Les douleurs neuropathiques sont des douleurs ayant pour origine des lésions nerveuses. Elles sont différentes des messages de douleur émis par des tissus endommagés (par exemple suite à une chute, une coupure ou de l’arthrite du genou) et transmis via des nerfs sains. Les douleurs neuropathiques sont traitées par des médicaments différents de ceux utilisés pour la douleur provenant de tissus endommagés. Les médicaments tels que le paracétamol ou l'ibuprofène ne sont généralement pas efficaces contre les douleurs neuropathiques, tandis que les médicaments qui sont parfois utilisés pour traiter la dépression ou l'épilepsie peuvent être très efficaces chez certaines personnes souffrant de douleurs neuropathiques.
La nortriptyline est un antidépresseur de la même classe de médicaments que l'amitriptyline, qui est largement recommandée pour le traitement des douleurs neuropathiques. La nortriptyline pourrait également être utile contre ces douleurs.
En janvier 2015, nous avons recherché des essais cliniques dans lesquels la nortriptyline était utilisée pour traiter les douleurs neuropathiques chez les adultes. Nous avons trouvé six études, avec 310 participants souffrant de diverses douleurs neuropathiques. Les études étaient randomisées et en double aveugle, mais avaient souvent un petit nombre de participants. Il n'a pas été possible de combiner les informations provenant des différentes études, mais individuellement, la plupart des études ont indiqué que les bénéfices de la nortriptyline (généralement à une dose comprise entre 50 et 100 mg par jour) étaient équivalents à ceux de l'amitriptyline ou la chlorimipramine (d’autres antidépresseurs), la gabapentine (un antiépileptique), la morphine (un opioïde) ou un placebo (données probantes de très faible qualité). La nortriptyline a provoqué des effets indésirables chez plus de personnes que le placebo, mais les chiffres étaient similaires pour la nortriptyline et les autres médicaments actifs (données probantes de très faible qualité).
Il y avait trop peu d'informations de qualité adéquate dans le type d'études sur les douleurs neuropathiques retenues dans cette revue pour s’assurer que la nortriptyline fonctionne comme un médicament contre la douleur. L’efficacité d'autres médicaments est établie.
Nous avons trouvé peu de données probantes pour appuyer l'utilisation de la nortriptyline comme traitement des douleurs neuropathiques incluses dans cette revue systématique. Aucune étude n'a été menée sur le traitement de la névralgie du trijumeau. Les études comportaient des problèmes méthodologiques, en grande partie en raison de leur petite taille, et étaient potentiellement sujettes à des biais importants. Les résultats de cette revue ne soutiennent pas l'utilisation de la nortriptyline comme traitement de première ligne. Il existe des médicaments efficaces avec plus de données probantes existantes à l’appui, comme la duloxétine et la prégabaline.
Les antidépresseurs sont largement utilisés pour traiter les douleurs neuropathiques chroniques (douleur due à une lésion nerveuse), généralement à des doses inférieures à celles auxquelles ils exercent leurs effets antidépresseurs. Nous remplaçons une revue antérieure qui incluait tous les antidépresseurs pour les douleurs neuropathiques par de nouvelles revues de médicaments individuels, qui examinent les différentes douleurs neuropathiques.
La nortriptyline est un antidépresseur tricyclique qui est parfois utilisé pour traiter les douleurs neuropathiques. Elle est recommandée dans les directives européennes, britanniques et américaines.
Évaluer l'efficacité analgésique et les effets indésirables associés à la nortriptyline pour les douleurs neuropathiques chroniques chez les adultes.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), Medline et Embase depuis leur création jusqu’au 7 janvier 2015, ainsi que dans les bibliographies des articles et des autres revues trouvés. Nous avons également consulté deux bases de données d'essais cliniques pour des études en cours ou non publiées.
Nous avons inclus toute étude randomisée en double aveugle et d'une durée d'au moins deux semaines comparant la nortriptyline à un placebo ou à un autre traitement actif contre les douleurs neuropathiques chroniques. Les participants étaient des adultes âgés de 18 ans et plus. Nous avons inclus seulement les articles entiers publiés dans des revues et les résumés d'essais cliniques.
Deux auteurs de la revue ont extrait indépendamment les données concernant l'efficacité et les effets indésirables et ont évalué la qualité des études. Nous avons classé les éléments de preuve dans trois niveaux. Les données probantes de premier niveau sont issues de données répondant aux meilleures normes actuelles et présentant un risque minimal de biais (critère de jugement équivalent à une réduction substantielle de l'intensité de la douleur, analyse en intention de traiter sans imputation pour les abandons ; au moins 200 participants dans la comparaison, durée de 8 à 12 semaines, essai en groupes parallèles) ; les données probantes de deuxième niveau sont issues de données ne répondant pas à un ou plusieurs de ces critères et considérées comme présentant un certain risque de biais mais avec un nombre suffisant dans la comparaison ; et les données probantes de troisième niveau sont issues de données impliquant un petit nombre de participants et jugées très susceptibles d'être biaisées, ou utilisant des critères de jugement d'utilité clinique limitée, ou les deux.
Nous avions prévu de calculer le risque relatif (RR), le nombre de sujets à traiter (NST) pour un effet bénéfique supplémentaire, et le nombre nécessaire pour nuire (NNN) en utilisant les méthodes standard requises par Cochrane.
Nous avons inclus six études traitant 310 participants (âge moyen ou médian de 49 à 64 ans) souffrant de diverses douleurs neuropathiques. Cinq études utilisaient un plan croisé et une autre un plan parallèle ; 272 participants ont été randomisés pour être traités avec de la nortriptyline, 145 avec un placebo, 94 avec de la gabapentine, 56 avec de la gabapentine plus de la nortriptyline, 55 avec de la morphine, 55 avec de la morphine plus nortriptyline, 39 avec de la chlorimipramine et 33 avec de l'amitriptyline. Les périodes de traitement duraient de trois à huit semaines. Toutes les études présentaient une ou plusieurs sources de biais potentiels majeurs.
Il n’y avait pas d’étude fournissant de données probantes de premier ou de deuxième niveau pour l’un des critères de jugement. Seule une étude a rapporté le nombre de personnes ayant une réduction de la douleur d'au moins 50 %, ce qui était notre critère principal. Rien n'indiquait que la nortriptyline ou la gabapentine étaient plus efficaces contre les névralgies post-zostériennes (données probantes de très faible qualité). Deux études ont rapporté le nombre de personnes ayant au moins un soulagement modéré de la douleur, et une autre a rapporté le nombre de personnes satisfaites de leur soulagement de la douleur et ayant des effets indésirables tolérables. Nous avons considéré ces critères de jugement comme équivalents à notre autre critère principal, à savoir une impression globale de changement du patient (Patient Global Impression of Change, PGIC) correspondante à une amélioration importante ou très importante.
Nous n'avons pas pu mettre en commun les données, mais les preuves de troisième niveau dans les études individuelles indiquaient une efficacité similaire à d'autres interventions actives (gabapentine, morphine, chlorimipramine et amitriptyline) et à un placebo dans les conditions étudiées (données probantes de très faible qualité). Les effets indésirables étaient rapportés de manière incohérente et fragmentée. Les participants ont été plus nombreux à signaler des effets indésirables avec la nortriptyline qu'avec le placebo. Les nombres étaient similaires entre la nortriptyline, d’autres antidépresseurs (amitriptyline et chlorimipramine) et la gabapentine, et un peu plus élevés avec la morphine (données probantes de très faible qualité). Aucune étude n'a fait état d’effets indésirables graves ou de décès.
Post-édition : Marie Hubert - Révision : Alicia Kodsi (M2 ILTS, Université de Paris)