Question de la revue : Le paracétamol est-il efficace et sans danger pour la prévention ou le traitement de la douleur post-opératoire ou de la douleur associée à des pathologies cliniques chez les nouveau-nés ?
Contexte :Les nouveau-nés ont la capacité de ressentir la douleur. Les nouveau-nés soignés dans les unités néonatales de soins intensifs sont exposés à de nombreuses procédures douloureuses. Les nouveau-nés en bonne santé sont également exposés à des douleurs si l'accouchement par voie basse est réalisé par aspiration ou avec des forceps et lors des prélèvements de sang pour les tests de dépistage.
Caractéristiques de l'étude : Nous avons identifié neuf études qui comparent l’efficacité du paracétamol par rapport à un placebo ou à d'autres interventions antalgiques chez 728 nourrissons. La recherche bibliographique a été mise à jour en mai 2016.
Résultats principaux : Lors de la ponction au talon, l'utilisation du paracétamol n'a pas réduit la douleur comparé à un placebo (de l'eau ou un élixir à la cerise) ou à la crème EMLA (un mélange eutectique de lidocaïne et de prilocaïne). L'usage du paracétamol était associé à une plus forte réponse à la douleur que celle ayant été observée avec du glucose. Le paracétamol n'a pas réduit la douleur chez les nourrissons exposés à une ventouse obstétricale ou à des forceps à la naissance, et leur réponse à la douleur lors d'une ponction au talon réalisée deux à trois jours après l'accouchement était majorée par rapport à un placebo. Lors de l'examen oculaire, le paracétamol était efficace pour réduire la douleur par rapport à de l'eau dans une seule étude, mais la réponse à la douleur parmi les nourrissons soignés au paracétamol était plus importante que chez les nourrissons ayant reçu 24 % de sucrose. Chez les nourrissons recevant du paracétamol et de la morphine par rapport à la morphine seule, la quantité totale de morphine nécessaire au cours des premières 48 heures après une chirurgie majeure à la poitrine ou à l'abdomen était inférieure dans le groupe recevant du paracétamol. Le paracétamol n'a pas permis de réduire significativement la douleur au cours de la ponction au talon. Le paracétamol offert suite à une naissance assistée peut augmenter la réponse à des interventions douloureuses réalisées plus tard. Le paracétamol peut réduire la quantité totale de morphine nécessaire suite à une chirurgie majeure, et des recherches supplémentaires sont nécessaires quant à cette utilisation.
Qualité des preuves : De manière générale, les études étaient de bonne qualité, mais le nombre de nourrissons recrutés dans les différentes études était limité. La qualité globale des preuves était faible.
La qualité limitée des données existantes et leur faible quantité ne fournissent pas suffisamment de preuves pour établir le rôle du paracétamol dans la réduction des effets des procédures douloureuses chez les nouveau-nés. Le paracétamol administré après l'accouchement assisté par voie basse peut augmenter la réponse aux futures expositions douloureuses. Le paracétamol peut réduire la quantité totale de morphine nécessaire suite à une chirurgie majeure, et des recherches supplémentaires sont nécessaires par rapport à cette utilisation.
Les nouveau-nés peuvent ressentir des douleurs. Les enfants hospitalisés sont exposés à de nombreuses procédures douloureuses. Les nouveau-nés en bonne santé sont exposés à des douleurs si l'accouchement par voie basse est réalisé par aspiration ou avec des forceps et lors des prélèvements de sang pour les tests de dépistage.
Déterminer l'efficacité et l'innocuité du paracétamol pour la prévention ou le traitement de la douleur postopératoire/procédurale ou de la douleur associée à des pathologies cliniques chez les nouveau-nés. Examiner les effets de différentes doses et voies d'administration (entérale, par voie intraveineuse ou par voie rectale) du paracétamol pour la prévention ou le traitement de la douleur chez les nouveau-nés.
Nous avons utilisé la stratégie de recherche standard du groupe de revue Cochrane sur la néonatologie pour consulter le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL 2016, numéro 4), MEDLINE via PubMed (de 1966 au 9 mai 2016), Embase (de 1980 au 9 mai 2016) et CINAHL (de 1982 au 9 mai 2016). Nous avons également effectué des recherches dans les bases de données d'essais cliniques, Google Scholar, les actes de conférence ainsi que les références bibliographiques contenues dans les articles trouvés.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés et quasi-randomisés comparant le paracétamol pour la prévention ou le traitement de la douleur chez les nouveau-nés (âgés de ≤ 28 jours).
Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données des articles à l'aide de formulaires conçus à cet effet. Nous avons utilisé ces formulaires pour décider de l'inclusion/exclusion des essais, pour extraire les données des essais éligibles et afin de solliciter des informations supplémentaires auprès des auteurs des rapports originaux. Nous avons saisi et recoupé les données à l'aide du logiciel RevMan 5. Lorsque des désaccords ont été constatés, nous les avons résolus par la discussion mutuelle et le consensus. Nous avons utilisé l'approche GRADE pour évaluer la qualité des preuves.
Nous avons inclus neuf essais présentant un faible risque de biais, qui évaluaient le paracétamol pour le traitement de la douleur chez 728 nourrissons. Les procédures douloureuses étudiées incluaient la ponction au talon, l'accouchement par voie basse assisté, l'examen oculaire pour l'évaluation de la rétinopathie du prématuré et les soins post-opératoires. Les résultats des études individuelles n'ont pas pu être combinés dans des méta-analyses car les affections douloureuses, l'utilisation du paracétamol, les interventions de comparaison et les mesures des résultats variaient. Le paracétamol par rapport à de l'eau, un élixir à la cerise ou une crème à l'EMLA (un mélange eutectique de lidocaïne et de prilocaïne) n'a pas permis de réduire significativement la douleur après une ponction au talon. Le score Premature Infant Pain Profile (PIPP) dans les trois minutes après une piqûre était plus élevé dans le groupe recevant du paracétamol que dans le groupe recevant du glucose par voie orale (différence moyenne (DM) 2,21, intervalle de confiance à 95 % (IC) 0,72 à 3,70 ; une étude, 38 nourrissons). Le paracétamol n'a pas réduit le score de « l'échelle des visages » après l'accouchement par voie basse assisté (une étude, 119 nourrissons). Dans une autre étude (n = 123), le score obtenu avec l'Échelle de Douleur et d'Inconfort du Nouveau-Né chez les nourrissons âgés de deux heures était significativement plus élevé dans le groupe ayant reçu un suppositoire de paracétamol que dans le groupe des suppositoires placebo (DM 1,00, IC à 95 % 0,60 à 1,40). Dans cette étude, lorsque les nourrissons ont été soumis à une ponction au talon après deux ou trois jours de vie, les scores de l'échelle Bernese Pain Scale des nouveau-nés étaient plus élevés dans le groupe du paracétamol que dans le groupe sous placebo, et les nourrissons ont passé plus de temps à pleurer (DM 19 secondes, IC à 95 % 14 à 24). Pour l'examen oculaire, aucune réduction significative dans les scores PIPP lors des premières et dernières 45 secondes de l'examen n'a été rapportée, ni même cinq minutes après celui-ci. Dans une étude (n = 81), le score PIPP était significativement plus élevé dans le groupe du paracétamol que dans le groupe recevant du saccharose 24 % (DM 3,90, IC à 95 % 2,92 à 4,88). Dans une étude (n = 114), le score PIPP pendant l'examen oculaire était significativement plus faible dans le groupe du paracétamol que dans le groupe recevant de l'eau (DM -2,70, IC à 95 % -3,55 à 1,85). Pour les soins post-opératoires après une chirurgie majeure, la quantité totale de morphine (µg/kg) administrée sur 48 heures était significativement inférieure chez les nourrissons assignés au groupe du paracétamol que dans le groupe recevant la morphine (DM -157 µg/kg, IC à 95 % de -27 à -288). Aucun événement indésirable n'a été signalé dans ces études. La qualité des preuves était faible conformément à la méthode GRADE.
Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France