Problématique de la revue
Des auteurs de Cochrane voulaient savoir dans quelle mesure différentes méthodes (interventions) sont efficaces pour réduire l'ampleur et la gravité des douleurs à l'épaule après une cœlioscopie gynécologique.
Contexte
La cœlioscopie (aussi appelée laparoscopie) gynécologique est une intervention au cours de laquelle un chirurgien utilise une caméra (laparoscope) pour voir l’intérieur de la partie inférieure de l’abdomen, afin d’examiner l'utérus, les trompes de Fallope et les ovaires. Il peut également utiliser des instruments spécifiques pour effectuer des tests ou traiter certaines affections gynécologiques. Il s'agit d'une procédure courante qui est pratiquée chaque année sur environ 250 000 femmes au Royaume-Uni. Jusqu'à 80 % de ces femmes peuvent éprouver des douleurs à l'extrémité de l'épaule (DEE), ce qui peut être très douloureux et entraîner des séjours prolongés à l'hôpital et même un retour à l'hôpital.
Pendant la cœlioscopie, le chirurgien injecte du gaz (dioxyde de carbone) dans l'abdomen du patient (pneumopéritoine). Ceci gonfle l'abdomen afin que le chirurgien puisse voir les organes de la cavité abdominale et procéder à la chirurgie. Il est possible que le gonflement de l'abdomen stimule un nerf qui va du haut de l'abdomen (diaphragme) jusqu'aux épaules et au cou, ce qui provoque la DEE.
Nous avons examiné plusieurs façons dont les chirurgiens tentent de réduire la DEE : introduire un anesthésique local (analgésique) directement dans la cavité abdominale ou le diaphragme ; utiliser du dioxyde de carbone chauffé, parfois avec de l'humidité ajoutée (humidifié) pendant la chirurgie ; retirer le gaz de la cavité abdominale par des drains ; remplacer le gaz par un fluide (instillation de fluide) ou forcer le gaz hors de la cavité abdominale à la fin de l’opération en augmentant la pression à laquelle le patient doit respirer lorsqu’il est encore sous anesthésique.
Caractéristiques de l’étude
Nos données proviennent de 32 essais contrôlés randomisés (études cliniques où des personnes sont réparties au hasard dans l'un de deux groupes de traitement ou plus) avec 3 284 femmes de 11 pays. Les essais ont comparé différentes façons de réduire l'incidence (nombre de fois où la DEE s'est produite) ou la gravité de la DEE chez les femmes subissant une cœlioscopie gynécologique. Les données probantes sont à jour jusqu'au 8 août 2018.
Résultats principaux
Les femmes ayant subi une cœlioscopie gynécologique peuvent avoir moins de DEE ou avoir besoin de moins d'analgésiques à la suite de plusieurs interventions : une technique spécifique pour exsuffler le pneumopéritoine ; laisser du liquide ou un anesthésique local (analgésique liquide) dans l'abdomen ou placer un drain de l'intérieur vers l'extérieur de l'abdomen pendant une certaine période.
Il existe des données de valeur probante faible à moyenne indiquant que les interventions suivantes peuvent ne pas influer sur l'incidence ou la gravité de la DEE : anesthésie locale (analgésiques liquides) placés seulement dans la partie supérieure de l'abdomen sous le diaphragme ; gaz carbonique réchauffé et humidifié.
Il existe des données de très faible valeur probante indiquant que la cœlioscopie sans gaz peut augmenter la gravité de la DEE, comparativement au traitement standard.
Peu d'études ont signalé des effets secondaires (effets indésirables) et certaines interventions potentiellement utiles n'ont pas été étudiées par les ECR portant sur la cœlioscopie gynécologique.
Nous sommes prudents à l'égard de ces résultats parce que les données des études que nous avons trouvées n'étaient pas de bonne qualité (données de valeur probante faible à moyenne).
Qualité des données probantes
Les études de cette revue n'ont pas utilisé les meilleures méthodes pour recueillir et rapporter leurs données probantes et nous avons pensé qu'elles n'étaient que de qualité faible à moyenne. Cela signifie que nous ne pouvons pas être très confiants dans les résultats.
Des données de valeur probante faible à moyenne indiquent que les interventions suivantes sont associées à une réduction de l'incidence ou de la gravité de la DEE, ou des deux, ou à une réduction des besoins en analgésie chez les femmes qui subissent une cœlioscopie gynécologique : une technique spécifique pour exsuffler le pneumopéritoine ; une instillation intrapéritonéale ; un drain intrapéritonéal ; et un anesthésique local appliqué dans la cavité péritonéale (et non sous le diaphragme).
Il existe des données probantes de qualité faible à modérée indiquant qu’une anesthésie locale intrapéritonéale sous le diaphragme et que le gaz insufflé chauffé et humidifié peuvent ne pas faire de différence quant à l'incidence ou à la gravité de la DEE.
Il existe des données de très faible valeur probante indiquant que la cœlioscopie sans gaz peut augmenter la gravité de la DEE, comparativement au traitement standard.
Peu d'études ont rapporté des données sur les effets indésirables. Certaines interventions potentiellement utiles n'ont pas été étudiées par les ECR de cœlioscopie gynécologique.
La cœlioscopie est une intervention courante utilisée pour diagnostiquer et traiter diverses affections gynécologiques. La douleur à l'extrémité de l'épaule à la suite d’une cœlioscopie touche jusqu'à 80 % des femmes, ce qui peut entraîner une morbidité importante, des retards de sortie d’hôpital et des réadmissions. Des interventions au moment de la cœlioscopie gynécologique ont été mises au point dans le but de réduire l'incidence et la gravité de la DEE.
Déterminer l'efficacité et l'innocuité des méthodes visant à réduire l'incidence et la gravité de la douleur à l'extrémité de l'épaule (DEE) après une cœlioscopie gynécologique.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes : Cochrane Gynaecology and Fertility (CGF) Specialised Register, le Cochrane Central Register of Studies Online (CRSO), MEDLINE, Embase, PsycINFO et CINAHL du début au 8 août 2018. Nous avons également consulté les listes de référence des articles pertinents et les registres des essais en cours.
Essais contrôlés randomisés (ECR) d'interventions utilisées pendant ou immédiatement après une cœlioscopie gynécologique pour réduire l'incidence ou la gravité de la DEE.
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard attendues par Cochrane. Principaux résultats : incidence ou gravité de la DEE et des effets indésirables des interventions ; résultats secondaires : utilisation d'analgésiques, retard de sortie d’hôpital, taux de réadmission, scores de qualité de vie et coûts des soins de santé.
Nous avons inclus 32 études (3284 femmes). Les cœlioscopies dans ces études allaient des procédures diagnostiques aux opérations complexes. La qualité des données probantes variait de très faible à moyenne. Les principales limites étaient le risque de biais, l'imprécision et l'incohérence.
Technique spécifique versus technique "standard" pour exsuffler le pneumopéritoine
L'utilisation d'une technique spécifique pour exsuffler le pneumopéritoine (manœuvre de recrutement alvéolaire, ventilation assistée prolongée ou aspiration active de gaz intra-abdominal) a réduit la gravité de la DEE à 24 heures (différence moyenne standardisée (DMS) -0,66, intervalle de confiance (IC) 95% -0,82 à -0,50 ; 5 ECR ; 670 participants ; I2 = 0%, données de faible valeur probante) et réduit l'utilisation d'analgésique (DMS -0,53, IC 95% -0,70 à -0,35 ; 4 ECR ; 570 participants ; I2 = 91%, données de faible valeur probante). Il semble y avoir peu ou pas de différence en matière d’incidence de la DEE à 24 heures (rapport de cotes (RC) 0,87, IC à 95 % 0,41 à 1,82 ; 1 ECR ; 118 participants ; données de faible valeur probante).
Aucun événement indésirable n'est survenu dans la seule étude évaluant ce résultat.
Instillation de liquide versus pas d’instillation de liquide
L'instillation de liquide est probablement associée à une réduction de l'incidence de la DEE (RC 0,38, IC à 95 % : 0,22 à 0,66 ; 2 ECR ; 220 participants ; I2 = 0 %, données de valeur probante moyenne) et de la gravité (différence moyenne (DM) (sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 10) -2,27, IC à 95 % : -3,06 à -1,48 ; 2 ECR ; 220 participants ; I2 = 29 %, données de valeur probante moyenne) après 24 heures et peut réduire le recours à l’analgésie (DM -12,02, IC à 95 % : -23,97 à -0,06 ; 2 ECR ; 205 participants, données de faible valeur probante).
Aucune étude n’a mesuré les événements indésirables.
Drainage intrapéritonéal versus pas de drain intrapéritonéal
L'utilisation d'un drain intrapéritonéal peut réduire l'incidence de la DEE à 24 heures (RC 0,30, IC à 95 % : 0,20 à 0,46 ; 3 ECR ; 417 participants ; I2 = 90 %, données de faible valeur probante) et peut réduire l'utilisation des analgésiques dans les 48 heures suivant l’intervention (DMS -1,84, IC à 95 % : -2,14 à -1,54 ; 2 ECR : 253 participants ; I2 = 90 %). Nous ne savons pas avec certitude si elle réduit la gravité de la DEE à 24 heures, car les données étaient de très faible valeur probante (DM (de 0 à 10 sur l’EVA) -1,85, IC à 95 % -2,15 à -1,55 ; 3 ECR ; 320 participants ; I2 = 70%).
Aucune étude n’a mesuré les événements indésirables.
Anesthésie locale intrapéritonéale sous le diaphragme versus un contrôle (pas d'instillation de liquide, solution saline normale ou Ringer lactate)
Il y a probablement peu ou pas de différence entre les groupes quant à l'incidence de la DEE (RC 0,72, IC à 95 % : 0,42 à 1,23 ; 4 ECR ; 336 participants ; I2 = 0 % ; données de valeur probante moyenne) et il pourrait n'y avoir aucune différence dans la gravité de la DEE (DM -1,13, IC à 95 % : -2,52 à 0,26 ; 1 ECR ; 50 participants ; données de faible valeur probante), toutes deux mesurées après 24 heures. Cependant, l'intervention peut réduire l'utilisation de l'analgésie postopératoire (DMS-0,57, IC à 95 % -0,94 à -0,21 ; 2 ECR ; 129 participants ; I2 = 51 %, données de faible valeur probante).
Aucun effet indésirable n'est survenu dans aucune étude.
Anesthésie locale dans la cavité péritonéale (et non sous le diaphragme) versus une solution saline normale
L'anesthésie locale dans la cavité péritonéale peut réduire l'incidence de la DEE de 4 à 8 heures après l'intervention (RC 0,23 ; IC à 95 % : 0,06 à 0,93 ; 2 ECR ; 157 participants ; I2 = 56 % ; données de faible valeur probante). Les autres critères de jugement qui nous intéressaient n'ont pas été évalués.
CO2 réchauffé ou réchauffé et humidifié versus CO2 non chauffé et non humidifié
Il peut n'y avoir aucune différence entre ces interventions quant à l'incidence de la DEE après 24 à 48 heures (RC 0,81 95 % IC 0,45 à 1,49 ; 2 ECR ; 194 participants ; I2 = 12 % ; données de faible valeur probante) ou quant à l'utilisation d’analgésiques après 48 heures (DM -4,97 mg morphine, 95 % IC -11,25 à 1,31 ; 1 ECR ; 95 participants ; données de faible valeur probante) ; il existe probablement peu ou aucune différence dans la gravité des symptômes à 24 heures (DM (échelle EVA DE 0 à 10) 0,11, 95% CI -0,75 à 0,97 ; 2 ECR ; 157 participants ; I2 = 50 % ; données de valeur probante moyenne).
Aucune étude n’a mesuré les événements indésirables.
Cœlioscopie sans gaz versus insufflation de CO2
La laparoscopie sans gaz peut être associée à une gravité accrue de la DEE dans les 72 heures suivant l'intervention chirurgicale comparativement au traitement standard (DM 3,8 (échelle EVA de 0 à 30), IC à 95 % : 0,76 à 6,84 ; 1 ECR ; 54 participants, données de faible valeur probante) et il peut n'y avoir aucune différence dans le risque de manifestations indésirables (RC 2,56 ; IC à 95 % : 0,25 à 26,28 ; 1 ECR ; 54 participants, données de faible valeur probante).
Aucune étude n'a mesuré l'incidence de la DEE.
Post-édition effectuée par Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr