Quel est le but de cette revue ?
Le but de cette revue Cochrane était de déterminer si la prescription par des professionnels de santé autres que les médecins donne des résultats comparables à la prescription par les médecins. Les chercheurs de Cochrane ont recueilli et analysé toutes les études pertinentes afin de répondre à cette question et trouvé 46 études.
Principaux messages
Bien formés et soutenus, les infirmiers et les pharmaciens sont capables de prescrire des médicaments pour traiter des problèmes de santé très divers en obtenant des résultats de gestion de la maladie comparables aux médecins. La majorité des études se concentrent sur la prise en charge des maladies chroniques dans les pays à revenu élevé, où des données probantes de qualité moyenne font apparaître des résultats similaires pour les marqueurs de la maladie dans l’hypertension artérielle, le diabète et l’hypercholestérolémie. Des études supplémentaires de bonne qualité devront être menées dans les pays plus pauvres et dans le but de mieux quantifier les différences entre les résultats de la prescription en termes d’événements indésirables, ainsi que de déterminer les résultats pour l’économie de la santé. D’autres études pourraient également porter plus spécifiquement sur la composante de prescription des soins.
Qu'est-ce qui a été étudié dans cette revue ?
Dans différents pays, des professionnels de santé autres que les médecins sont autorisés à prescrire des médicaments. Ce changement des rôles est censé permettre un accès amélioré et rapide aux médicaments pour les usagers de soins lorsqu’il y a pénurie de médecins ou que le fardeau des maladies pèse lourdement sur le système de santé. En outre, ce changement de tâches a été préconisé par différents gouvernements comme un moyen de mieux utiliser les compétences des professionnels de santé tels que les infirmiers et pharmaciens dans les soins aux patients. Nous avons comparé les résultats de tous les professionnels de santé autorisés à prescrire de façon largement autonome à ceux des médecins prescripteurs à l’hôpital ou en pratique de ville, dans des pays à revenus bas, moyens et élevés.
Quels sont les principaux résultats de la revue ?
Cette revue a identifié 45 études où la prescription par des infirmiers et pharmaciens disposant d’une large autonomie était comparée à la prescription habituelle par les médecins. Une autre étude comparait la prescription par un infirmier suivant des directives avec les soins habituels avec prescription par un infirmier. Nous n’avons trouvé aucune étude avec d’autres professionnels de santé ou des prescripteurs extérieurs au milieu médical. Quatre études portant sur les prescriptions par des infirmiers ont été menées dans des pays à bas et moyens revenus : Colombie, Afrique du Sud, Ouganda et Thaïlande. Les autres études ont été réalisées dans des pays occidentaux à revenus élevés. Quarante-deux des études identifiées ont été menées en pratique de ville, deux études dans des hôpitaux, une étude en médecine du travail et une étude dans un établissement de soins pour personnes âgées. La prescription constituait seulement une partie des interventions de santé, en particulier dans la prise en charge de maladies chroniques.
La revue a découvert que les résultats des prescripteurs non médecins étaient comparables à ceux des médecins pour l’hypertension artérielle (données modérément sûres), le contrôle du diabète (données très sûres), l’hypercholestérolémie (données modérément sûres), les événements indésirables (données peu sûres), l’observance du traitement médicamenteux (données modérément sûres), la satisfaction des patients envers les soins (données modérément sûres) et la qualité de vie liée à la santé (données modérément sûres).
Des pharmaciens et des infirmières à différents niveaux d’études et de formation pratique dans le cadre d’une maladie ou d’une situation spécifique ont été capables d’obtenir des résultats de prescription comparables à ceux des médecins. Les prescripteurs non médecins étaient souvent assistés par un médecin dans le cadre d’un modèle de pratique en collaboration.
Cette revue est-elle à jour ?
Les auteurs de la revue ont cherché les études qui avaient été publiées jusqu’au 19 juillet 2016.
Les résultats suggèrent que les prescripteurs non médecins, exerçant avec une autonomie variable (mais généralement large) dans différents contextes, ont été aussi efficaces que les médecins prescripteurs dans les soins habituels. Ils ont obtenu des résultats comparables sur la tension artérielle systolique, l’hémoglobine glyquée, le cholestérol LDL, l’observance du traitement, la satisfaction du patient et la qualité de vie liée à la santé. Il a été difficile de déterminer l’impact de la prescription par des non-médecins par rapport à la prescription par des médecins sur les paramètres d’événements indésirables et d’utilisation des ressources, en raison de l’incohérence et de la variabilité des rapports sur l’ensemble des études. Les études futures devront être plus rigoureuses et identifier clairement les critères d’évaluation cliniques, rapportés par les patients, d’utilisation des ressources et économiques de la prescription par des non-médecins, dans des pays à bas et hauts revenus.
Des stratégies d’emploi du personnel de santé diversifiées sont nécessaires pour répondre aux besoins en services de santé dans les pays à revenus élevés, moyens et bas. La prescription par des non-médecins est une attribution des infirmiers, des pharmaciens, des professions paramédicales et des médecin assistants, qui se substituent au médecin dans le rôle de prescripteur, suivant une approche possible pour améliorer l’accès aux médicaments.
Évaluer les résultats cliniques, rapportés par les patients et d’utilisation des ressources de la prescription par des non-médecins pour le traitement de pathologies aiguës et chroniques dans le cadre des soins primaires et secondaires, par rapport à la prescription par un médecin (soins habituels).
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données, y compris CENTRAL, MEDLINE, Embase, et cinq autres bases de données le 19 juillet 2016. Nous avons également effectué des recherches dans la littérature grise et une recherche manuelle dans les bibliographies des articles et publications pertinentes.
Essais contrôlés randomisés (ECR), ECR en grappes, études contrôlées avant-après (CAA) (avec au moins deux interventions et deux sites de contrôle) et analyse de séries temporelles interrompues (avec au moins trois observations avant et après l’intervention) comparant : 1) la prescription par des non-médecins et par des médecins dans les soins en phase aiguë ; 2) la prescription par des non-médecins et par des médecins dans les soins chroniques ; 3) la prescription par des non-médecins et par des médecins dans les soins secondaires ; 4) la prescription par des non-médecins et par des médecins dans les soins primaires ; 5) différents groupes de prescripteurs non médecins et 6) des prestataires de soins de santé non médecins ayant reçu une formation structurée à la prescription et des prestataires sans formation à la prescription.
Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane. Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment les études à inclure, extrait les données et évalué la qualité de l’étude. Les divergences ont été résolues par la discussion. Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment le risque de biais des études incluses, selon les critères EPOC. Nous avons effectué des méta-analyses en utilisant le modèle à effets fixes lorsque les études examinaient le même effet de traitement et pour tenir compte des échantillons de petite taille. Nous avons comparé les résultats à un modèle à effets aléatoires lorsqu’il existait une hétérogénéité clinique ou statistique.
Nous avons inclus 46 études (37 337 participants) ; les prescriptions par des non-médecins étaient établies par des infirmiers dans 26 études et des pharmaciens dans 20 études. Dans 45 études, la prescription par des non médecins en tant que composante des soins était comparée aux soins habituels avec prescription par un médecin. Une autre étude comparait la prescription par un infirmier s’appuyant sur des directives de prescription avec les soins habituels avec prescription par un infirmier. Nous n’avons trouvé aucune étude dans laquelle les prescriptions par des non-médecins étaient établies par d’autres professionnels de santé. Le niveau d’éducation requis des non-médecins pour avoir le droit de prescrire était variable selon les pays et les lieux.
Une méta-analyse des marqueurs de substitution de maladie chronique (tension artérielle systolique, hémoglobine glyquée et cholestérol LDL) a montré des effets positifs dans le groupe d’intervention. Il y avait des données modérément sûres dans les études de la tension artérielle à 12 mois (différence moyenne (DM) -5,31 mmHg, intervalle de confiance (IC) à 95 % de -6,46 à -4,16 ; 12 études, 4229 participants) et du cholestérol LDL (DM -0,21, IC à 95 % de -0,29 à -0,14 ; 7 études, 1469 participants). Nous avons rabaissé la certitude des données, qui était élevée, en raison de graves problèmes d’incohérence (hétérogénéité considérable), des multiples dimensions des interventions et des variations dans l’autonomie des prescripteurs. Nous avons trouvé des données probantes très sûres dans des études comparatives de suivi de l’hémoglobine glyquée à 12 mois (DM -0,62, IC à 95 % de -0,85 à -0,38 ; 6 études, 775 participants). Bien qu’il existe peu de différence dans l’observance du traitement entre les études, une méta-analyse des données continues de résultat de quatre études a montré un effet en faveur de l’observance dans le groupe de prescription par un non-médecin (DM 0,15, IC à 95 % de 0,00 à 0,30 ; 4 études, 700 participants). Nous avons abaissé au niveau moyen la certitude des données en raison d’un grave risque de biais d’exécution. Bien que l’on observe peu de différence dans les événements indésirables concernant les patients entre les groupes de traitement, nous avons abaissé la certitude au niveau faible en raison du caractère indirect des données car les différents événements indésirables pourraient ne pas être liés à l’intervention et une notification sélective n’a pas correctement rendu compte des événements indésirables dans de nombreuses études.
Les patients étaient généralement satisfaits des soins du prescripteur non médecin (14 études, 7514 participants). Nous avons abaissé l’utilité des données probantes du niveau élevé au niveau moyen en raison du caractère indirect des données car la satisfaction vis-à-vis de l’aspect de prescription des soins n’était examinée que dans une seule étude et les mesures de la satisfaction étaient variables et utilisaient rarement des outils validés. Une méta-analyse des scores de qualité de vie liée à la santé (SF-12 et SF-36) a mis en évidence une différence en faveur des soins habituels pour le score de composante physique (DM 1,17, IC à 95 % de 0,16 à 2,17), mais pas pour le score de composante mentale (DM 0,58, IC à 95 % de -0,40 à 1,55). Cependant, la qualité de vie pourrait rendre compte davantage d’une mesure composite des soins que de la composante de prescription ; c’est pourquoi nous avons abaissé la certitude des données au niveau moyen en raison de la mesure indirecte de l’effet. Des mesures de l’utilisation des ressources très diverses ont été rapportés dans les études, sans faire apparaître de grandes différences entre les groupes en hospitalisation, aux urgences et en consultation externe. Dans la majorité des études rendant compte de l’utilisation de médicaments, les prescripteurs non médecins prescrivaient davantage de médicaments, à des posologies plus élevées, et utilisaient des médicaments plus variés que les médecins prescripteurs dans les soins habituels.
Le risque de biais dans les études était généralement faible pour le biais de sélection (génération de séquences aléatoires), le biais de détection (mise en aveugle de l’évaluation des résultats), le biais d’attrition (données de résultat incomplètes) et le biais de notification (notification sélective). Il y avait un risque incertain de biais de sélection (assignation secrète) et d’autres biais et un risque élevé de biais d’exécution (mise en aveugle des participants et du personnel).
Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France