Question de la revue
Les œstrogènes sont largement utilisés pour supprimer l'ovulation, principalement en tant que contraceptif. Ceci est la première revue systématique visant à évaluer l'efficacité et l'innocuité des préparations non contraceptives à base d'œstrogènes (par voie orale ou sous forme de timbre, d'implant et de gel) pour contrôler les symptômes du syndrome prémenstruel (SPM).
Contexte
Le SPM se caractérise par un éventail de symptômes physiques, psychologiques et comportementaux qui ne sont pas dus à une maladie organique, et qui se produisent pendant la phase lutéale (deuxième moitié) du cycle menstruel et disparaissent au début des règles. On estime actuellement que ce syndrome est dû à des interactions complexes entre des stéroïdes ovariens et des neurotransmetteurs. Un diagnostic clinique nécessite que les symptômes soient confirmés par un enregistrement prospectif pendant au moins deux cycles menstruels et qu'ils génèrent une détresse importante ou une incapacité dans la vie quotidienne (par exemple au travail, à l'école, dans les activités sociales, les loisirs, et les relations interpersonnelles).
Caractéristiques de l'étude
La revue a identifié 524 articles potentiellement pertinents. Seulement cinq essais contrôlés randomisés remplissaient nos critères d'inclusion, et ces derniers comparaient un œstrogène à un placebo auprès d'un total de 305 femmes qui avaient reçu un diagnostic clinique de SPM.
Résultats principaux
Nous avons trouvé des preuves de très faible qualité suggérant que les œstrogènes non compensés administrés par voie orale au cours de la phase lutéale du cycle menstruel ne sont probablement pas efficaces pour contrôler les symptômes du SPM et peuvent même les aggraver. Des preuves de très faible qualité semblent appuyer l'efficacité des œstrogènes en continu (sous forme de timbres transdermiques ou d'implants sous-cutanés) en association avec un progestatif, avec un effet d'une ampleur allant de faible à modérée. Une comparaison entre des doses de 200 microgrammes et 100 microgrammes d'œstrogènes en continu n'était pas concluante en ce qui concerne l'efficacité, mais elle suggérait que la dose la plus faible était moins susceptible d'entraîner des effets secondaires. Il subsiste une incertitude quant à l'innocuité, car les études identifiées étaient trop petites pour fournir des réponses définitives. De plus, aucun des essais inclus n'examinait les effets indésirables qui peuvent survenir au-delà de la durée typique d'un essai de 2 à 8 mois. Ceci suggère que le choix de la dose d'œstrogènes et du mode d'administration pourraient être basés sur les préférences de la femme et être modifiés selon l'efficacité et la tolérance du schéma posologique choisi.
Qualité des preuves
La qualité globale des preuves pour toutes les comparaisons a été considérée comme très faible, principalement en raison du risque de biais dans les études incluses, de l'imprécision (en raison de la petite taille des échantillons) et des différences entre les études.
Nous avons trouvé des preuves de très faible qualité pour étayer l'efficacité des œstrogènes en continu (timbres transdermiques ou implants sous-cutanés) en association avec un progestatif, avec une ampleur de l'effet faible à modérée. Nous avons trouvé des preuves de qualité très faible issues d'une étude réalisée auprès de 11 femmes suggérant que l'œstrogène non compensé administré par voie orale en phase lutéale n'est probablement pas efficace et éventuellement néfaste pour contrôler les symptômes du SPM. Une comparaison entre des doses d'œstrogènes en continu de 200 µg et 100 µg n'était pas concluante en ce qui concerne l'efficacité, mais suggérait que la dose la plus faible était moins susceptible d'entraîner des effets secondaires. Il subsiste une incertitude quant à l'innocuité, car les études identifiées étaient trop petites pour fournir des réponses définitives. De plus, aucun essai inclus ne traitait des effets indésirables qui peuvent survenir au-delà de la durée typique de l'essai de 2-8 mois. Ceci suggère que le choix de la dose d'œstrogène et du mode d'administration pourrait se faire sur une base individuelle selon les préférences de la femme et être modifié selon l'efficacité et la tolérance du schéma posologique choisi.
Le syndrome prémenstruel (SPM) est un trouble somatique et psychologique d'étiologie inconnue, avec des symptômes comprenant généralement irritabilité, dépression, sautes d'humeur, ballonnements, sensibilité mammaire et troubles du sommeil. Environ 3 % à 10 % des femmes qui souffrent de ces symptômes répondent également aux critères du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM). Les symptômes du SPM apparaissent pendant la phase lutéale du cycle menstruel et diminuent à la fin des règles. Le SPM est lié à l'ovulation et pourrait être dû aux interactions de stéroïdes ovariens entraînant un dysfonctionnement des neurotransmetteurs. Les troubles prémenstruels ont un effet dévastateur sur les femmes, leurs familles et leur travail.
Plusieurs options de traitement ont été suggérées pour le SPM, y compris des interventions pharmacologiques et chirurgicales. Les traitements considérés comme étant les plus efficaces relèvent de l'une de deux catégories : la suppression de l'ovulation ou la correction d'une anomalie neuroendocrine supposée.
L'œstradiol transdermique par timbre, gel ou implant arrête efficacement l'ovulation et les changements hormonaux cycliques qui produisent les symptômes cycliques. Ces préparations sont normalement utilisées pour un traitement hormonal et contiennent des doses plus faibles d'œstrogènes que celles trouvées dans les pilules contraceptives. Un traitement raccourci de sept jours d'un progestatif est nécessaire pour la protection endométriale chaque mois, mais peut reproduire des symptômes analogues à ceux du syndrome prémenstruel chez ces femmes.
Déterminer l'efficacité et l'innocuité des préparations non contraceptives à base d'œstrogènes dans la prise en charge du SPM.
Le 14 mars 2016, nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes : le registre des essais du groupe Cochrane relatif à la gynécologie et la fertilité (CGF), le registre Cochrane des essais cliniques (CRSO), MEDLINE, EMBASE, PsycINFO, CINAHL, ClinicalTrials.gov, le métaregistre des essais contrôlés (mREC), et le portail de recherche de la plate-forme du registre international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Nous avons également vérifié les références bibliographiques des articles identifiés.
Nous avons inclus des essais randomisés contrôlés contre placebo ou contre comparateur actif, publiés et non publiés, sur l'efficacité de l'utilisation de préparations non contraceptives à base d'œstrogènes dans la prise en charge du syndrome prémenstruel chez les femmes en âge de procréer avec un SPM diagnostiqué par au moins deux cycles potentiels sans troubles psychiatriques actuels.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment sélectionné les études, évalué le risque de biais, extrait les données sur les symptômes prémenstruels et les effets indésirables, et saisi les données dans le logiciel Review Manager 5. Lorsque cela était possible, une analyse en intention de traiter ou une analyse en intention de traiter modifiée a été utilisée. Les études ont été combinées à l'aide d'un modèle à effets fixes, analysant les essais croisés comme des essais en groupes parallèles. Les différences moyennes standardisées (DMS) avec des intervalles de confiance à 95 % (IC) ont été calculées pour les scores des symptômes prémenstruels. Les risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance à 95 % (IC) ont été calculés pour les résultats dichotomiques. La qualité globale des preuves a été évaluée à l'aide de l'approche GRADE.
La recherche a permis d'identifier 524 articles potentiellement pertinents. Cinq essais contrôlés randomisés éligibles (ECR) ont été identifiés (305 femmes). Des essais utilisant des comprimés, des timbres transdermiques et des implants ont été identifiés. Aucun essai n'utilisait de gels.
Un petit essai croisé (11 femmes, taille effective de l'échantillon de 22 femmes étant donné qu'il s'agit d'un essai croisé) comparait un œstrogène administré par voie orale en phase lutéale par rapport à un placebo. Les données étaient de très faible qualité et inadaptées pour l'analyse, mais les auteurs de l'étude indiquaient que l'intervention était inefficace et pourrait aggraver les symptômes du SPM. Ils indiquaient également qu'il n'y avait pas d'événements indésirables.
Trois études comparaient un œstrogène en continu en association avec un progestatif par rapport à un placebo (avec ou sans progestatif). Ces essais étaient de qualité raisonnable, bien qu'ayant un risque élevé de biais d'attrition et un risque de biais incertain en raison des potentiels effets de report dans deux essais croisés. Les œstrogènes en continu avaient un effet positif léger à modéré sur les scores des symptômes globaux (DMS −0,34, IC à 95 % −0,59 à −0,10, P = 0,005, 3 ECR, 158 femmes, taille effective de l'échantillon = 267 femmes, I² = 63 %, preuves de très faible qualité). Les preuves étaient trop imprécises pour déterminer si les groupes différaient en matière de taux d'arrêts prématurés pour cause d'effets indésirables (RR 0,64, IC à 95 % 0,26 à 1,58, P = 0,33, 3 ECR, 196 femmes, taille effective de l'échantillon = 284 femmes, I² = 0 %, preuves de très faible qualité). De même, les preuves étaient très imprécises dans les mesures d'événements indésirables spécifiques, avec de grandes incertitudes entourant la valeur réelle du risque relatif. Aucune étude ne communiquait de données sur les risques à long terme tels que le cancer de l'endomètre ou le cancer du sein.
Une étude comparait les posologies de timbres (100 µg versus 200 µg d'œstrogène en association à un progestatif dans les deux bras) et présentait un risque élevé de biais de performance, de biais de détection et de biais d'attrition. L'étude n'a pas trouvé de preuve que la posologie affecte les symptômes globaux, mais il y avait beaucoup d'incertitude autour de l'estimation de l'effet (DMS −1,55, IC à 95 % −8,88 à 5,78, P = 0,68, 1 ECR, 98 femmes, preuves de très faible qualité). Les preuves concernant les taux d'arrêt prématuré pour cause d'événements indésirables étaient trop imprécises pour tirer des conclusions (RR 0,70, IC à 95 % 0,34 à 1,46, P = 0,34, 1 ECR, 107 femmes, preuves de faible qualité). Cependant, il semble que la dose de 100 µg pourrait être associée à un plus faible risque global d'événements indésirables attribués à l'œstrogène (RR 0,51, IC à 95 % 0,26 à 0,99, P = 0,05, 1 ECR, 107 femmes, preuves de très faible qualité) avec une grande incertitude autour de l'estimation de l'effet.
La qualité globale des preuves pour toutes les comparaisons était très faible, principalement en raison du risque de biais (spécifiquement d'attrition), d'imprécisions, et de l'hétérogénéité clinique et statistique.
Traduction réalisée par Sophie Fleurdépine et révisée par Cochrane France