Les interventions visant à faciliter la prise de décision partagée réduisent la prescription d'antibiotiques dans les soins primaires à court terme. Les effets sur les taux de prescription à plus long terme sont incertains et des données supplémentaires sont nécessaires afin de déterminer comment toute réduction durable de la prescription d'antibiotiques affecte l'hospitalisation, la pneumonie et le décès.
La prise de décision partagée est une composante importante des soins centrés sur le patient. Il s'agit d'un ensemble de compétences de communication et de pratique basée sur les données probantes qui permettent de recueillir les attentes des patients, de clarifier les perceptions erronées et de discuter des meilleures données disponibles par rapport aux avantages et inconvénients du traitement. Les infections respiratoires aiguës (IRA) sont un des motifs les plus courants de consultation en soins primaires et de prescription d'antibiotiques. Cependant, les antibiotiques offrent peu d'effets bénéfiques pour les IRA, et leur utilisation excessive contribue à la résistance aux antibiotiques – une crise de santé publique en évolution. Une considération plus explicite du compromis entre les avantages et les inconvénients grâce à la prise de décision partagée pourrait réduire la prescription d'antibiotiques pour les IRA en soins primaires.
Évaluer si les interventions visant à faciliter la prise de décision partagée augmentent ou réduisent la prescription d'antibiotiques pour les IRA en soins primaires.
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL (2014, numéro 11), MEDLINE (de 1946 à la 3e semaine de novembre 2014), EMBASE (de 2010 à décembre 2014) et Web of Science (de 1985 à décembre 2014). Nous avons recherché d'autres études publiées, non publiées ou en cours en effectuant des recherches dans les bibliographies des articles publiés, en communiquant avec les principaux auteurs des études et experts en la matière, ainsi qu'en consultant les registres d'essais cliniques du National Institutes of Health et de l'Organisation mondiale de la Santé.
Essais contrôlés randomisés (ECR) (randomisation au niveau individuel ou en grappes), ayant évalué l'efficacité d'interventions visant à promouvoir la prise de décision partagée (en tant que composante principale ou secondaire de l'intervention) par rapport à la prescription d'antibiotiques pour les IRA en soins primaires.
Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait et recueilli les données. L'issue primaire était la prescription d'antibiotiques, et les issues secondaires incluaient les effets cliniques indésirables importants (p. ex. les consultations répétées, les hospitalisations ou la mortalité) ainsi que les mesures de processus (p. ex. la satisfaction du patient). Nous avons évalué le risque de biais de tous les essais inclus ainsi que la qualité des données probantes. Nous avons contacté les auteurs des essais afin d'obtenir les informations manquantes lorsqu'elles étaient disponibles.
Nous avons identifié dix rapports publiés portant sur neuf ECR (un rapport était un suivi à long terme de l'essai original) incluant plus de 1100 médecins en soins primaires et environ 492 000 patients.
Pour la plupart des études, les principaux risques de biais provenaient des participants qui savaient s'ils avaient reçu ou non l'intervention, et nous avons rabaissé l'évaluation de la qualité des données probantes pour cette raison.
Nous avons effectué une méta-analyse sur l'issue primaire et les issues secondaires principales à l'aide d'un modèle à effets aléatoires, et avons officiellement évalué l'hétérogénéité. Les autres résultats sont présentés sous forme narrative.
Il existe des données probantes de qualité modérée démontrant que les interventions visant à faciliter la prise de décision partagée réduisent l'utilisation des antibiotiques pour les IRA en soins primaires (immédiatement après ou dans les six semaines suivant la consultation) en comparaison avec les soins habituels, de 47 % à 29 % : risque relatif (RR) 0,61, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,55 à 0,68. Une réduction de la prescription d'antibiotiques est survenue sans augmentation du nombre de consultations initiées par le patient (RR 0,87, IC à 95 % de 0,74 à 1,03, données probantes de qualité modérée) ou diminution de la satisfaction des patients par rapport à la consultation (RC 0,86, IC à 95 % de 0,57 à 1,30, données probantes de faible qualité). Les données étaient insuffisantes pour évaluer les effets de l'intervention sur la réduction durable de la prescription d'antibiotiques, les effets cliniques indésirables (tels que l'hospitalisation, l'incidence de pneumonie et la mortalité), ou les mesures de l'implication du patient et du proche aidant dans la prise de décision partagée (telles que la satisfaction par rapport à la consultation, le regret ou le conflit décisionnel, ou l'observance au traitement suite à la décision). Aucune étude n'a évalué la résistance aux antibiotiques des organismes colonisateurs ou infectieux.
Traduction : Geneviève Painchaud Guérard, Dt. P., M. Sc., Québec, Canada, pour Cochrane France