®, des gamma-globulines, du vaccin sous-unitaire contre le virus de l'herpès (VHS) de type I ni du vaccin contre la fièvre jaune dans la prévention de l'herpès labial. Il n'y avait pas de données cohérentes confirmant l'efficacité du lévamisole et de l'interféron, qui étaient par ailleurs associés à un risque accru d'effets indésirables tels que la fièvre.
Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France