Objectif de la revue
Évaluer les effets de la nutrition périopératoire chez les participants subissant une opération pour le traitement du cancer de la vessie.
Contexte
Certaines personnes atteintes d'un cancer avancé de la vessie ont besoin d'une opération appelée cystectomie radicale pour retirer leur vessie, qui présente un risque de complications après l'opération.
Certaines personnes atteintes d'un cancer de la vessie peuvent avoir des difficultés à manger avant ou après l'opération et donc perdre du poids et souffrir de malnutrition. Dans le cadre de cette revue, nous voulions voir si l'apport précoce nutritionnel est plus avantageux que l’attente de la reprise spontanée de l’alimentation usuelle per-os par le patient.
Caractéristiques des études
Les données probantes sont à jour jusqu'au 22 février 2019. Huit études ont été menées, incluant 500 patients hospitalisés. Il y avait sept modes d’administration différents.
Principaux résultats
1. L'alimentation par voie intra-veineuse par opposition à l'alimentation par voie orale : d'après une étude menée auprès de 157 personnes, nous avons constaté que l'alimentation intra-veineuse pouvait augmenter les complications après une chirurgie. Cependant, il pourrait n’y avoir que peu ou pas de différence dans la durée du séjour à l'hôpital.
2. Nutrition immunostimulante par rapport aux suppléments standard : La nutrition immunostimulante contient des niveaux élevés de nutriments qui sont censés améliorer la fonction immunitaire et a été administrée dans le cadre d'une étude portant sur 29 personnes. Nous avons constaté que cette forme de nutrition pourrait diminuer les complications 90 jours après l'intervention chirurgicale, mais pourrait n’avoir que peu d'effet sur la durée du séjour à l'hôpital.
3. Apport nutritionnel préopératoire par rapport à l'alimentation usuelle per-os : d'après une étude menée auprès de 28 personnes, nous ne savons pas avec certitude si les suppléments nutritionnels oraux avant la chirurgie améliorent le taux de complications après la chirurgie. La durée du séjour à l'hôpital n'a pas été reportée.
4. Alimentation postopératoire précoce par rapport aux soins standard : d'après une étude portant sur 102 personnes, l'alimentation postopératoire précoce pourrait augmenter les complications postopératoires après la chirurgie, mais nous sommes très incertains de ce résultat. Les durées du séjour à l'hôpital pourraient être similaires.
5. Acides aminés contre dextrose : les acides aminés sont les éléments constitutifs des protéines et le dextrose est l'eau sucrée. D'après deux études portant sur 104 personnes, nous ne savons pas si le taux de complications pourrait être réduit. Les durées du séjour à l'hôpital pourraient être similaires.
6. Acide aminé à chaîne latérale ramifiée versus dextrose : l’acide aminé à chaîne latérale ramifiée est un type d'acide aminé. D'après une étude portant sur 19 personnes, nous ne savons pas avec certitude si les taux de complications sont similaires. La durée du séjour à l'hôpital n'a pas été reportée.
7. Compléments nutritionnels oraux périopératoires par rapport aux compléments multivitaminés et minéraux : d'après une étude portant sur 61 personnes, les compléments nutritionnels oraux peuvent légèrement diminuer le taux de complications postopératoires, comparativement aux compléments multivitaminés et minéraux. Les durées du séjour à l'hôpital pourraient être similaires.
Valeur probante des données
La certitude des données probantes pour tous les critères de jugement de cette revue était faible ou très faible, ce qui signifie que l'effet réel pourrait être très différent ou est probablement très différent de ce que nous avons constaté.
D'après quelques études datées de petite envergure, avec d’importantes limites méthodologiques, nous avons trouvé peu de preuves sur le bénéfice des interventions de nutrition périopératoires. Nous avons évalué la qualité des données probantes comme étant faible ou très faible, ce qui souligne le besoin urgent d'études de grande qualité pour mieux documenter les interventions d’apport nutritionnel pour les personnes qui subissent une chirurgie du cancer de la vessie.
La cystectomie radicale (CR) est le traitement chirurgical primaire du carcinome urothélial envahissant le muscle de la vessie. Cette opération majeure est généralement associée à un séjour prolongé à l'hôpital, à une période de convalescence prolongée et à des complications potentiellement graves. Les interventions nutritionnelles sont bénéfiques chez certaines personnes atteintes d'autres types de cancer et pourraient être utiles dans ce contexte également.
Évaluer les effets de la nutrition périopératoire chez les personnes subissant une cystectomie radicale pour le traitement du cancer de la vessie.
Nous avons effectué une recherche exhaustive à l'aide de multiples bases de données (Evidence Based Medicine Reviews, MEDLINE, Embase, AMED, CINAHL), registres d'essais cliniques, autres sources de littérature grise et actes de congrès publiés jusqu'au 22 février 2019, sans restriction quant à la langue ou au statut des publications.
Nous avons inclus des essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) d'adultes subissant une CR pour un cancer de la vessie. L'intervention consistait en tout apport nutritionnel périopératoire.
Deux auteurs ont évalué de façon indépendante les études à inclure, les données extraites et le risque de biais ainsi que la qualité des données probantes à l'aide de GRADE. Les principaux critère de jugement étaient les complications postopératoires à 90 jours et la durée du séjour à l'hôpital. Le critère de jugement secondaire était la mortalité jusqu'à 90 jours après l'intervention chirurgicale. Lorsque les données sur les résultats à 90 jours n'étaient pas disponibles, nous avons présenté des données à 30 jours.
La recherche a permis d'identifier huit essais, incluant 500 participants. Six essais ont été menés aux États-Unis et deux en Europe.
1. La nutrition parentérale (NP) par rapport à la nutrition orale : d'après une étude menée auprès de 157 participants, la NP pourrait augmenter les complications postopératoires dans les 30 jours (rapport de risque (RR) 1,40, intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,07 à 1,82 ; preuves de faible qualité). Nous avons abaissé le niveau de qualité des données probantes en raison d’importantes limites de l'étude (risque de sélection, biais de rendement et biais de publication) et d’importantes imprécisions. Cela correspond à 198 complications supplémentaires pour 1000 participants traités (IC à 95 % : 35 supplémentaires à 405 supplémentaires). La durée du séjour à l'hôpital pourrait être semblable (différence moyenne (DM) de 0,5 jour supérieure, IC non rapporté; données probantes de faible qualité).
2. Nutrition immunostimulante par rapport à la nutrition standard : d'après une étude menée auprès de 29 participants, la nutrition immunostimulante pourrait réduire les complications postopératoires à 90 jours (RR 0,31, IC à 95 % : 0,08 à 1,23 ; preuves de faible qualité). Ces résultats correspondent à 322 complications évitées pour 1000 participants traités (IC à 95 % : 429 évitées à 107 supplémentaires). La durée du séjour à l'hôpital pourrait être semblable (DM 0,20 jour, IC à 95 %, 1,69 jour de moins à 2,09 jours de plus ; preuves de faible qualité). Nous avons abaissé le niveau de qualité de la preuve des deux critères de jugements pour cause d'imprécision importante.
3. Apport nutritionnel préopératoire par rapport à un régime alimentaire normal : sur la base d'une étude comprenant 28 participants, nous sommes très incertains quant à la réduction des complications postopératoires par les suppléments oraux préopératoires. Nous avons abaissé le niveau de la qualité des preuves en raison d’importantes limites de l'étude (risque de sélection, de rendement et biais de publication) et d'une très importante imprécision. L'étude n'a pas fait état de la durée du séjour à l'hôpital.
4. Alimentation postopératoire précoce par rapport à la prise en charge postopératoire standard : d'après une étude menée auprès de 102 participants, l'alimentation postopératoire précoce pourrait augmenter les complications postopératoires (preuves de très faible qualité), mais nous sommes très incertains de ce résultat. Nous avons dégradé la qualité des données probantes en raison de graves limites de l'étude (risque de sélection, biais de rendement) et d'une très grande imprécision. La durée du séjour à l'hôpital pourrait être semblable (DM 0,95 jour de moins, IC non rapporté; preuves de faible qualité). Nous avons dégradé la qualité des données probantes en raison de graves limites de l'étude (biais de sélection et de biais de rendement) et de graves imprécisions.
5. Acide aminé avec dextrose versus dextrose : sur la base de deux études avec 104 participants, nous sommes très incertains quant à la réduction des complications postopératoires par les acides aminés (preuves de très faible qualité). Nous ne savons pas non plus avec certitude si la durée du séjour à l'hôpital est similaire (preuves de très faible qualité). Nous avons abaissé le niveau de qualité des données probantes pour les deux critère de jugement pour cause de limites dans l’étude (manque de clarté et risque élevé de biais de sélection ; biais de rendement, biais de publication), d’importants effets indirects liés à la population recrutée ainsi que de très importantes imprécisions.
6. Acides aminés à chaîne ramifiée par rapport au dextrose seul : à partir d'une étude comprenant 19 participants, nous ne savons pas avec certitude si le taux de complications est similaire (preuves de très faible qualité). Nous avons abaissé le niveau de qualité des données probantes pour causes de limites sérieuses dans l'étude (biais de sélection, de rendement, de détection, d'attrition et de publication), d’importants effets indirects liés à la population recrutée ainsi que de très importantes imprécisions. L'étude n'a pas fait état de la durée du séjour à l'hôpital.
7. Compléments nutritionnels oraux périopératoires par rapport aux compléments multivitaminés et minéraux oraux : d'après une étude menée auprès de 61 participants, les compléments oraux pourraient diminuer légèrement les complications postopératoires comparativement aux compléments multivitaminés et minéraux (données probantes de faible qualité). Ces résultats correspondent à 135 complications évitées pour 1000 participants traités (IC à 95 % : 256 de moins à 65 de plus). La durée du séjour à l'hôpital pourrait être semblable (données de faible qualité). Nous avons dégradé la qualité des données probantes des critère de jugement pour cause de limites et d’imprécisions dans l’étude.
Post-édition effectuée Sofyan Jankowski et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr